Depuis plusieurs années, un certain nombre de maires et de conseils municipaux, principalement situés dans des secteurs tendus en matière de logement, ont pris l'initiative d'interdire, par arrêté municipal, les expulsions locatives pour des motifs économiques et sociaux.
Je fais partie des maires en question, et nous refusons la banalisation des expulsions qui touchent des foyers dont nous connaissons bien la précarisation, voire la misère. Les propriétaires concernés ne sont pas seulement des petits commerçants qui complètent leur retraite, s'ils ont la chance d'en avoir une. On compte aussi parmi eux de grands propriétaires et des marchands de sommeil.
Les maires savent que les relogements ne pourront pas être assurés par les communes où les listes d'attentes sont longues. Dans la mienne qui compte plus de 10 000 logements sociaux, près de 5 000 personnes attendent encore. Pas plus que l'État avec le DALO, les communes ne sont donc en mesure de fournir un logement à ceux qui seraient expulsés.
C'est pourquoi les maires ont pris symboliquement l'initiative de protéger leur territoire et leur population de toute mesure d'expulsion et de délogement. La légalité de tels arrêtés n'a pas manqué d'être contestée, et l'État a opposé le droit à ces bons sentiments. Il ne fait pourtant aucun doute que les maires sont matériellement compétents pour prendre de tels arrêtés. En effet, le maire, en charge de la police municipale, doit veiller au bon ordre, à la sûreté et à la salubrité publics. Vous ne pouvez prétendre qu'une expulsion, qui jette sur la voie publique des adultes et des enfants, livrés à eux-mêmes pour trouver un abri pour la nuit et, finalement, occuper des locaux impropres à l'habitation, ne porte pas atteinte à la sécurité publique.
Il ne fait également aucun doute, pour le Conseil d'État, que la dignité de la personne humaine est un but que l'autorité de police, assumée par le maire, peut protéger en toutes circonstances. Or comment peut-on nier que priver une personne de son logement porte atteinte à sa dignité humaine et sociale ?
Par ailleurs, force est de constater, monsieur Pinte, la carence de l'État dans l'application effective de la loi DALO.
Nonobstant ces arguments, les arrêtés anti-expulsion ont bel et bien été suspendus. Ils constituent pourtant des actes juridiques et politiques très importants qu'il nous faut soutenir. Tel est le sens de cet amendement.