Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Corinne Erhel

Réunion du 15 mai 2008 à 9h30
Protection des personnes contre les chiens dangereux — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCorinne Erhel :

Une telle mesure serait assurément difficile à mettre en oeuvre mais me paraîtrait la meilleure solution. En effet, l'éducation canine, pratiquée de façon régulière dans un cadre collectif – m'y étant consacrée, je parle en connaissance de cause –, rend le chien sociable vis-à-vis de ses congénères et apprend au propriétaire à maîtriser son animal, à en être responsable et à entretenir avec lui une relation de confiance. Le comportement d'un chien – d'autres orateurs l'ont rappelé avant moi – est en effet fonction de son mode d'élevage, de son éducation, de son mode de vie et de la place qu'il occupe auprès de ses maîtres.

Cette éducation canine, qui devra être assurée par des personnes formées et être d'un coût abordable afin d'être accessible à tous les propriétaires de chiens – c'est la raison pour laquelle j'ai évoqué le milieu associatif –, implique une volonté politique : je regrette donc que cette question qui, je l'espère, sera abordée dans le cadre de la mission d'information, soit absente du texte.

Il en est de même, me semble-t-il, de la lutte contre les importations illégales de chiens ou leur commercialisation anarchique : cette question sera-t-elle, elle aussi, évoquée dans le cadre de la mission d'information ? Peut-être nous en toucherez-vous un mot, madame le ministre. Il conviendrait du reste de poser, en dépit de ses difficultés techniques, le problème de la responsabilité des vendeurs indélicats – cela a été fait dans le cadre des amendements. Nous devrions avoir une réflexion d'ensemble sur la moralisation des ventes d'animaux et la lutte contre tous les trafics.

Je m'interroge par ailleurs sur le volet pénal du texte.

Le fondement du droit pénal est l'intention délictueuse : or, en l'espèce, c'est le résultat, c'est-à-dire la morsure, qui établit le délit, lequel devient un délit objectif. J'appelle votre attention sur ce point.

De plus, la hiérarchie et la proportionnalité des peines de prison pour homicide involontaire portées à cinq ans, sept ans, voire dix ans d'emprisonnement, mériterait une réflexion approfondie puisque ces peines sont calquées sur le dispositif applicable aux conducteurs de véhicules auteurs d'un homicide ou de blessures involontaires. La peine de référence est donc le délit d'homicide involontaire au volant. Ce parallèle me semble discutable : un chien n'est ni une voiture ni une arme ; or c'est ce que laisse supposer en l'occurrence la formule « permis de détention ». Ce dispositif n'était du reste pas prévu dans la rédaction initiale du texte. Au fil des débats des infractions supplémentaires ont été créées dans un objectif de protection, j'en conviens. Sont-elles pour autant indispensables ou simplement efficaces ? Peut-être reviendrons-nous sur cette question au cours de l'examen des amendements.

La question de la responsabilité concerne également le vétérinaire : or, madame le ministre, vous ne m'aviez pas répondu en première lecture sur ce point. Quelle sera la responsabilité professionnelle du vétérinaire, si un chien cause un accident grave après avoir reçu un avis positif à son évaluation comportementale ? Si cette responsabilité n'est pas clairement établie, les vétérinaires ne risquent-ils pas de donner des avis très réservés ? C'est déjà ce qui se passe notamment pour les visites vétérinaires pratiquées en vue d'acquérir un cheval, l'acquéreur potentiel exigeant une visite complète afin d'être certain du bon état général de l'animal. Or il est très difficile pour les vétérinaires de pouvoir s'engager sur un tel point : aussi délivrent-ils désormais des avis très réservés, ce qui est à la source de nombreuses difficultés pour les éleveurs et les vendeurs, la perfection morphologique ne pouvant être que rarement attestée… Or la notion de dangerosité me paraît plus difficile encore à évaluer. La visite comportementale pourrait dès lors devenir une pratique risquée pour le vétérinaire lui-même. Madame le ministre, quelle réponse apporterez-vous à ceux qui m'ont interrogée sur ce point ?

Mon souhait est qu'on aboutisse à un texte équilibré et d'application juste et aisée sur le terrain. C'est la raison pour laquelle j'espère que vous réserverez un accueil favorable à nos amendements. Toutefois, parce qu'elle est, je le répète, au fondement de toute politique en la matière, je formule avant tout le souhait que l'éducation canine soit placée au coeur du dispositif comme préalable – les modalités de son organisation devant être précisées par ailleurs –, d'autant qu'elle est un secteur potentiellement créateur d'emplois. Elle mérite donc une attention toute particulière. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion