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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 3 juin 2009 à 21h30
Faciliter le maintien et la création d'emplois — Article 6

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Bien évidemment, la réalité est tout autre, chacun en a bien conscience.

Au nom « des chances à l'emploi », depuis le début de ce débat, vous tentez de justifier les mesures contenues dans la proposition de loi de votre majorité, des mesures inopportunes au regard de l'urgence économique et sociale que nous connaissons, et nous l'avons vu au travers des trois propositions de loi que nous avons déposées jeudi 28 et qui ont été rejetées hier. Des mesures dangereuses car ouvrant grand les portes à des abus au détriment des salariés, suscitant légitimement de vives inquiétudes de la part des syndicats de salariés rétifs à une nouvelle vague de dérégulation sociale.

Il faut dire qu'il y a peu, le Gouvernement leur vendait la flexisécurité à la française, assouplissait les règles en matière d'embauche, sécurisait toujours pour les employeurs les règles en matière de licenciement, mais oubliait les contreparties protectrices pour les salariés.

L'antienne est bien connue : les règles collectives de protection des salariés seraient désormais inadaptées à la relation contractuelle qui lie ces collaborateurs du XXIe siècle à leurs dirigeants, lesquels devraient être libres de s'échanger les salariés, libres de négocier de gré à gré leur rémunération, leur relation de travail et la fin de cette dernière.

S'il peut être normal que des espaces de choix se développent, en revanche « l'exercice de la liberté individuelle ne doit pas porter préjudice à l'individu ni remettre en cause les garanties collectives », nous rappelle Marcel Grignard de la CFDT.

Le problème, in fine, du leurre du volontariat du salarié à faire des heures supplémentaires, à monétiser ses congés, à travailler le dimanche, c'est qu'il « sert à banaliser les atteintes au code du travail », comme le rappelle Maryse Dumas de la CGT.

Nonobstant la crise et ses effets dévastateurs, ce gouvernement et sa majorité restent les principaux porte-parole de la vulgate libérale selon laquelle le droit du travail est un frein à l'emploi. Il faudrait donc libéraliser les règles, en l'occurrence libéraliser le prêt de main-d'oeuvre pour maintenir, voire créer des emplois.

De bonnes raisons, structurelles, conjoncturelles et pratiques doivent, selon vous, pousser le législateur à faciliter l'utilisation du prêt de main-d'oeuvre en période de crise. Qu'en est-il des prérequis jugés indispensables par l'ancien président du Centre des jeunes dirigeants d'entreprise, le CDJ.

Si l'article 6 est disert quant à la définition du but non lucratif d'une opération de prêt de main-d'oeuvre dès lors que l'entreprise prêteuse n'en tire pas de bénéfice, prenant ainsi l'exact contre-pied de la jurisprudence pour éviter que certains employeurs ne tombent sous le coup du délit de marchandage, il est en revanche muet s'agissant des prérequis que sont la définition claire et précise des conditions d'emploi des salariés prêtés, la durée de leur mission, leur objet, la responsabilité de chacun en cas d'accident du travail, la convention collective dont ils relèvent.

Une autre raison de fond justifie notre opposition à cette banalisation du prêt de main-d'oeuvre : l'être humain est inaliénable, il n'est pas une marchandise et ne peut donc être objet d'un contrat commercial.

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