…pour savoir de quoi il retourne, il a fallu, je vous l'avoue, que nous travaillions beaucoup.
Nous avons, à ce stade, à débattre sur le fond de l'annexe I de l'ordonnance, c'est-à-dire du texte même du nouveau code, déjà édité. Ce texte est entaché à nos yeux de nombreuses anomalies et malfaçons rédactionnelles qui nous interdisent formellement de l'approuver en l'état. Le moins que l'on puisse dire est que les rédacteurs de ce texte n'ont pas eu le souci, ou le scrupule peut-être, d'opérer une recodifîcation à droit constant, comme les y invitait pourtant le texte d'habilitation.
Mais penchons-nous, avant d'en venir au fond, sur le plan du nouveau code, qui permet déjà de se faire une idée de l'étendue des dégâts.
Le plan actuel du code du travail n'est certes pas la panacée : l'empilement désordonné des modifications successives du texte n'en a pas simplifié la lecture. Chacun s'accorde pourtant à reconnaître qu'il ne comprend pas d'incohérences majeures. On ne peut pas en dire autant du plan retenu pour le nouveau code : comme l'a indiquéAlain Vidalies tout à l'heure, et comme le note avec humour Emmanuel Dockès, son inspiration « se situe entre l'inventaire à la Prévert et la célèbre encyclopédie chinoise de Borges ». Autant dire qu'il semble être le fruit des pulsions iconoclastes de ses auteurs.
Notons tout d'abord le déséquilibre frappant de ses parties : la première partie compte ainsi quatre livres, dont la taille s'échelonne entre moins de 10 000 signes pour les deux plus petits et 240 000 signes pour le plus grand. Il en va de même à l'intérieur des livres, où certains titres comptent 400 signes quand d'autres affichent 78 000 signes ! Il ne s'agit pas là de lancer des chiffres au hasard, mais de souligner l'énorme disproportion dans la taille respective des différentes parties du nouveau code, qui témoigne à nos yeux de l'échec des rédacteurs à opérer la classification rigoureuse de l'appareil normatif que l'on peut légitimement s'attendre à retrouver dans un code.
Les dommages seraient faibles, et peut-être même accessoires, si ces divisions avaient du sens et que leurs intitulés correspondaient à leur contenu. C'est malheureusement loin d'être le cas. Comment s'expliquer, par exemple, que ne soient pas incluses dans la partie relative aux « relations individuelles de travail », les questions relatives au salaire, aux heures supplémentaires, aux horaires individualisés, au contrat d'apprentissage ou au travail à domicile, et que celles-ci soient reléguées dans d'autres parties du code ? Les exemples d'incohérence de ce type sont nombreux : le titre sur les « droits et obligations du demandeur d'emploi » ne contient que ses obligations et non ses droits. Ces derniers sont situés dans un autre titre intitulé : « Indemnisation des travailleurs involontairement privés d'emploi ». La troisième partie propose une sous-section intitulée « Congés pour événements familiaux », mais il n'y est nulle part question des congés maternité, des congés paternité ou liés à l'adoption ou à l'éducation des enfants, lesquels sont évoqués au sein du titre « Formation et exécution des contrats de travail ». Notons d'ailleurs que toutes les dispositions relatives aux congés se trouvent ainsi éparpillées dans le nouveau code, notamment les plus importantes, celles relatives au congé maladie ou aux congés formation : partout, sauf dans la partie normalement consacrée aux congés. Bel effort de clarification, comme on le voit !
Mais la palme des incohérences et des titres trompeurs revient à la partie relative à la santé et à la sécurité au travail, dont vous savez qu'elle m'est chère – je vous ai d'ailleurs adressé un courrier, monsieur le ministre, au sujet de l'utilisation par le patronat des fonds de la médecine du travail.