Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean-Paul Lecoq

Réunion du 13 novembre 2008 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2009 — Aide publique au développement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dirai, moi aussi, que vous avez créé l'illusion ! Comment avez-vous pu en arriver là, monsieur le ministre ? Ne sommes-nous pas en train de parler d'aide au développement, d'une initiative louable, altruiste et humaniste ? L'objectif n'est-il pas d'éradiquer la pauvreté ? À lire les prévisions budgétaires, cela ne semble pas être votre priorité, s'agissant du moins de ce qui est censé être la destination première de cette enveloppe !

C'est créer l'illusion que d'annoncer une hausse du budget consacré à cette mission, quand on sait que cette hausse repose sur l'hypothétique annulation de la dette de la Côte d'Ivoire et du Congo.

C'est aussi créer une illusion, une parodie d'humanisme, que d'orienter cette mission vers des prêts remboursables plutôt que vers des donations.

En effet, il est constaté un glissement dans la gestion de la mission qu'est l'APD. Peu à peu, on aboutit à un système où les donations se transforment en prêts, lesquels prêts sont adressés aux pays émergents, car ceux-ci présentent l'avantage d'une capacité de remboursement que les pays les moins avancés n'ont pas. Ces derniers, malgré leurs besoins énormes, notamment en matière de santé et d'éducation, qui sont des secteurs non rentables, donc boudés par l'AFD – l'agence française de développement –, se voient alors relégués au second plan.

Pourquoi ne pas tout simplement supprimer la dette des pays les plus pauvres ? Oui, il est urgent de supprimer ces dettes, car elles attirent les « fonds vautours » : ces organismes qui proposent aux pays endettés des crédits dont les taux de remboursement sont faramineux, et plongent les emprunteurs dans une situation encore plus catastrophique. Si vous refusez de supprimer la dette, ce qui, à mon sens, serait la solution, que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour écarter ces fonds vautours ?

Le Président de la République, qui a annoncé en Afrique du Sud, en février dernier, son intention de promouvoir cette mission APD, n'a pas tenu ses engagements. Et les orientations de cette politique ultra-capitaliste laissent craindre le pire. Alors qu'une grande majorité des Français estiment que les pays pauvres ne doivent pas pâtir de la crise financière mondiale, vous persistez dans une politique exactement contraire. Vous laissez ces pays, qui sont déjà en situation de pauvreté, parfois extrême, subir de plein fouet les conséquences de cette crise, en utilisant comme variable d'ajustement l'enveloppe censée leur être destinée, tout en créant l'illusion d'en faire davantage pour eux. Mais ils ne sont pas dupes, et nous non plus ! En tout cas, nous restons très vigilants à l'égard de vos démentis, qui font suite aux révélations d'Oxfam relatives à l'abandon par la France de cinquante-cinq projets en Afrique subsaharienne.

C'est également créer l'illusion que d'introduire dans la mission APD la question des flux migratoires. S'agit-il de lutter en priorité contre la pauvreté ou bien de faire en sorte que ces personnes restent chez elles ? L'objectif ultime est dénaturé par des orientations étrangères à l'aide publique au développement.

Qu'en est-il des objectifs du Millénaire pour le développement ? Il ne suffit pas de prendre dans les enceintes internationales des décisions valorisantes visant à effacer le terme de « pauvreté » du vocabulaire de tout un chacun sur terre, où qu'il soit. Encore faudrait-il faire suivre d'effets ces annonces et les considérer comme de véritables engagements, en donnant les moyens de les réaliser. Seulement 0,47 % du revenu national brut seront consacrés à l'APD en 2009, alors que 0,7 % sont nécessaires pour rendre réalisables les objectifs du Millénaire pour le développement. Comment la France peut-elle se prendre pour le pivot de l'APD, alors qu'elle est dépassée par d'autres pays ?

Pour ce qui est de l'effort de financement, j'estime que la France ne montre pas l'exemple, et ce, malgré le fait qu'elle préside actuellement l'Europe, puisqu'elle arrive après l'Espagne, la Grande-Bretagne et les pays scandinaves – François Loncle l'a rappelé. Et si l'on considère les dotations, la France arrive après l'Allemagne et les États-Unis.

N'oublions pas que, derrière ces chiffres, il y a des peuples, des gens qui ont droit au développement. Le droit de ne pas vivre dans la misère a été affirmé dans les articles de la Déclaration universelle des droits de l'Homme et du Citoyen de 1948. L'article 25 stipule que toute personne a droit à un niveau de vie suffisant, l'article 26 mentionne le droit à l'éducation, et l'article 28 précise que toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et sur le plan international, un ordre tel que les droits et libertés énoncés dans la Déclaration puissent y trouver plein effet. Nous célébrons cette année le soixantième anniversaire de ce texte, et pourtant, après six décennies, la pauvreté, dans toute sa laideur, est toujours présente et tient tous les peuples qui la subissent en esclavage.

Ce budget est mauvais, car il reflète une politique d'indifférence et de dédain, et il ne fait pas honneur à la France. C'est pourquoi nous le sanctionnerons par notre vote.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion