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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 4 décembre 2007 à 9h30
Questions orales sans débat — Difficultés d'application de la réglementation sur l'habitat insalubre

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Madame la ministre du logement et de la ville, nous partageons, je pense, la même indignation face aux conditions inhumaines de logement que font subir certains marchands de sommeil à de trop nombreuses familles, aux plus démunis de nos concitoyens.

Je ne peux passer sous silence certaines réalités qui sont autant d'obstacles à l'amélioration de la situation. Je pense à la pénurie d'offre de logements réellement sociaux et au non-respect du seuil de 20 % de logements sociaux prévu par la loi solidarité et renouvellement urbains. Dans les Hauts-de-Seine, par exemple, seize villes sur trente-six sont hors la loi.

Pour lutter contre l'habitat indigne, nous disposons d'un arsenal juridique avec la loi de 1998 relative à la lutte contre les exclusions et celle de 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Les circulaires du 30 avril 2002 et du 2 mai 2002 ont apporté des éléments complémentaires à ces deux textes.

Plus récemment, les lois de 2004 sur les aides à la pierre et le risque de saturnisme, celle du 18 juin 2005 dite de programmation pour la cohésion sociale à l'origine de la mise en oeur des politiques publiques. Cet objectif figure également parmi les missions de la LOLF et les actions du plan national santé-environnement 2004-2008, lequel évalue entre 400 000 et 600 000 le nombre de logements insalubres et fixe un objectif de 20 000 logements à traiter par an, soit par la démolition, soit par la réhabilitation.

L'urgence est donc incontestable. Dans mon département des Hauts-de-Seine, le plus riche de France, ce sont 26 000 logements insalubres qu'il faudrait traiter.

En dépit de ses louables intentions, l'ordonnance du 15 décembre 2005, qui visait à harmoniser, simplifier, faciliter et accélérer les procédures pour les immeubles insalubres ou en péril, s'est, pour une part, avérée contre-productive. Pour la commune de Gennevilliers, résolument engagée dans la lutte contre l'habitat indigne et qui a signé en 2003 un protocole avec l'État prévoyant l'éradication de 700 logements insalubres sur cinq ans, cette ordonnance s'est traduite par une lourdeur administrative et une charge financière supplémentaires.

En cause, la nouvelle rédaction de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique, qui dispose, dans son second alinéa, que « l'insalubrité d'un bâtiment doit être qualifiée d'irrémédiable lorsqu'il n'existe aucun moyen technique d'y mettre fin, ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction ».

En interprétation de la nouvelle définition de l'« insalubrité irrémédiable », les services de l'État du département des Hauts-de-Seine ont estimé qu'il convenait de recourir à l'avis d'un homme de l'art – maître d'oeuvre, architecte, économiste de la construction – pour évaluer le coût des travaux nécessaires à la sortie de l'insalubrité afin de les comparer au coût de la reconstruction neuve du bâtiment.

Cette interprétation, semble-t-il réservée au département des Hauts-de-Seine, a des conséquences plus que fâcheuses pour ma commune et pour d'autres, comme Clichy et La Garenne-Colombes, qui, compte tenu du nombre important d'immeubles à traiter, doit recourir à une procédure de consultation pour choisir ce spécialiste.

Cette obligation nouvelle de recourir à une prestation de service fournie par une personne extérieure à la commune, pour éviter, nous a-t-on dit, d'être juge et partie, outre qu'elle est d'un coût élevé, a eu aussi pour effet induit et grave de bloquer cinq dossiers d'immeubles insalubres qualifiés « irrémédiables » par nos services communaux d'hygiène, ce qui a pour conséquence de retarder considérablement leur passage en CODERST et, de ce fait, le relogement des personnes occupant ces immeubles, ce qui, vous en conviendrez, est plus grave.

Cette nouvelle définition de l'insalubrité irrémédiable diminue le nombre d'immeubles déclarés insalubres irrémédiablement et augmente ipso facto le nombre d'immeubles déclarés « insalubres remédiables ».

En cas de remédiabilité, les communes sont incitées à se substituer au propriétaire défaillant, notion floue, non définie juridiquement, et à réaliser les travaux d'office. Elles doivent ainsi assumer la responsabilité d'un maître d'ouvrage public sur une propriété privée, assumer à leurs frais, certes avec inscription d'un privilège spécial immobilier – c'est le décret du 11 juillet 2007 –, la prise en charge de l'hébergement des occupants durant les travaux nécessaires. Au final, le propriétaire défaillant recommence, en toute impunité, à percevoir des loyers, et cela sans aucun contrôle légal de son impossibilité réelle d'assumer lui-même, en direct, les travaux et la prise en charge de leur coût.

En conclusion, nous constatons que cette nouvelle définition de l'insalubrité irrémédiable impacte de manière négative celle de l'insalubrité remédiable. Elle favorise, en outre, le maintien de très nombreux occupants dans des immeubles seulement relativement rénovés, mais dont nous savons l'insuffisance, et qui feront toujours l'objet d'une sur-occupation.

Dans ces conditions, madame la ministre, nous nous demandons s'il ne conviendrait pas de revoir les termes de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique.

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