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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 5 février 2009 à 21h30
Logement et lutte contre l'exclusion — Article 19, amendement 944

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

L'article 19 propose de réduire les délais d'expulsion et de limiter les possibilités pour le juge de surseoir à une décision judiciaire son second alinéa modifiant l'article L. 613-2 du code de la construction et de l'habitat. Jusqu'alors les locataires frappés d'une décision d'expulsion pouvaient bénéficier d'un sursis dans un délai s'étalant de trois mois à trois ans. Le présent article ramène ce délai à un an.

Nous nous opposons à cette mesure ! Dans le contexte actuel elle nous paraît tout à fait incohérente. À ce propos je vais revenir sur le sondage auquel nous avons fait allusion lors de la défense de l'amendement de suppression. Près d'un Français sur deux – 48 % – pense qu'il pourrait devenir un jour SDF. Ce sondage BVA pour l'Association Emmaus-La Vie-L'Humanité montre que cette crainte de l'exclusion touche 62 % de la population des 35-49 ans et jusqu'à 74 % des ouvriers ! C'est dire à quel point nos compatriotes vivent sans l'angoisse.

Au moment où l'industrie est le secteur le plus durement touché par la crise, le vote de cette disposition ne fera que renforcer la crainte ressentie en particulier par les ouvriers.

Il est impensable que vous ne preniez pas en compte le nouveau contexte national sur lequel le Président de la République a disserté ce soir, sans apporter aucune réponse. Nous sommes en pleine crise économique et sociale couplée d'une crise du logement et vous proposez d'accélérer les procédures d'expulsion et de limiter les recours suspensifs. Que feront ces familles et ces locataires poussés hors de leur logement, à l'heure où l'accession au logement social se raréfie ? La demande d'HLM n'a jamais été aussi importante, et le taux de mobilité dans ce parc de logements s'est réduit : de 12,4 % en 1998, il est passé, depuis 2005, sous la barre des 10 %, taux qui n'est pas surprenant dès lors que le loyer moyen du secteur privé était presque deux fois supérieur au loyer HLM au 1er janvier 2007.

Nous sommes donc dans une impasse. Raccourcir les procédures d'expulsion est fondamentalement une mauvaise idée. Au contraire, il faut trouver des solutions pour prévenir les expulsions et mettre en place des démarches d'accompagnement social pour aider au maintien dans les lieux.

La modification introduite par le projet de loi ne réglera rien ; elle ne fera que précariser davantage des familles déjà plongées dans de grandes difficultés

Pour ce qui est de la loi DALO, en poussant des milliers de locataires vers la sortie vous allez gonfler les listes d'attente ; l'arrivée de ces publics prioritaires ne fera que rallonger une procédure pourtant déjà peu efficace.

Le raccourcissement des procédures d'exclusion ne serait pas un tel problème s'il y avait en France suffisamment de logements sociaux, de places d'hébergement et de logements de transition. Ce n'est malheureusement pas le cas. Chacun a entendu Etienne Pinte, chacun connaît l'engagement et la liberté d'esprit de notre collègue pour défendre ses convictions, y compris pour s'opposer au Gouvernement qu'il soutient.

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