Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Annick Girardin

Réunion du 4 décembre 2007 à 21h35
Ratification de l'ordonnance du 12 mars 2007 relative au code du travail — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Girardin :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'ordonnance qui nous est soumise pour ratification est symptomatique de l'abus qui est fait aujourd'hui de la procédure d'habilitation prévue par la Constitution. Nombre de nos collègues dénoncent, à très juste titre, les nombreux risques liés à la démarche du Gouvernement. Ainsi le déclassement de dispositions d'ordre législatif, renvoyées à la partie réglementaire, est une porte ouverte aux abus dans un domaine, le droit du travail, qui doit rester celui de la loi. On risque également d'« externaliser » vers d'autres codes des dispositions qualifiées de « sectorielles », alors qu'elles sont le coeur d'un droit du travail unifié, offrant les mêmes garanties à tous les salariés. Est également pointée l'absence, dans le nouveau code du travail tel qu'il est modifié par le Gouvernement, d'un chapitre consacré aux droits des personnes privées d'emploi. Je ne m'étendrai pas plus sur ces éléments, sur lesquels nos collègues sont déjà intervenus ou auront l'occasion de revenir en défendant leurs amendements.

En revanche, j'aimerais attirer votre attention sur l'abus dont la procédure d'habilitation est l'objet. Il est aujourd'hui devenu aussi banal de recourir à cette procédure que de déclarer l'urgence sur les projets de loi. Trop de lois sont votées via des habilitations qui constituent autant d'empiétements de l'exécutif sur le déjà bien maigre domaine que la Constitution de la Ve République laisse au pouvoir législatif.

Et ne me dites pas que, si c'est bien le Gouvernement qui propose les projets de loi d'habilitation, personne n'oblige le législateur à les voter : le fait majoritaire l'y oblige, et je défie qui que ce soit sur ces bancs d'affirmer le contraire. La suppression par cette ordonnance du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon, le FEDOM, en est un exemple flagrant.

Depuis 1994 et la loi Perben, ce fonds permet d'associer les parlementaires d'outre-mer aux responsables ministériels et aux chefs des services déconcentrés de l'État dans la définition de la politique de l'emploi et de la formation outre-mer. Ce dispositif a fait ses preuves. Il constitue un élément positif et novateur qui permet à la politique de l'emploi de coller au plus près des réalités du terrain, gage de son efficacité.

Or, ce dispositif, dont la base est l'article L. 832-4 du code du travail, se trouve abrogé par l'article 12 de l'ordonnance qui nous est soumise pour ratification. Ce n'est pas moi qui l'invente : le site de Legifrance le tient pour un fait acquis. C'est bien la preuve que la ratification par le législateur de ce que le Gouvernement fait en son nom est considérée comme bien peu de chose.

Le secrétariat d'État à l'outre-mer n'a pas attendu plus longtemps pour supprimer toute référence à ce fonds de son site Internet. C'est pourtant lui qui en assurait jusqu'à présent l'encadrement, mission qui reste la sienne, en théorie du moins, aussi longtemps que cette ordonnance n'est pas ratifiée et la suppression du FEDOM entérinée.

Cette suppression retire aux parlementaires un droit de regard et une possibilité d'action, tous deux fondamentaux. Cela seul suffirait à justifier que cette assemblée refuse de ratifier l'ordonnance, à moins qu'elle décide de revenir sur cette suppression par voie d'amendement.

La procédure adoptée pour mettre en oeuvre cette suppression est de surcroît proprement scandaleuse et constitue un mépris fondamental du pouvoir législatif, à plusieurs points de vue.

Tout d'abord, cette suppression s'est opérée dans le secret le plus total, et la formulation juridique par laquelle le Gouvernement tente de la réaliser est plus qu'opaque : c'est un véritable trou noir, illisible même pour les initiés. Certains y verront peut-être la preuve que le Gouvernement est plus compétent que le législateur, mais on peut en douter. Et que penser de l'omission volontaire du Gouvernement, qui n'a évoqué cette suppression du FEDOM, ni dans l'exposé des motifs du projet de loi de ratification, ni à l'occasion des débats au Sénat. En effet, nos collègues sénateurs qui ont ratifié cette ordonnance à la fin du mois de septembre, ont été pour le moins marris d'apprendre qu'ils avaient ce faisant voté la suppression du FEDOM.

Vous avez dit ce soir, monsieur le ministre, qu'il y avait eu concertation sur ce texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion