Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 5 février 2009 à 21h30
Logement et lutte contre l'exclusion — Article 19, amendements 942 941 940 939 938 937

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Alors que nous discutons d'un projet de loi de lutte contre l'exclusion, l'article 19 vise à accélérer encore les procédures d'expulsion des locataires du parc locatif privé. Il y a là, avouez-le, madame la ministre, une belle contradiction.

Bien entendu, nos amendements n'ont pas pour objet de nier le droit légitime du bailleur à disposer de son bien, mais vous conviendrez qu'il y a une marche entre ce droit d'un propriétaire sur son bien et la réduction des délais d'exécution du jugement d'expulsion d'un locataire de bonne foi, telle que vous nous la proposez.

J'insiste sur la bonne foi des locataires, car vous n'êtes pas sans savoir que ceux qui ne paient pas leur loyer représentent une part presque négligeable de l'ensemble des locataires, et que, parmi eux, ceux qui, de bonne foi, ne peuvent plus payer pour des raisons économiques – chômage, temps partiel subi, problèmes de santé empêchant de travailler… –, se trouvent dans des situations précaires ou sont en phase de précarisation, forment la majorité. Ces publics de bonne foi ne méritent pas qu'on les expulse, bien au contraire ! Ils méritent que l'obligation de solidarité de l'État joue en leur faveur.

La réduction des délais d'expulsion que vous nous proposez serait éventuellement recevable si nous disposions en France d'un nombre suffisant de structures vouées à l'accompagnement des personnes privées de leur logement ou sous le coup d'un jugement d'expulsion. Mais, en leur absence, en l'absence de dispositifs de prévention permettant de prévenir les situations d'impayés, en l'absence de dispositifs d'intermédiation qui permettraient d'éviter les expulsions, cette réduction des délais aura deux conséquences majeures et particulièrement préoccupantes. Elle contribuera à précariser davantage les anciens locataires de bonne foi et elle augmentera le nombre de dossiers déposés au nom de la loi sur le droit au logement opposable.

L'expulsion des locataires de bonne foi est d'une violence traumatisante pour ceux qui la subissent. Vous ne pouvez l'ignorer, à moins de faire preuve d'une inhumanité qui ne dit pas son nom.

Avec cet article 19, vous déséquilibrez complètement les droits des locataires et des propriétaires, au bénéfice des seconds. Or cet équilibre est un des principes de notre droit, et nous considérons, même si ce n'est pas le cas de votre majorité, que, dans un contrat, la partie faible doit bénéficier de mesures de sûreté qui la prémunissent de l'arbitraire de son cocontractant et de la violence sociale qui pourrait la frapper.

C'est pourquoi, madame la ministre, nous vous proposons de revenir sur les délais que vous avez prévus dans cet article.

Je ne défendrai pas un à un les amendements de cette série, dont l'objet est identique. Vous n'aurez que l'embarras du choix. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe GDR.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion