La discussion du budget de la mission « Action extérieure de l'État » appelle en premier lieu une série de remarques de forme et de fond sur la politique étrangère menée depuis l'élection de Nicolas Sarkozy, et je ne m'exprimerai pas de manière aussi diplomatique que mon collègue François Loncle.
Depuis un an et demi, les dirigeants du monde entier ont pu découvrir l'incroyable capacité du Président français à braquer les projecteurs sur sa personne et à mettre ses partenaires devant le fait accompli. Sur la scène européenne en particulier, la politique d'esbroufe de Nicolas Sarkozy a suscité l'agacement. L'activisme et l'égocentrisme du chef de l'État ont même déclenché l'hostilité outre-Rhin. Sa volonté unilatéralement affichée de présider l'Eurogroupe témoigne d'une attitude arrogante.
Au-delà de la forme, les déclarations du candidat restées lettre morte ont porté atteinte à la crédibilité de notre pays. Il avait dit qu'il serait le président des droits de l'homme mais a reçu Kadhafi en grande pompe et déclaré que « l'espace des libertés progressait » en Tunisie ; sans oublier son attitude complaisante à l'égard des dirigeants chinois et russes.
Il avait promis la rupture avec les pratiques de la « Françafrique » mais a prononcé à Dakar un discours nauséabond. Dans les faits, la politique française en Afrique relève désormais du ministre de l'identité nationale ; c'est tout dire.
Outre ces déclarations d'intention, le rapprochement, ou plutôt l'alignement de la France sur l'administration Bush a constitué, assurément, l'un des piliers de la politique étrangère de Nicolas Sarkozy, qui s'est traduit par l'engagement de troupes supplémentaires en Afghanistan et la volonté de faire entrer la France dans les structures intégrées de l'OTAN. Or, la perte d'influence que pourrait représenter pour la France un ralliement à l'OTAN est préoccupante. La France ne doit pas endosser la vision manichéenne de « la guerre des civilisations » qui domine cette organisation militaire dont la raison d'être est discutable et qui tente de se substituer à l'ONU. Si l'élection de Barack Obama est susceptible d'apporter des changements, il faudrait savoir comment le nouveau président des États-Unis envisage la mission de l'OTAN, son périmètre et ses modes d'action.
S'agissant du rapprochement avec Israël, force est de constater qu'il n'a pas eu le moindre effet sur la politique israélienne, qui continue d'ignorer les déclarations de principe françaises et les résolutions de l'ONU. Nous voyons mal le résultat de l'engagement français et européen sur la question du conflit israélo-palestinien. Alors que le Président de la République avait évoqué la création d'un État palestinien avant la fin de l'année 2008, la situation semble évoluer dans un sens tout opposé.
Si vous voulez faire avancer le projet d'Union pour la Méditerranée, il faudrait progresser au préalable sur la question palestinienne, ainsi que sur le conflit opposant le Maroc et l'Algérie au sujet du Sahara occidental, à qui l'on refuse toujours le droit à l'autodétermination. Encore une fois, vos actions sont bien en deçà de vos déclarations.
En ce qui concerne le budget proprement dit, les crédits accordés à la mission « Action extérieure de l'État » sont-ils suffisants et offrent-ils à notre diplomatie les moyens de ses ambitions ? La réponse est malheureusement négative ; il existe un formidable décalage entre les ambitions affichées et les moyens alloués.
Ce projet s'inscrit globalement dans la lignée des précédents. Depuis 2001, le budget de l'action extérieure de l'État ne progresse qu'en apparence, la hausse étant compensée en grande partie par la progression des versements obligatoires de la France aux organisations internationales pour leurs besoins de fonctionnement. Les services du ministère n'en bénéficient donc pas.
Le ministère poursuivra en 2009 la rationalisation de son réseau, selon une logique de modulation des ambassades en trois formats. Je m'inquiète de l'impact possible d'une classification de nos ambassades ; nos partenaires pourraient en conclure qu'il existe des « super-ambassades », pour entretenir de « super-relations » avec certains pays, des ambassades ordinaires et des « sous-ambassades ». Il convient donc d'être prudent et d'éviter que certains États ne se sentent méprisés du fait de ces choix de gestion.
J'en viens à la baisse des effectifs. Depuis plusieurs années, les personnels du ministère des affaires étrangères consentent d'énormes sacrifices, subissant les conséquences des réformes successives. Le ministère perd encore 190 emplois cette année. Vous utilisez bien sûr le langage diplomatique ; vous parlez de « rationalisation de l'outil », de « rénovation », de « fusion », et jamais d'abandon, de réduction, de fermeture, de suppression ou de recul. C'est pourtant bien de cela qu'il s'agit, notamment en matière de médias, d'enseignement du français et de culture.
Par ailleurs, l'année 2009 confirme malheureusement la tendance ancienne de la réduction de l'action culturelle extérieure et du recul de l'utilisation de la langue française dans le monde. Sous couvert de rationaliser le réseau culturel, une vingtaine de centres culturels ont été fermés entre 2000 et 2007, et ce mouvement va s'intensifier.