Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de la loi de programmation militaire, qui vise à adapter notre outil de défense dans les six prochaines années, nous conduit très logiquement à nous interroger sur l'évolution du contexte international et sur la nature des menaces auxquelles nous devons faire face. Aujourd'hui, celles-ci sont géographiquement plus lointaines et de nature plus incertaine que dans un passé récent. Nos frontières ne sont plus menacées directement et les zones de conflit s'éloignent de notre voisinage immédiat. J'en veux pour preuve l'audition la semaine dernière, par la commission des affaires étrangères, du Président de la République de Serbie. S'exprimant à propos du Kosovo, Boris Tadic a très clairement indiqué sa volonté de ne plus recourir à la force pour régler le contentieux avec le Kosovo, mais de privilégier le dialogue et la voie diplomatique pour trouver une solution politique.
Avec la signature de nombreux accords d'association et la mise en place du partenariat oriental qui concourt à la stabilisation du voisinage de l'Union européenne, la menace a quitté les frontières de l'Europe. Elle se trouve aujourd'hui en Corée du Nord ; elle se trouve aussi au Pakistan ou en Afghanistan, comme le montrent les travaux d'Henri Plagnol et de Jean Glavany, qui présenteront prochainement leur analyse et leurs propositions pour aider ces deux pays à ne plus être des sanctuaires pour le terrorisme international et les trafics en tous genres.
Plus éloignée, la menace a également changé de nature. La mission d'information sur la prolifération, conduite par Jean-Michel Boucheron et Jacques Myard, estime, par exemple, que l'utilisation par un groupe terroriste d'une bombe sale constitue une perspective bien plus redoutable que l'arsenal russe. Ce dernier pourrait même être considérablement réduit, si la Russie accepte d'engager le dialogue stratégique que lui propose le Président Obama.
Ces quelques rappels montrent que nous avons besoin, aujourd'hui plus que jamais, d'une armée facilement projetable et plus apte à anticiper les risques réels que sont notamment la faillite d'un État, par exemple en Somalie, désormais haut lieu de la piraterie maritime, ou les groupes terroristes internationaux, dont l'influence s'étend en Asie, mais également dans le Maghreb et aux frontières du Sahel.
La loi de programmation répond à ces préoccupations actuelles.
Tout d'abord, nos moyens de connaissance et d'anticipation sont renforcés. Les capacités technologiques du renseignement sont ainsi accrues, notamment en matière d'imagerie spatiale et de drones. Surtout, le renseignement humain, dont l'importance est aujourd'hui cruciale, fait l'objet d'un effort appréciable avec l'embauche de 700 personnels.
En second lieu, plutôt que le lancement de projets trop nombreux et inadaptés aux besoins du terrain, le présent projet de loi privilégie quelques programmes clés, comme la mise au point d'un système d'alerte avancée contre les missiles ou l'amélioration de la protection de nos troupes sur les théâtres.
Mais l'adaptation de nos armées doit aussi s'analyser en lien avec les ensembles plus larges dans lesquels s'inscrit notre défense : l'Union européenne et l'OTAN. La présente loi de programmation rappelle opportunément les engagements pris par le Président de la République : l'approfondissement de l'Europe de la défense qu'ont permis la récente présidence française de l'Union européenne et la réintégration dans l'OTAN.
La France se verra confier le commandement allié à la transformation, soit l'un des deux postes de commandement suprême, le commandement de l'état-major de Lisbonne et, à l'état-major suprême de Bruxelles, les postes de chef de la planification de défense et de chef de la préparation opérationnelle.
Nous sommes donc armés pour contribuer largement à la redéfinition complète du concept stratégique de l'OTAN. Les nouvelles menaces devront être plus clairement désignées, la dimension civile des opérations mieux prise en compte et les rapports avec l'ONU clarifiés.
La loi de programmation militaire ouvre donc de nombreuses perspectives. Toutefois, monsieur le ministre, quelques sujets de préoccupation subsistent. Vous les connaissez, ils viennent d'être détaillés par le président de la commission de la défense.
D'abord, l'Union européenne doit être dotée de moyens de commandement autonomes. L'Europe ne doit pas dépendre des moyens d'une nation ni de ceux de l'OTAN pour conduire ses opérations sur le terrain. Quand le centre de commandement européen sera-t-il mis en place ?
Par ailleurs, nos capacités de projection doivent être améliorées. Des réponses urgentes doivent être apportées aux errements récurrents que rencontrent le programme A400M et celui de l'hélicoptère de transport NH90.
Cela étant précisé, la loi de programmation représente un effort considérable en faveur de nos armées. Sur l'ensemble de la période, ce sont 185 milliards d'euros que le Président de la République et le Gouvernement ont décidé de consacrer à notre outil de défense, ce qui permet d'envisager sereinement les évolutions à venir. En raison de l'importance du soutien financier qu'elle offre à nos armées et du choix d'en concentrer l'utilisation sur les programmes les plus urgents, je vous invite, mes chers collègues, à vous prononcer en faveur de l'adoption de la présente loi de programmation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)