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Intervention de Michel Liebgott

Réunion du 13 novembre 2008 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2009 — Travail et emploi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Liebgott :

Monsieur le ministre, mes chers collègues, le Président de la République vient de nous reparler d'emploi, mais la France a la gueule de bois. En effet, notre pays se réveille en ayant l'impression que la politique ultralibérale que vous menez depuis plusieurs années sur le front du travail est totalement inadaptée, et surtout qu'elle procède désormais à contretemps.

Malheureusement, le chômage existe encore et toujours : les prévisionnistes évoquent les chiffres de 96 000 à 250 000 chômeurs supplémentaires en 2009, alors que certains d'entre vous prédisaient, récemment encore, un retour rapide au plein emploi, le départ à la retraite de la génération du baby-boom constituant pour vous une fantastique aubaine. Hélas, la situation est bien plus complexe ; les politiques de l'emploi doivent donc être une préoccupation permanente de tout gouvernement, et non, comme pour vous, une variable d'ajustement conjoncturelle.

Oukase présidentiel oblige, vous affirmez désormais qu'un effort doit être consenti en faveur de l'emploi, maintenant que la crise est passée du virtuel au réel et que la récession s'installe. Mais qu'avez-vous donc fait auparavant ? La hausse des chiffres du chômage est vieille de cinq mois : elle est antérieure au krach boursier.

La plupart des mesures adoptées depuis le début de cette législature contribuent à détériorer une situation déjà bien difficile. Ainsi, au lieu de mener des politiques contra-cycliques, vous avez multiplié des dispositions que nous dénonçons : défiscalisation des heures supplémentaires, pour un résultat économique contestable, notamment en raison du coût pour les finances publiques, et qui entraîne par ailleurs un assèchement de l'emploi des intérimaires ; instauration de l'offre raisonnable d'emploi, qui exerce une pression supplémentaire sur les chômeurs alors que l'emploi se raréfie ; suppression drastique des postes de fonctionnaires, notamment dans l'éducation nationale, alors même que vous augmentez, comme on a pu le voir récemment, le nombre de collaborateurs dans les ministères.

Dernière invention : vous autorisez le report de l'âge de la retraite à soixante-dix ans. Je ne parle même pas du recours excessif aux CDD, du projet d'autorisation du travail dominical et du caractère insuffisant des mesures en faveur des jeunes.

Les crédits de la mission « Travail et emploi » que vous nous présentez accusent une diminution de 658 millions d'euros par rapport à 2008, soit 5 %, si l'on ne tient pas compte des récentes annonces du Président de la République. Certes, vous évoquez 250 millions d'euros supplémentaires ; mais le compte n'y sera pas ! Nous constatons au demeurant que ces crédits poursuivront leur baisse, continue depuis 2006 : la loi de programmation pluriannuelle pour les années 2009 à 2012 prévoit une nouvelle diminution de 1 965 millions d'euros.

Même si tout ne peut être mesuré à l'aune des crédits budgétaires, il s'agit là d'un bien mauvais signe pour les personnes les plus éloignées de l'emploi, alors que des efforts autrement plus significatifs – certes nécessaires – ont été consentis en faveur des établissements financiers.

Dans le détail, s'agissant des emplois aidés du programme 102, je constate, après mes collègues Jean-Patrick Gille et Régis Juanico en commission élargie, que l'on mène depuis 2002 une politique en « yoyo » : en grâce un jour, ces contrats tombent le lendemain en disgrâce. Les 100 000 contrats supplémentaires par rapport aux prévisions initiales du PLF sont nécessaires, mais la technique du pansement ne rassure nullement leurs utilisateurs potentiels. En effet, les associations, les communes, toutes les collectivités locales et, plus encore, les entreprises hésitent désormais à recruter, l'avenir de ces dispositifs étant régulièrement remis en cause.

Quant aux contrats de transition professionnelle du programme 103, censés incarner la flexsécurité à la française, comme vous l'avez dit en commission élargie en répondant à mon collègue Gaëtan Gorce, nous considérons qu'il faut aller beaucoup plus loin.

Nous avons bien noté que vous ambitionniez de les généraliser alors que les plans sociaux se multiplient, mais nous n'en trouvons nulle trace dans le « bleu ». En effet, seuls 8,2 millions d'euros sont actuellement inscrits, afin de couvrir les sept bassins d'emplois expérimentaux.

Même en y ajoutant les 14 millions des conventions de reclassement personnalisé, il sera impossible de répondre aux besoins et aux attentes, d'autant qu'un travail de négociation avec les partenaires sociaux est, vous l'avez dit, nécessaire. Or, s'agissant de cette mesure, on constate surtout une grande précipitation et un véritable décalage. De quoi s'agit-il ? De CTP généralisés, de « CTP plus », de « CTP moins » ? Aucune précision ne nous est fournie sur ces points. Ma collègue Delphine Batho y reviendra tout à l'heure, de manière générale et s'agissant plus particulièrement du bassin niortais.

Monsieur le ministre, j'aurais également pu aborder, comme mes collègues du groupe socialiste en commission élargie, bien d'autres questions auxquelles vous avez apporté des réponses plus ou moins précises. Je songe en particulier aux inquiétudes touchant le financement de l'AFPA, qui compte 11 000 salariés. Certes, vous avez déclaré que les règles du droit à la concurrence s'appliquaient au secteur de la formation, mais cela n'apaise pas les inquiétudes de ces salariés, qui voient leur budget diminuer de 10 % à périmètre constant.

J'aurais également pu évoquer la ponction de 50 millions d'euros sur le fonds de développement pour l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, géré par l'AGEFIPH, ou la suppression de l'allocation de fin de formation, allocation que notre groupe proposera de maintenir par voie d'amendement.

En conclusion, et pour ne pas prolonger davantage mon propos, ce budget de la mission « Travail et emploi » pour 2009 ne nous semble pas à la hauteur des enjeux présents et futurs : les effets de la crise sur notre économie risquent d'être dramatiques, et les ajustements envisagés ne pourront pas corriger la politique de « stop and go » totalement désastreuse que vous menez depuis plusieurs années.

Voilà pourquoi nous ne voterons pas ce projet de budget, car les petits ajouts de dernière minute ne compensent en rien les sacrifices opérés depuis de nombreuses années, et cette année encore. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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