A vous entendre, monsieur le ministre d'État, cette loi serait une grande loi, très vaste, qui bouleversera à la fois nos modes de pensée et d'action. Voilà pourquoi il faut un nouvel instrument de mesure qui ne peut pas être le PIB, celui-ci étant très imparfait, puisqu'il mesure à la fois des biens et des maux.
Les avantages de l'instrument que nous proposons à l'article 1er sont multiples. Tout d'abord, cet indice appelé empreinte écologique a fait depuis maintenant une quinzaine d'années l'objet de travaux scientifiques de bonne facture. Certes, il s'agit d'un indice agrégé, mais une défragmentation est possible pour aboutir à l'empreinte écologique « pâturage », à l'empreinte écologique « forêt » ou encore à l'empreinte écologique « urbanisation », etc. Par ailleurs, c'est un indicateur multiscalaire, c'est-à-dire qu'il peut aussi bien s'adapter à un individu qu'à un ménage, à un immeuble, à un quartier, à une ville, à un pays, à un continent ou à la Terre entière.
Vous allez me répondre que le Gouvernement lui-même s'intéresse à l'empreinte écologique, au travers de quelques officines, comme votre institut des statistiques.
Mais je sais aussi que cette notion a retenu l'attention de la commission Stiglitz qui oeuvre à la définition d'un indicateur plus exact de ce que l'on pourrait appeler le bonheur des nations.
Introduit par la grande conférence de Rio, le Sommet de la Terre, en 1992, le critère de l'empreinte écologique est aujourd'hui pris en compte par un certain nombre de pays et, en France, par le conseil général du Nord-Pas de Calais, les villes de Guingamp et de Besançon ou la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires. Il est en effet fort probable que cet indicateur mesure mieux que le PIB ou les autres indicateurs les effets de nos actes sur l'environnement.
Il présente de surcroît l'avantage d'être agrégé, donc unique, et clair, puisqu'il s'exprime en hectares par habitant et par an et permet ainsi des comparaisons.
Je conclurai en citant quelques exemples d'empreintes écologiques. Celle d'un habitant de la Terre s'élève en moyenne à 2,2 hectares par an alors que la biocapacité de la planète n'est que de 1,7 hectare par habitant et par an. Comme le président Chirac l'a dit à Johannesburg en 2002, nous vivons au-dessus de nos moyens ! Nous ne pouvons continuer à puiser ainsi dans nos réserves. Le développement durable nous impose de passer d'une économie de stocks à une économie de flux car notre capital initial s'épuise. Il nous faut changer de modèle et, pour cela, il faut changer d'étalon. Songez que les États-Unis ont une empreinte écologique de 9,6 hectares par habitant et par an, contre 1,6 pour la Chine, 5,6 pour la France, 2,6 pour le Mexique, 7,6 pour le Canada et 4,2 pour l'Italie.
Le concept fait aujourd'hui école et je vous demande d'adopter cet amendement qui donnera à cette loi l'instrument de mesure spécifique qu'elle exige.