Monsieur le président, mesdames, messieurs, l'Assemblée nationale est saisie, en première lecture, du projet de loi pour le pouvoir d'achat, dont les mesures s'inscrivent dans le prolongement de réformes déjà engagées ou mises en oeuvre pour répondre à une préoccupation prioritaire des Français. Elles poursuivent un même objectif : la revalorisation du travail – tant en termes de valeur que d'amélioration du quotidien – qui permet de favoriser la croissance et la réduction du chômage.
L'action sur le pouvoir d'achat passe notamment par un accroissement de la durée du travail, laquelle permettra d'agir sur la croissance et l'évolution de l'emploi. Ces différentes questions sont indissociables.
La loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat a constitué de ce point de vue une étape importante, en établissant un dispositif d'exonérations fiscales et sociales sur le coût du travail supplémentaire travaillé. Les rémunérations versées aux salariés au titre de ce travail ouvrent droit depuis le 1er octobre 2007 à une exonération d'impôt sur le revenu, à une réduction de cotisations salariales et à une déduction forfaitaire des cotisations patronales.
N'oublions pas, cependant, que de nombreuses autres réformes sont aujourd'hui engagées pour atteindre le plein emploi, c'est-à-dire un taux de 5 % de demandeurs d'emploi et un taux d'activité de 70 %. Le projet de loi relatif à la réforme du service public de l'emploi a été présenté en Conseil des ministres jeudi dernier et doit être discuté dans les semaines à venir par notre assemblée. D'autres réformes nous attendent, comme celle de la formation professionnelle.
Lors de son intervention du jeudi 29 novembre 2007, le Président de la République a proposé aux partenaires sociaux, salariés comme patronat, l'organisation d'une conférence sociale – qui doit se tenir demain – afin d'établir en commun l'« agenda social » de 2008. La sécurisation des parcours professionnels – ou comment donner davantage de flexibilité aux entreprises tout en apportant plus de garanties aux salariés ? – fera partie des questions évoquées, de même que l'emploi des jeunes et des seniors, la nécessité de revoir les critères de représentativité des syndicats ou encore la question du temps de travail.
Nous savons que le pouvoir d'achat est devenu la préoccupation prioritaire des Français. C'est pourquoi le Gouvernement a inscrit dans un délai très court ce projet de loi à notre ordre du jour. J'émets le souhait que notre assemblée puisse disposer à l'avenir du temps nécessaire à un examen attentif dans le respect des droits de chacun.
C'est dans ce contexte que doivent être envisagées les mesures contenues dans le présent projet de loi. Toutes sont des dispositions ciblées et se caractérisent par la nécessité d'une application rapide et circonscrite dans le temps afin de ne pas préempter les différents thèmes qui seront abordés au sein de l'agenda social de 2008.
La première mesure est destinée à permettre aux salariés et à leurs employeurs de convertir un certain nombre de droits à congés en argent. Comme l'a rappelé M. le ministre, elle concerne 40 % des salariés du régime général. Il s'agit d'une certaine façon de « débloquer » les stocks de droits existants au 31 décembre 2007.
Il convient de rappeler que la loi du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise avait institué un régime complet de « temps choisi » destiné à permettre au salarié qui le souhaite d'effectuer, en accord avec son employeur, des heures de travail choisies pour augmenter sa rémunération.
Pour les salariés relevant d'un régime de temps de travail forfaitisé, en particulier les cadres – soit quelque 10 % des salariés du régime général –, non soumis à un décompte horaire du temps de travail, des modalités particulières de mise en oeuvre du temps choisi ont été établies par la loi : le salarié peut notamment décider, après la conclusion d'un accord collectif de travail, et en accord avec son employeur, de renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de son salaire.
Cette même loi a également fortement assoupli les conditions du recours au compte épargne-temps en permettant, dans les conditions les plus larges, l'affectation de tous types de temps. Elle a également consacré pleinement la possibilité ouverte par la loi Fillon du 17 janvier 2003 de « monétiser » des éléments portés sur le compte épargne-temps, tout en aménageant des passerelles afin d'encourager l'utilisation des droits affectés sur le compte pour des versements sur les plans collectifs d'épargne pour la retraite ou le financement de prestations de retraite dans le cadre de régimes collectifs obligatoires.
Le présent projet de loi, sans porter atteinte à l'équilibre des dispositifs existants, vise à faciliter l'utilisation de ces « stocks » de journées de repos attribuées au titre de la réduction du temps de travail ou des droits portés sur les comptes épargne-temps au 31 décembre 2007. En effet, de nombreux salariés « perdent » régulièrement des journées de repos non prises : il est révélateur que, selon un récent sondage, 67 % des Français jugent que l'échange d'un certain nombre de jours de RTT contre un supplément de rémunération constitue une « bonne idée ».
L'objectif est bien d'ouvrir à l'ensemble des salariés qui le souhaitent la faculté d'obtenir directement de leur employeur le rachat des journées qui leur ont été accordées au titre de la réduction du temps de travail et qui sont inutilisées au 31 décembre 2007.
