Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Serge Letchimy

Réunion du 10 juin 2009 à 21h30
Grenelle de l'environnement — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Letchimy :

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, monsieur le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce que j'ai entendu cet après-midi m'a déterminé à faire cette intervention en préambule à l'article 1er.

Je le dis à mes collègues – à ceux de la majorité plus qu'à ceux de l'opposition – : dans ce débat, il est deux mots qu'il faut absolument éviter. Il s'agit de « paternité » et de « certitude ». J'ai apporté un livre paru récemment, intitulé Antimanuel d'écologie, dont l'auteur est Yves Cochet, mais toute l'histoire du mouvement écologique le montre : des éveilleurs de conscience se lèvent chaque fois qu'un drame risque de se produire. Beaucoup d'hommes et de femmes ont ainsi mené des combats, parfois seuls, pour convaincre de la nécessité de changer de cap.

Si le groupe SRC a décidé de voter, en octobre dernier, en première lecture, le présent projet de loi, c'est qu'un consensus est nécessaire lorsque ça va très mal. Voilà pourquoi il faut sortir des certitudes. Par ailleurs, le débat doit être ouvert, même si cela prendra un peu de temps.

Des discussions ont eu lieu, dès 2007, qui ont permis de dégager quelques grandes notions rappelées tout à l'heure par Philippe Tourtelier, comme l'urgence écologique, la nécessité d'une gouvernance différente, qui ne soit pas que régionale, mais aussi nationale et mondiale, le renversement de la charge de la preuve ou encore l'exemplarité de l'outre-mer.

S'agissant de celui-ci, nous avons introduit, à l'article 1er, grâce à l'amendement 46 , une disposition qui permet aux départements et collectivités d'outre-mer d'intervenir plus directement au titre d'une gouvernance locale qui favorise l'appropriation collective des risques et des enjeux. Toutefois, il est indispensable de préciser qu'il faut absolument parvenir à décliner toute une série de dispositifs nous permettant d'atteindre des objectifs clairs qui ont nécessairement une dimension nationale et mondiale mais qui doivent également tenir compte des particularités. Je pense notamment à la biodiversité, au schéma minier guyanais, aux transports. Tout à l'heure, monsieur le ministre d'État, vous avez parlé de la construction de 400 kilomètres de lignes de transports collectifs. Mais quelle est la déclinaison possible pour les actions particulières et comment organiser cela avec les collectivités qui en seraient responsables ?

Je pense aussi à la biopiraterie qui confisque l'usage des plantes médicinales. Je pense aux moyens de mesurer le potentiel de ressources naturelles en le rapportant à l'action de l'homme, ce que M. Cochet appelle l'empreinte écologique, c'est-à-dire la biocapacité de la planète, des régions et des pays. Un groupe de travail a été mis sur pied afin d'avancer sur ce sujet et, de fait, il importe de combler notre déficit dans ce domaine.

J'évoquerai aussi la question du marché carbone. En la matière, je suis très inquiet, même si l'on a senti un souffle nouveau aux États-Unis avec l'arrivée de Barack Obama. En effet, compte tenu du rapport entre les gaz à effet de serre produits aux États-Unis et ceux produits en Afrique, le risque est grand de créer des inégalités extrêmement dangereuses.

Enfin, il ne s'agit pas uniquement de « décarboner » l'économie. Il ne s'agit pas seulement de verdir pour verdir, mais bien de changer de cap, d'aller vers une autre croissance. Albert Jacquard a souligné à quel point la course aux taux de croissance avait créé une situation dangereuse : pour lui, le compte à rebours a commencé et il faut sortir d'une logique de crédits infinis et de ressources éternelles pour s'attaquer à la question centrale qui est celle de l'habitabilité de la planète, du respect de la demeure humaine. En fait, comme l'indique Yves Cochet, il s'agit de se préoccuper de l'écoumène, c'est-à-dire de la relation de l'humanité à l'étendue terrestre, notion développée par Augustin Berque.

Ce que nous avons édifié ensemble devrait nous permettre de changer de culture, de mode de vie et surtout de nous préoccuper beaucoup plus de préserver non seulement la planète et ses ressources, mais bien aussi l'humanité tout entière. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion