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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 4 décembre 2007 à 21h35
Ratification de l'ordonnance du 12 mars 2007 relative au code du travail — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Nous voterons contre cet article de ratification. Je vous rappelle d'ailleurs qu'en décembre 2004, nous nous étions opposés à la loi de simplification du droit habilitant le Gouvernement à procéder par voie d'ordonnance à la recodification du droit du travail.

Critiquables dans leur principe même, les ordonnances résonnent comme un aveu de la faiblesse de nos institutions et de la crise de régime dont les gouvernements de droite successifs sont responsables. Dans un domaine aussi particulier et central que celui du droit du travail et de l'emploi, choisir une voie aussi autoritaire et peu démocratique va à rencontre de la volonté affichée par l'ancien et l'actuel Président de la République de faire précéder « toute modification des normes sociales d'une large concertation avec les partenaires ». C'est également le moyen de dessaisir le Parlement de la possibilité d'examiner et de débattre des modifications envisagées d'un code à part, et de leurs conséquences sur le quotidien de 21 millions de salariés.

Je ne m'étendrai pas sur la question de savoir s'il fallait ou non recodifier le code du travail. Mais n'oublions pas de rappeler que nous sommes et que vous êtes plus particulièrement responsables de la complexification du droit du travail au cours de ces dernières années. M. Fillon, alors ministre du travail, a torpillé la hiérarchie des normes. Il s'est employé à multiplier les accords dérogatoires à la loi. On ne peut défendre l'objectif de sécurité juridique et proposer tous les six mois de revenir par voie législative sur des jurisprudences bien établies en matière de licenciement économique ou sur les dispositions légales en matière de durée du travail.

Seconde observation : veillons à ne pas confondre lisibilité et simplification. Or, mes chers collègues, ce projet de recodification du code du travail intervient alors qu'économistes et juristes auscultent depuis des années notre législation sociale, sous l'oeil attentif du MEDEF : tous dénoncent la complexité du droit du travail comme de prétendus obstacles au droit au travail.

Interrogé en 2005 par le magazine Liaisons sociales sur le lifting programmé du code du travail, le professeur de droit Antoine Lyon-Caen notait qu'il y avait « en fin de compte sans doute deux projets en un. […] D'abord un projet de (re)codification dans le sens technique du terme, qui consiste à revoir une architecture. D'un autre côté, un espoir suffisamment timide pour être à peine perceptible que dans cet atelier et autour de lui, les efforts de style amorcent de nouveaux récits, qu'un contenant revu remodèle le contenu, que des consensus plus ou moins explicites se forment sur des révisions substantielles ».

Aujourd'hui, au terme du processus de recodification, il n'y a bien que ceux qui l'on initié et conduit pour continuer à défendre la fiction de la recodification à droit constant. Vous êtes les seuls à ne pas vouloir admettre que la méthode choisie était inadaptée. Manuela Grévy, chercheur à l'université de Paris I, le dit très bien dans un article paru aujourd'hui dans L'Humanité : « Il y a certainement une incompatibilité entre les règles de logistique qui ont été pensées de manière uniforme pour toutes les branches du droit et la spécificité du droit du travail. Le code du travail, son épaisseur historique, sa dimension symbolique, son ancrage dans les rapports sociaux, son objet même – protéger le salarié face aux prérogatives patronales – pourrait bien être appauvri, asséché par l'application quelque peu mécanique des règles de la recodification. »

Vous êtes les seuls, enfin, à refuser d'assumer que le résultat n'est pas conforme aux objectifs affichés par la recodification. Le sens et la portée des règles ont changé. Quant à l'accessibilité et à la lisibilité du code, objectifs pour le coup ouvertement assumés, là encore, « les progrès ne sont guère perceptibles », nous dit Bernard Teyssié, professeur à Assas.

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