Outre sa très grande qualité technique, ce débat s'est révélé extraordinairement éclairant.
M. le ministre l'a rappelé : la majorité démocratiquement issue des urnes a voté le bouclier fiscal. Nous le regrettons, mais en démocrates et en républicains, nous nous inclinons. Ce n'était pas là le débat.
Le problème, ici, était le suivant : soit le revenu fiscal de référence pris pour calculer le bouclier fiscal avait été délibérément établi de manière à ce que tous les déficits, quelle qu'en soit l'origine, s'imputent sur ce revenu fiscal de référence ; soit il s'agit d'une malfaçon originelle, qui mène à ce résultat paradoxal que certains de nos concitoyens dont le revenu fiscal est de 4 000 euros par an – c'est-à-dire que leur revenu mensuel est extrêmement modeste – mais qui sont, pour autant, capables de payer 200 000 euros au titre de l'ISF, voient le fisc s'empresser de leur restituer cette somme. Cette contradiction entre un revenu fiscal de référence faible et la capacité de faire un chèque de 200 000 euros n'est, nous le savons désormais, qu'apparente : lorsqu'il s'agit d'estimer le bouclier fiscal, le revenu fiscal de référence n'est pas celui qui résulte du travail ou des investissement réalisés par le contribuable, mais celui qui résulte du travail ou des investissements minoré grâce à des choix faits par ce contribuable – par exemple, la décision de cotiser à un fonds de retraite privé par capitalisation.
Contrairement à ce que prétendait M. le ministre, il ne s'agit pas d'appliquer le principe chimiquement pur qu'un contribuable ne doit pas travailler plus d'un jour sur deux pour l'État – et si je comprends bien, ils ne sont que quinze à vingt mille dans cette situation. Il s'agit simplement de constater que si l'on accepte ce principe – supposons-le ici pour la simplicité du raisonnement –, alors il n'y a aucune raison que ce revenu fiscal de référence soit celui obtenu après imputation sur les revenus du travail ou des investissements réalisés des sommes investies par des choix librement consentis par ledit contribuable. Aucune raison !
Désormais, les choses sont donc claires : dès l'origine, il y a eu malfaçon technique dans l'élaboration du bouclier fiscal tel qu'il s'est mis en oeuvre en 2008. Nous sommes d'accord sur ce point.
Notre débat se résume donc à ceci : devons-nous persévérer ou décidons-nous de rectifier ce problème dès l'année 2008 ? Pour le trancher, un scrutin public nous a paru nécessaire. Nous estimons, nous, qu'il faut dès maintenant corriger cette anomalie, qui n'entrait manifestement pas dans les intentions des pouvoirs publics, et qui ne doit pas perdurer – sauf à admettre que l'année prochaine encore, un certain nombre de nos concitoyens ne paieront en réalité pas d'impôts, alors même qu'ils disposent de fortunes et de patrimoines supérieurs à 15 ou 20 millions d'euros.
C'est en effet un problème de justice fiscale, que chacun se doit de trancher selon sa conscience. Refuser cet amendement, c'est admettre que l'année prochaine, le fisc devra encore verser à ces contribuables des chèques de plusieurs centaines de milliers d'euros – nous avons même connaissance d'un contribuable qui a reçu un chèque de plus de 5 millions d'euros. Ou nous acceptons cela ou nous le refusons, et nous adoptons l'amendement. Pour notre part, nous souhaitons vivement que la représentation nationale mette fin à ce qui est non pas une mesure de justice fiscale mais un scandale fiscal. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Murmures sur plusieurs bancs du groupe UMP.)