S'agissant de la monétisation des droits portés sur le compte épargne-temps, dans certaines entreprises ou branches, l'accord collectif n'a pas défini les conditions dans lesquelles les droits affectés sur le compte épargne-temps pouvaient être convertis en argent : aussi le présent projet de loi, pour favoriser l'utilisation du stock au 31 décembre 2007, permet-il une conversion immédiate des droits du salarié qui en fait la demande à son employeur. Les jours ainsi rachetés bénéficieront d'une exonération de cotisations sociales dans la limite de dix jours.
Le projet de loi permet, dans un deuxième temps, un déblocage des sommes attribuées au titre des régimes de participation dans les entreprises qui l'appliquent. En application de l'article L. 442-1 du code du travail, les entreprises de cinquante salariés et plus sont obligatoirement soumises à un régime de participation. Les sommes versées au titre de la participation font l'objet d'un traitement social et fiscal particulièrement favorable, mais sont indisponibles en principe pendant cinq ans. Or les montants en question sont considérables. La participation représente, en 2005, 7 milliards d'euros, et 4,9 millions de salariés en ont bénéficié, pour un montant moyen de 1 444 euros, ce qui correspond à 5,1 % de la masse salariale des bénéficiaires. Le montant total brut distribué au titre de la participation a donc crû de plus de 16 % en un an, ce qui représente un rythme de progression un peu plus rapide que les années précédentes. Parce que ces sommes restent dans un certain nombre de cas encore indisponibles, le projet de loi permet aux salariés de débloquer de manière anticipée, d'ici au 30 juin 2008, les sommes qui leur ont été attribuées au titre de la participation aux résultats de l'entreprise. Elles seront exonérées de cotisations sociales – hors contribution sociale généralisée et contribution au remboursement de la dette sociale – et d'impôt sur le revenu.
Dans les petites entreprises, qui ne sont pas soumises à l'obligation de versement de la participation, il est proposé de favoriser le versement d'une prime exceptionnelle à leurs salariés, prime qui relèvera d'un régime proche de l'intéressement, à savoir un assujettissement à l'impôt sur le revenu, mais une exonération de cotisations sociales.
J'en viens – dernier temps du projet de loi – aux deux articles relatifs au logement.
Un projet de loi pour le pouvoir d'achat ne pouvait pas ne pas comporter de dispositions concernant le poste de dépenses qui, dans le portefeuille des Français, est le plus lourd et le plus contraint. Lors de son entretien télévisé du 29 novembre 2007, le Président de la République a clairement indiqué qu'il ne négligeait pas cet aspect essentiel du coût de la vie, en proposant deux mesures simples et fortes, reprises dans le présent projet de loi. Leur simplicité est un gage d'efficacité et de popularité, les Français ayant immédiatement compris l'utilité de ces mesures, qui, toutes deux, concerneront le parc locatif privé.
Avant de les présenter brièvement et d'en souligner la pertinence, je me bornerai à rappeler ce que chacun sait : les Français sont confrontés, depuis plusieurs années, à une augmentation importante et continue des loyers qu'ils acquittent, ce qui comprime fortement leur pouvoir d'achat. Les pouvoirs publics ne sont pas restés inactifs face aux tensions qui traversent le marché locatif, bien au contraire. Lors de la précédente législature, le Parlement a approuvé la mise en place de deux leviers d'action puissants pour desserrer les contraintes actuelles : la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 et la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement. Les effets de ces instruments, dont l'adoption est récente, ne pouvant se faire sentir immédiatement, les mesures ciblées concernant le logement incluses dans ce projet de loi sont particulièrement utiles, car elles complètent le cadre d'action institué par les lois de 2005 et 2006, en donnant rapidement du pouvoir d'achat aux locataires ou aux aspirants locataires.
Ces mesures sont au nombre de deux. La première vise à indexer l'évolution maximale des loyers sur l'évolution des prix à la consommation hors tabac et hors loyer. Le nouvel indice de référence des loyers ne sera donc plus composé à hauteur de 40 % des indices relatifs au coût de la construction et aux travaux d'entretien, lesquels ont des fluctuations très erratiques, qui, au final, conduisent à ce que les loyers progressent plus vite que l'inflation et rognent le pouvoir d'achat des locataires. La hausse de l'inflation étant inférieure à celle de l'actuel indice de référence des loyers, on peut donc estimer que la nouvelle indexation aura un effet modérateur sur l'évolution des loyers, ce qui représentera autant de pouvoir d'achat gagné pour les locataires. La seconde disposition consiste à réduire de deux mois à un mois de loyer le montant maximum de dépôt de garantie qui peut être exigé par le bailleur. Le gain de cette mesure en termes de pouvoir d'achat est évident : pensons aux jeunes ménages cherchant à se loger dans les grandes agglomérations ! On observera, par ailleurs, que cette disposition revêt un caractère fortement social puisqu'elle étend au parc locatif privé la règle applicable au montant maximal du dépôt de garantie demandé aux locataires des HLM conventionnées avec l'État.
Au terme de ses travaux, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a approuvé l'ensemble des mesures contenues dans le projet de loi.