Avec l'article 18, nous abordons la question des agrocarburants. C'est d'ailleurs ainsi que je les désignerai et non, comme indiqué dans le texte, par biocarburants, dénomination qui peut être trompeuse, le terme « bio » laissant entendre que ces carburants seraient issus de l'agriculture biologique. Or c'est tout le contraire puisque ces agrocarburants sont produits par les cultures les plus mécanisées, les plus intensives et avec beaucoup d'intrants chimiques, bref avec l'agriculture la plus industrielle et ayant le plus d'impact sur les écosystèmes.
C'est en septembre 2005, lors d'un mini-choc pétrolier sur les cours du pétrole, que M. de Villepin a décidé, lors du salon Space de Rennes, que la France devait se lancer dans les agrocarburants. Il avait fixé un pourcentage très élevé d'agrocarburants à obtenir en quelques années, objectif qui était illusoire pour plusieurs raisons.
D'abord, il faudrait savoir quelle part de consommation peut remplacer partiellement ou être ajoutée aux produits pétroliers, notamment dans les transports. En 2005, notre pays a consommé environ 95 millions de tonnes de pétrole brut, dont 50 millions ont été utilisés dans les transports, les deux tiers étant réservés aux usages énergétiques.
Depuis 2005, on a placé bien des espoirs dans les agrocarburants pour remplacer partiellement ou en totalité le pétrole, qui est lui-même en déplétion, comme je ne cesse de le dire. Peut-on estimer le potentiel de remplacement ? Il ne s'agit pas de remplacer totalement la consommation de pétrole de la France par des agrocarburants, car il faudrait entre trois et quatre fois la surface agricole utile de la France exploitée actuellement pour l'agriculture alimentaire. Il y a donc là un rêve qui s'évanouit puisque l'on ne pourra pas compenser la baisse des réserves de pétrole – actuellement, elle est de 3 à 4 % par an – par les agrocarburants.
Par ailleurs, n'oublions pas que les agrocarburants sont jusqu'à présent des additifs nécessitant des produits pétroliers, à l'exception des huiles végétales pures lesquelles peuvent être éventuellement utilisées pures dans des vieux moteurs diesel, ceux dont les taux de compression ne sont pas comparables à ce qui existe aujourd'hui, ou dans des vieux tracteurs Pony.
En outre, s'agissant de la filière alcool, pour pouvoir utiliser les agrocarburants purs il faudrait modifier complètement les moteurs. Actuellement, il s'agit de mélanges minoritaires.
Enfin, n'oublions pas ce qu'on appelle l'énergie nette d'une filière, quelle qu'elle soit. Selon les destinations et les provenances, il faut entre un dixième et un quinzième de litre de pétrole pour apporter un litre d'essence dans le réservoir de votre véhicule. Si l'on utilise le pétrole, c'est que le rendement net de la filière est très bon, bien supérieur à toutes les autres filières fossiles, et qu'il est liquide. Cela dit, le pétrole est très polluant puisqu'il émet beaucoup de gaz à effet de serre.
S'agissant du rendement net de la filière agrocarburant, on a beaucoup de surprises. Je n'y reviendrai pas, l'ADEME ayant réalisé plusieurs études en la matière. Grosso modo, un litre d'agrocarburant dans votre véhicule nécessite un litre de pétrole en amont. Autrement dit, on est à la limite entre la source d'énergie et le puits énergétique. Du point de vue énergétique, la filière n'est quasiment pas rentable. Avec la canne à sucre brésilienne, il faudra utiliser un demi-litre de pétrole.
Mais, selon le type d'agrocarburant, on n'a pas la même densité énergétique. Avec cinq litres d'essence, on peut parcourir cent kilomètres, tandis qu'avec cinq litres d'éthanol, on n'en fait que soixante. Non seulement le rendement thermodynamique de la filière est inférieur, mais encore le contenu énergétique du litre d'éthanol est également inférieur au contenu énergétique de l'essence. Il faut donc abandonner tout espoir d'avoir des agrocarburants rentables d'un point de vue énergétique.
Sur le plan écologique enfin, l'utilisation des agrocarburants est catastrophique puisqu'ils sont produits à partir d'une agriculture intensive.
C'est pourquoi je considère qu'il faut abandonner les agrocarburants.