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Intervention de Yves Cochet

Réunion du 10 juin 2009 à 21h30
Grenelle de l'environnement — Article 2

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Cochet :

Les amendements que j'avais déposés à l'article 2 sont tombés sous le coup de l'article 40, qui a été appliqué de manière extrêmement extensive – mais j'y reviendrai lorsque nous examinerons les articles 4 et 5. Néanmoins, je souhaiterais contribuer au débat sur cet article. En effet, celui-ci débute par une phrase forte : « La lutte contre le changement climatique est placée au premier rang des priorités. » L'importance du sujet est donc reconnue, même si l'on peut se demander s'il mérite vraiment d'occuper le premier rang des priorités. Le problème de la raréfaction des ressources du sous-sol, par exemple, qui n'est pas du tout abordé dans le projet de loi, pourrait également occuper cette place. Est-il en effet besoin de rappeler que les trois quarts de nos richesses proviennent du sous-sol ? Or, elles ne sont pas renouvelables : c'est du stock. Ainsi les économies de l'OCDE fonctionnent grâce au déstockage de ces ressources. Il suffit d'observer l'hémicycle : ces pierres magnifiques, par exemple, qui ressemblent à du marbre, c'est du déstockage. Et je ne parle pas de tous les éléments métalliques. Mais passons.

Le premier alinéa de l'article 2 reprend un engagement qui s'appuie sur des recommandations datant d'avant 2001. À cette date, en effet, le GIEC a publié un rapport, le TAR, qui préconisait – et cette préconisation a d'ailleurs été reprise par M. Raffarin lorsqu'il était Premier ministre – de diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre. On a appelé cela le « facteur 4 ». Or, un peu comme le placement des touches sur la machine écrire, on en a parlé une fois et ce chiffre est resté.

Le problème, c'est qu'en 2007 – il y a déjà deux ans ! –, le GIEC a publié un autre rapport, l'AR4, dans lequel il préconise que la France divise ses émissions de gaz à effet de serre par douze, la Grande-Bretagne par vingt et les États-Unis par vingt-cinq. Vous pouvez faire non de la tête, monsieur le ministre : lisez donc l'AR4 ! La science avance tous les jours, notamment la climatologie et l'océanographie.

Et encore, ce rapport a été adopté à l'unanimité, c'est-à-dire que ses conclusions ont été lissées pour que tous les membres du GIEC acceptent de les signer. Vous imaginez bien que, sur ce type de sujet, l'Arabie saoudite, les États-Unis et la France ne sont pas forcément d'accord. Lorsqu'on les interroge dans leurs laboratoires, les savants vont beaucoup plus loin que ces compromis onusiens. Cela étant, les chiffres que j'ai cités ont fait l'objet d'un accord : ce sont ceux qui figurent dans le rapport AR4 et, plus précisément, dans le tableau MP6 du résumé pour décideurs.

Dès lors, se fixer pour objectif une division par quatre des émissions de gaz à effet de serre, en réduisant leurs rejets de 3 % par an jusqu'en 2050 – ce qui correspond à peu près à la racine quarantième de 75 % – n'a aucun sens. En outre, le changement climatique n'est pas un phénomène linéaire. Il est chaotique et ne peut faire l'objet que d'une modélisation approximative. Des sauts quantitatifs sont possibles et, du reste, prévisibles. On peut dire que le réchauffement se réchauffe lui-même ! Il y a en quelque sorte un effet boule-de-neige.

Vous inscrivez cela dans l'article inaugural en indiquant que le réchauffement climatique est le problème number one du XXIe siècle, mais que – manque de chance – nous travaillons sur des données qui ont dix ans de retard ! Votre article est faible. Monsieur le ministre, vous allez négocier à Copenhague et je vous souhaite bon courage, mais ne soyez pas en retard par rapport aux scientifiques que vous allez y rencontrer ! J'ai déjà dit que certaines formulations de l'article 1er étaient un peu risibles. S'agissant de l'article 2, nous sommes encore en retard sur ce qui se fait de mieux en matière scientifique.

Je souligne également la faiblesse des alinéas 11 et 12.

L'alinéa 11 part de la contribution « climat-énergie » qui est un dispositif interne à l'Union européenne – et, en l'occurrence, à la France : il faut le mettre en oeuvre.

L'alinéa 12 part de la taxe carbone, qui est une sorte de « pollutaxe », du type TVA, pour éviter le dumping social aux frontières de l'Europe.

Certains discours sur la contribution climat-énergie et la taxe carbone laissent à penser qu'il s'agit de la même chose. Or ce sont deux mesures totalement différentes, mais complémentaires, qu'il faut mettre en oeuvre. Il ne faut pas se contenter de dire : « Nous allons étudier la possibilité de la faisabilité d'un rapport » ! Ce sont de bons instruments de lutte contre le changement climatique, qu'il faut mettre en oeuvre sur-le-champ.

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