Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, j'interviendrai essentiellement sur l'article 3 de ce projet de loi, qui concerne les tarifs de l'itinérance. Soucieux de replacer l'avancée réelle que représente cet article dans son contexte, je tiens néanmoins à souligner l'insuffisance de l'action gouvernementale dans la lutte contre la fracture numérique – et, sur ce point, je rejoins M. Letchimy.
Dès le mois de juin 2006, la région Guadeloupe, que j'ai l'honneur de présider, avait envoyé une mission menée en collaboration avec la préfecture de la Guadeloupe rencontrer l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes – ARCEP –, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, le Conseil de la concurrence, le Conseil supérieur de l'audiovisuel et le ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Nous avions alors ouvert plusieurs dossiers : la disparité du coût des offres d'accès à l'Internet haut débit, les conséquences du coût élevé du haut débit pour les opérateurs désireux de se lancer dans des offres multiservices – accès Internet, téléphonie gratuite illimitée et télévision sur ADSL –, les possibilités d'acheminement par le câble Guadeloupe numérique de la télévision numérique terrestre et les prix « himalayens » exercés en matière de roaming – c'est-à-dire les appels passés depuis un téléphone mobile en déplacement hors de la Guadeloupe –, qui remettent en cause l'existence d'une continuité territoriale en matière de tarifs de téléphonie mobile.
Il est en effet inadmissible que les Guadeloupéens, comme les autres ultramarins, bien qu'usagers de téléphones portables dans un département français d'outre-mer, soient traités comme des étrangers dans leur propre pays. Un abonné des opérateurs locaux qui se déplace dans l'Hexagone voit sa facture augmenter de manière scandaleuse à cause de ce fameux roaming. Sur cette question, l'ARCEP me confirmait, dès juin 2006, l'existence d'un projet de règlement européen visant à diminuer le tarif de l'itinérance et se montrait sensible à la spécificité des régions ultrapériphériques, notamment celle des DOM, qui va à l'encontre du principe de continuité territoriale. L'article 3 est l'aboutissement de cette démarche, et je m'en félicite.
Il faut savoir que les opérateurs présents en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane et à la Réunion ont une licence spécifique, différente de la métropole. Un opérateur peut donc être présent en Guadeloupe et pas dans l'Hexagone – c'est notamment le cas de DIGICEL et de ONLY –, ce qui justifierait, selon le Gouvernement, l'existence du roaming entre la Guadeloupe et la métropole. Il est vrai que, d'un point de vue économique, celui-ci se justifierait si l'éloignement générait effectivement un surcoût. Mais il n'y en a quasiment pas : il est de l'ordre de 6 à 7 centimes d'euro par minute.
La transposition de la directive de la Commission est donc heureuse, mais elle est insuffisante sur au moins deux points. Tout d'abord, le plafond fixé ne concerne que les appels vocaux, donc ni les SMS, ni les MMS, ni la DATA. Or ces services sont de plus en plus utilisés. Ensuite, le problème de la discrimination n'est pas réglé. Comment expliquer qu'un Allemand qui se rend à Paris et appelle des correspondants en France paye le même tarif qu'un Français d'outre-mer dans la même situation ? En outre, la baisse tarifaire s'appliquera de façon discriminatoire entre les Français de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna, qui n'en bénéficieront pas, et les Français des DOM – Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte – qui en bénéficieront.
L'itinérance entre les DOM et la métropole est une itinérance locale et doit donc, pour des raisons d'égalité de traitement au sein de la République, présenter un surcoût marginal tout au plus de 6 à 7 centimes d'euro par minute dû à l'éloignement.
Par ailleurs, j'aurais souhaité que les autres aspects de la fracture numérique soient également étudiés par le Gouvernement. En ce qui concerne le haut débit et les offres triple play – Internet, téléphone gratuit illimité et télévision sur ADSL –, les opérateurs locaux pratiquent des prix trois fois supérieurs à ceux de la métropole, en raison de frais d'accès aux réseaux très élevés. Dans ces conditions, les opérateurs alternatifs nationaux, tels que Free ou Neuf Telecom, ne semblent pas intéressés par le développement de ces offres, notre marché étant jugé peu rentable.
Concernant l'arrivée d'opérateurs alternatifs en Guadeloupe – comme dans les autres DOM – pour développer la concurrence, le collège de l'ARCEP s'est engagé auprès de la mission que j'avais déléguée à consulter l'opérateur Free afin de connaître son intérêt pour le marché guadeloupéen. C'est notamment grâce à cet opérateur que se sont développées dans l'Hexagone les premières offres triple play.
L'arrivée de nouveaux opérateurs sur le marché suppose cependant le développement du dégroupage. Sur ce dossier, l'ARCEP a pris conscience des difficultés rencontrées en Guadeloupe et en Martinique par les petits opérateurs. Il semble en effet que les répartiteurs de l'opérateur historique France Télécom ne permettent pas d'héberger d'autres équipements que les siens faute de place. Pouvez-vous, madame la ministre, nous indiquer où nous en sommes dans la recherche de solutions visant à remédier à l'insuffisance de capacité des répartiteurs de l'opérateur historique et à garantir le respect des directives nationales ?
J'en viens à cette évolution majeure que constitue la télévision numérique terrestre. Bien que s'acquittant régulièrement de leur redevance audiovisuelle, les Guadeloupéens restent malheureusement privés de ce progrès, sauf s'ils sont abonnés au câble ou au satellite, ce qui se traduit par des coûts d'abonnement substantiels pour le budget moyen des foyers. Face à cette situation qui empêche le développement d'une offre étoffée de télévision gratuite, j'ai demandé au Conseil supérieur de l'audiovisuel et aux services de l'État de tout mettre en oeuvre afin de permettre aux Guadeloupéens de bénéficier de la TNT.
De son côté, la région Guadeloupe est prête à mettre son câble sous-marin Guadeloupe numérique – qui a coûté 21 millions d'euros, en partie pris en charge par l'État – à disposition pour acheminer les chaînes de la TNT dans les foyers. Sur ce point, le CSA a d'ailleurs confirmé son soutien à la collectivité régionale en l'accompagnant dans ses démarches. Le régulateur de l'audiovisuel se dit prêt à apporter un support logistique, administratif et juridique sur ce dossier.
Opérationnel en septembre 2006, le câble régional Guadeloupe Numérique pourrait transporter le signal des chaînes de la TNT qui seraient diffusées par TDF ou un autre prestataire. En effet, l'ARCEP a confirmé que TDF, en tant qu'opérateur et prestataire de services de référence dans les domaines de l'audiovisuel, se devait de permettre à un concurrent d'accéder à ses sites.
Un obstacle juridique demeure toutefois. En effet, la diffusion en mode numérique terrestre des chaînes publiques ne peut se faire que par le biais de RFO ou de filiales spécifiques de France Télévisions, avec un droit d'usage prioritaire prévu à l'article 26 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée. La loi devrait donc être modifiée en ce sens. Le Gouvernement y est-il disposé ?
Je vous remercie de me répondre sur les questions que soulève ce texte, qui constitue néanmoins une avancée pour la réduction de la fracture numérique et pour l'égalité de traitement entre l'outre-mer et la France métropolitaine.