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Intervention de Jean-Claude Fruteau

Réunion du 25 juillet 2007 à 15h00
Libertés et responsabilités des universités — Article 23

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Fruteau :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les fondations partenariales, dont l'article 23 permet la création, sont présentées comme un des outils destinés à accroître les sources de financement des universités et à assurer leur compétitivité à l'échelle française, voire communautaire ou mondiale. Une fois n'est pas coutume, le Gouvernement ayant choisi, à juste titre, de ne pas autoriser l'augmentation des droits d'inscription, les universités auront donc recours au financement privé pour s'assurer les moyens de leurs ambitions.

Dans quelles situations ce principe louable s'appliquera-t-il avec efficacité ?

D'abord, dans le cas où une université possède des laboratoires de recherche performants, les acteurs privés chercheront alors à investir afin de récolter une partie des fruits de cette excellence. Ensuite, dans l'hypothèse d'une université située sur un territoire dynamique sur lequel préexistent de manière quasi naturelle des synergies avec le monde économique, les entreprises seront alors probablement incitées à intervenir financièrement pour favoriser le développement d'enseignements de pointe correspondant à leur propre domaine d'activité.

Il reste que cette approche théorique ne correspond pas vraiment aux réalités de terrain. La France est diverse, vous le savez, madame la ministre : tous les établissements d'enseignement supérieur qui vont entrer en concurrence ne sont pas armés de la même manière. Dans les départements d'outre-mer, et en particulier à la Réunion, l'université s'inscrit au coeur d'un territoire défavorisé par des handicaps structurels importants, marqué par son retard économique, mais aussi par la faiblesse d'un tissu d'entreprises fragile et incontestablement réduit.

Quelle entreprise réunionnaise a aujourd'hui les capacités financières et les débouchés pour prendre le risque d'investir de manière significative dans le système éducatif local ?

Quelle entreprise installée en France métropolitaine va parier sur une université située à 10 000 kilomètres de son siège, et dont le pouvoir d'attraction sur les étudiants et des enseignants se heurte à l'obstacle quasiment insurmontable de l'éloignement ?

Qui viendra se risquer à miser sur des secteurs d'excellence comme celui des sciences sociales ou, dans le domaine scientifique, celui des études en matière de biodiversité et d'espaces marins ? L'impact de ces derniers travaux sur la recherche fondamentale est essentiel mais, faute d'applications pratiques immédiates, ils ne trouvent que rarement un écho auprès des entreprises locales et nationales.

À la Réunion, il est incontestable que le cercle vertueux que vous souhaitez enclencher, en mettant en concurrence les universités sur le plan financier, va se transformer en cercle vicieux. Le dynamisme recherché à l'échelle nationale engendrera des inégalités au détriment des universités et des territoires les plus fragiles.

L'université de la Réunion est un lieu de formation supérieure ouvert à tous. Elle est également le relais de la France, de sa culture, de sa pensée et de sa langue, dans un océan Indien aujourd'hui majoritairement anglophone. Maintenir et garantir cette richesse ne peut se faire sans volontarisme politique ni action de l'État. Certes, les fondations partenariales peuvent, dans certains cas, constituer un atout, mais pour qu'elles ne deviennent pas le fossoyeur des établissements les plus faibles, nous attendions d'autres réponses de la part du Gouvernement, notamment en termes de financement public. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

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