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Intervention de Dominique Baert

Réunion du 1er juillet 2009 à minuit
Débat d'orientation des finances publiques pour 2010 — Suite du débat d'orientation des finances publiques pour 2010

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Baert :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les années trente et les penseurs keynésiens, chacun a pensé que chômage et déficit public étaient antagoniques. Quand on creusait le déficit, on relançait la croissance économique et le chômage reculait. Ce n'est plus vrai dans la France de Sarkozy : jamais les demandeurs d'emploi n'ont été aussi nombreux et jamais les déficits n'ont été aussi élevés. Le taux de chômage ne cesse même de s'accroître, ainsi que les déficits publics, dans une corrélation particulièrement parfaite.

À la fin des années soixante-dix, les papes du libéralisme nous expliquaient que, si l'on diminuait les impôts, on libérait l'économie, donc on relançait l'activité et on boostait la croissance. Ce n'est plus vrai dans la France de Sarkozy : jamais, depuis sept ans, et surtout depuis deux ans, les recettes fiscales n'ont été autant amputées de baisses d'impôts pour les plus fortunés de nos concitoyens et jamais la récession n'a été aussi forte.

Dans les années quatre-vingts, on nous expliquait que lorsqu'on creusait les déficits et que la dette augmentait, les ménages, intelligents, comprenant par un « effet de richesse » psychologique qu'ils allaient devoir payer des impôts plus élevés demain et après-demain, freinaient leur consommation. Cela non plus, ce n'est pas tout à fait vrai dans la France de Sarkozy, puisque, même dans une économie en récession, c'est la consommation des ménages qui assure encore un filet d'activité.

Pour tout dire, monsieur le ministre, l'économie française, dont vous conduisez la gestion budgétaire et financière, est en état d'apesanteur économique ; elle est comme en suspension. Elle creuse les déficits, tire des chèques sur l'avenir. Cependant gare à l'atterrissage, au moment où l'on s'apercevra que tout n'est qu'illusion. Lorsqu'on vit à crédit, vient toujours l'addition. Gare au moment où, après avoir tiré des traites sur l'avenir, viendra le temps des factures !

Aujourd'hui, vous creusez les déficits, certes, mais vous n'empêchez pas le chômage de s'envoler. Toutes les sources statistiques le confirment et les chiffres sont inquiétants. L'INSEE souligne qu'aucun taux de chômage n'a connu une ampleur aussi forte sur un trimestre qu'au premier trimestre 2009, avec une augmentation de 1,1 %. Pendant ces trois mois, l'emploi salarié s'est effondré, avec une perte de 187 000 emplois. L'ACOSS constate une diminution de la masse salariale – la plus mauvaise évolution depuis 1970 – et l'UNEDIC, qui anticipe la destruction de près de 600 000 emplois en 2009, plonge dans les déficits abyssaux.

Pourtant, déficit et dette sont en pleine expansion. On en connaît les grandes masses : le déficit de l'État s'élève à 130 milliards – après les 56 milliards de 2008 –, celui de la sécurité sociale à plus de 20 milliards et celui de l'UNEDIC devrait, selon les prévisions, atteindre 10 milliards, auxquels il faut ajouter les 40 milliards – pour l'instant – prêtés aux banques et le passif, actuel et à venir, de la CADES.

De plus on ne connaît pas toutes les dettes. Je pense à ces dettes latentes qu'évoque la Cour des comptes, notamment ce milliard dû au Crédit foncier, que je rappelle chaque année dans mon rapport spécial. Surtout, on n'en connaît pas les limites, car, mois après mois, trimestre après trimestre, les chiffres s'aggravent. Jusqu'à quand s'aggraveront-ils ? Jusqu'à quand le pourront-ils ? Nous atteignons déjà la limite des tirages de l'ACOSS sur la Caisse des dépôts. Déjà, l'État lève sur les marchés le double des emprunts nécessaires pour financer son déficit courant. En termes clairs, vous financez par des emprunts à court terme votre fonctionnement courant. Cela n'est pas sain. Aucune collectivité territoriale française ne pourrait faire le quart du huitième de ce que l'État se permet avec ses finances !

Regardons les chiffres.

Entre décembre 2007 et mars 2009, la dette de l'ensemble des administrations publiques a augmenté de 205 milliards d'euros – plus 17 % –, sur lesquels 151 milliards sont dus à l'État et 58 milliards aux organismes divers d'administration centrale.

Fin mars 2009, la dette de l'État s'élevait à 1 081 milliards alors qu'elle n'était « que » de 878 milliards fin 2006. Vous l'augmentez en moyenne de 100 milliards par an. Jusqu'à quand ?

Les besoins de financement de l'État, c'est-à-dire ce que vous levez sur les marchés, étaient de 105 milliards en 2007. Pour 2009, la prévision était de 165 milliards. À combien s'élèveront-ils finalement ? Fin juin, vous avez déjà dû mobiliser, à moyen et long terme, 104 milliards, soit 67 % de l'objectif final. Vous n'en étiez qu'à 60 % en 2008. Cela dérape !

Sur les financements à court terme, les BTF, l'encours est déjà, fin juin, à 170 milliards d'euros ; il n'était que de 138 milliards fin 2008 : 32 milliards de plus en six mois !

Jusqu'à quand allez-vous trouver la contrepartie financière de votre dérive budgétaire ? Heureusement pour vous, les taux d'intérêt sont très bas ; sinon, la charge de la dette exploserait. Et maintenant, place au grand emprunt d'État. Jusqu'où allez-vous tirer des chèques sur le pouvoir d'achat de l'État de demain, donc des générations futures ? Le FMI a bien raison de vous réclamer, dans sa mission récente, « un retour à la viabilité budgétaire à moyen terme ».

Aussi une urgence s'impose-t-elle dans la construction du projet de loi de finances pour 2010 : il faut réarmer le bras budgétaire de l'État.

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