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Intervention de Jean Mallot

Réunion du 3 juin 2009 à 21h30
Faciliter le maintien et la création d'emplois — Article 6

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Mallot :

Nous abordons le deuxième grand sujet de cette proposition de loi : le prêt de main-d'oeuvre. Le sujet n'est pas nouveau. Comme le rappelle dans son rapport M. Jean-Frédéric Poisson – il sera content que je le cite – : « L'interdiction du marchandage remonte presque aux origines du droit du travail, en 1848 précisément. Louis Blanc avait montré la nécessité d'éviter “qu'entre le patron et l'ouvrier se glissent de rapaces intermédiaires qui, quelle que soit la bonne volonté du premier, fassent descendre les salaires au niveau marqué par la faim”. » Il cite Louis Blanc, une bonne source.

Aux termes de l'article L. 8241-1 du code du travail en vigueur, « toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d'oeuvre est interdite » tandis que l'article L. 8241-2 du même code dispose que « les opérations de prêt de main-d'oeuvre à but non lucratif sont autorisées ».

Vous pensez opportun de modifier ce texte et vous proposez de remplacer la mention de but lucratif, qui peut donner lieu en effet à interprétation ou à difficulté d'analyse, par la notion de bénéfice. Dans une opération de prêt de main-d'oeuvre, l'entreprise prêteuse ne devrait pas, dites-vous, tirer de bénéfice.

En réalité, la Cour de cassation, qui s'est déjà penchée sur cette question à plusieurs reprises, a précisé que le but lucratif au sens de cet article consistait en un bénéfice, un profit ou un gain pécuniaire au profit de l'utilisateur ou du prêteur de main-d'oeuvre. En effet, il faut prendre en considération la situation non seulement de l'entreprise prêteuse mais également celle de l'entreprise utilisatrice. Comme l'a fort bien dit M. Christian Eckert, il suffit qu'une entreprise prête à bas prix un salarié pour ne pas faire de bénéfice mais on voit bien comment l'entreprise emprunteuse, utilisatrice, elle, fera un bénéfice. Il faut considérer les deux protagonistes.

D'ailleurs, monsieur le rapporteur, vous reconnaissez dans votre rapport que votre proposition de remplacer le « à but lucratif » par la formule « ne tirant pas de bénéfice », est imparfaite et ne résout pas la question de l'imprécision et de la difficulté d'interprétation. Je lis : « Avec la disposition qui y est consacrée à l'article 6 de la présente proposition de loi, le sujet du prêt de main-d'oeuvre à but lucratif n'est naturellement pas épuisé. Mais une telle mesure a au moins le mérite de constituer une première étape dans la nécessaire clarification de ce régime juridique. »

Le fait de parler d'une première étape suggère qu'il y en aurait d'autres. Vous avez trop écrit ou pas assez. Il faut que vous nous disiez quelle est l'étape suivante, jusqu'où voulez-vous aller dans la précision et comment.

Cela nous ramène à la question posée tout à l'heure par M. Eckert et moi-même dans nos rappels au règlement sur la non-consultation préalable des partenaires sociaux sur cette modification. Qui vous dit – nous sommes même fondés à penser le contraire – que, dans la négociation qui débute mercredi prochain, les partenaires sociaux vont proposer de remplacer le but lucratif par le bénéfice ? Il suffit de les avoir interrogés – ce que vous avez probablement fait, en tout cas, nous, nous l'avons fait – pour savoir que telle n'est pas leur intention. Comme nous, ils déplorent l'imprécision de la formule que vous proposez par rapport à la situation existante et considèrent que ce n'est pas un progrès, au contraire, et que vous ouvrez un champ d'imprécision nouveau.

Nous butons sur cette difficulté et cette constatation renforce notre demande d'un report de l'examen de cet article. Voilà pourquoi également nous proposerons un amendement de suppression.

Pour conclure mon propos, monsieur le président, puisque vous avez l'amabilité d'appliquer le règlement et de me laisser la minute qui me reste, ce dont je vous remercie…

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