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Intervention de Martine Billard

Réunion du 13 novembre 2008 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2009 — Solidarité insertion et égalité des chances

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Billard :

Avec l'aggravation de la crise sociale et économique, à laquelle s'ajoute la crise financière de ce début d'automne, il est inquiétant de voir les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » se résumer à un budget « RSA-handicap-femmes ».

Il n'y a désormais plus aucune unité de la lutte contre l'exclusion puisque ce budget ne concerne que « l'action en faveur des familles vulnérables ». L'action « en faveur des plus vulnérables » qui ne constituent pas une famille est donc, quant à elle, renvoyée à la mission « Ville et logement ». Cette division revient finalement à scinder la lutte contre la pauvreté selon qu'elle vise ceux qui sont en situation de reprendre un emploi ou ceux qui sont les plus éloignées de l'emploi.

En commission élargie, Martin Hirsch nous a confirmé que les objectifs du Gouvernement concernant la réduction de la pauvreté restent valables malgré la crise économique. Mais comment est-il possible d'avoir une vision générale de la lutte contre la pauvreté quand les moyens d'actions sont éclatés sur trois budgets différents, celui que nous examinons, et ceux des missions « Ville et logement » et « Travail et emploi » ?

Ce projet de loi de finances est en retard d'une réalité économique et sociale : résumer les politiques de solidarité à la reprise d'emploi expose à l'impuissance face à l'actuelle contraction de l'activité et à la remontée du chômage et ne résout pas les problèmes de pouvoirs d'achat des travailleurs pauvres touchés par l'inflation des prix alimentaires. Entre 2001 et 2006, les dépenses contraintes des plus vulnérables ont pourtant explosé, passant de 52,1 % à 73,8 % de leur revenu.

Ce Gouvernement a développé l'assistanat aux riches avec, l'an dernier, le « bouclier fiscal » et le « paquet fiscal » pour plus de 10 milliards d'euros, et, cette année, l'assistanat aux banques, pour plusieurs centaines de milliards d'euros, sans contrepartie. Il n'a pas la même hâte pour dresser un véritable « bouclier social » ! Pourtant, les associations tirent de nouveau la sonnette d'alarme devant les indices d'accroissement de la pauvreté qui se sont développés avant même la crise financière de cet automne. Ainsi, en septembre, la brusque montée du nombre d'allocataires du RMI – plus de 10 000 personnes supplémentaires – est venue interrompre une baisse qui durait de plusieurs trimestres. La situation des mères de famille isolées se détériore également. Selon le Secours catholique, les familles monoparentales constituaient 30 % des personnes accueillies en 2007, contre 26 % en 1999. Au total, 60 % des familles aidées étaient monoparentales. Entre 2002 et 2007, les personnes de cinquante à soixante ans ont connu une détérioration de leur situation, mais, depuis ces dernières semaines, les associations sont sollicitées par de plus en plus de jeunes dont la mission d'intérim ou le CDD a pris fin après l'éclatement de la crise financière. Or nous sommes bien en peine d'identifier les actions concrètes que mène le Gouvernement en faveur des jeunes, surtout cette année, puisqu'elles sont éclatées entre plusieurs budgets et que le RSA ne concerne toujours pas les jeunes de moins de vingt-cinq ans lorsqu'ils n'ont pas d'enfants.

S'agissant des crédits du RSA, le programme 304 « Lutte contre la pauvreté » affiche une augmentation, apparemment forte, de ses crédits pour 535 millions d'euros, du fait de la généralisation de la mesure au 1er juillet 2009. Le RSA absorbe d'autres dispositifs, tels que l'allocation pour personne isolée, et cette évolution explique la disparition de la prime d'intéressement de retour à l'emploi et le gel de la prime pour l'emploi pour 2009. Selon le budget de la mission « Travail, emploi » pour 2009, le montant consacré à la prime pour l'emploi baisse de 500 millions d'euros. Par ailleurs, l'État réalise 150 millions d'euros d'économie sur les droits connexes comme l'exonération de la taxe d'habitation et de la redevance télévision. La hausse des 535 millions du programme « Lutte contre la pauvreté » n'est donc pas réelle. D'autant que, en cas de hausse du nombre d'allocataires du « RSA de base », l'ancien RMI, les départements paieront, alors même que l'État aurait finalement peu de « RSA complémentaires » à financer, du fait de la contraction de l'activité économique.

Par ailleurs, les crédits pour l'expérimentation en matière sociale et d'économie sociale sont en baisse d'un tiers.

S'agissant du programme 106 « Actions en faveur des familles vulnérables », la chute de 32 % du budget de l'action « Accompagnement des familles dans leur rôle de parents » inquiètent particulièrement les associations. Elles rappellent l'importance des actions « Points infos familles » et des réseaux d'écoute, d'appuis et d'accompagnement des parents, que couvre cette ligne budgétaire.

Pour le programme 157 « Handicap et dépendance », qui permet de financer les établissements et services d'aides par le travail, le projet de loi de finances pour 2009 ne prévoit un taux de reconduction des moyens que de 1,6 %. Cette évolution, inférieure à celle du taux d'inflation envisagé, ne permet pas de faire face aux exigences accrues en termes de professionnalisation des personnels.

Je voudrais m'élever contre le dispositif de l'article 74 rattaché à la mission, qui a pour but de mettre en oeuvre la convergence tarifaire et de « rationaliser les coûts » des établissements financés par l'État comme les établissements et services d'aide par le travail et les centres d'hébergement et de réadaptation sociale. En effet, ces établissements sont aujourd'hui financés à partir de leurs charges, et non en fonction des ressources. L'exposé des motifs du projet de loi de finances justifie la coupe programmée de 4 millions d'euros, par la volonté de raisonner en fonction des modes de ressources, et non en fonction des besoins des publics accompagnés. Ce renversement de logique introduit un système inspiré de la tarification à l'activité, dans le domaine social et médico-social, au détriment de l'esprit de la loi du 2 janvier 2002 qui visait à partir des personnes pour construire des réponses individualisées.

Enfin, monsieur le ministre, vous rognez sur les crédits de quatre des cinq actions du programme 137 « Égalité entre les hommes et les femmes » – notamment celles en faveur de l'« Égalité professionnelle » et celles pour l'« Égalité en droit et en dignité ». D'ailleurs, alors que ce Gouvernement ne comporte ni ministère, ni secrétariat d'État aux droits des femmes, la suppression du service des droits des femmes et de l'égalité nous semble être un bien mauvais signe pour la défense des droits des femmes dans leur vie privée et professionnelle, et leur accès aux responsabilités.

Pour toutes ces raisons, les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine voteront contre les crédits de cette mission.

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