Cet article a deux aspects : d'une part, l'augmentation du taux de CSG applicable aux allocations de préretraite, et notamment les plus faibles d'entre elles ; d'autre part, les mises en préretraite d'office.
C'est devenu un leitmotiv que de souligner que le taux d'emploi des 55-59 ans – et c'est encore plus vrai des 55-64 ans – en France est bien plus faible que le taux moyen en Europe.
On nous explique qu'il faut travailler plus longtemps parce que l'espérance de vie augmente. Il convient de réfléchir à cette question de manière approfondie.
D'abord, si l'espérance de vie de la population augmente de façon générale, cela n'exclut pas des différences entre les sexes et entre les catégories sociales. L'espérance de vie n'augmente pas du tout de la même façon pour les cadres que pour les ouvriers. Il faudrait donc déjà pouvoir tenir compte de ces différences. Or nous savons que les négociations entre partenaires sociaux sur la pénibilité avancent, c'est le moins qu'on puisse dire, très lentement. On n'a donc pas réglé cette question.
Ensuite, ce qui compte, ce n'est pas seulement l'espérance de vie, c'est l'espérance de vie en bonne santé. Arrivé à un certain âge, vous pouvez être, certes, toujours en vie, mais incapable de travailler. Je remarque que si les préretraites progressives ont été supprimées par la loi de réforme des retraites, nous n'avons jamais réussi à discuter de la retraite progressive, qui pourrait être une piste.
Vous êtes en train de nous dire : « Travailler plus ! Travailler plus ! Travailler plus ! ». Oui, l'objectif du Gouvernement, c'est de faire travailler les salariés 48 heures par semaine (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), en se calant sur le maximum autorisé par les lois européennes. Mais autant l'on peut travailler plus quand on est jeune, autant il devient plus difficile, au fur et à mesure que l'on avance en âge – mais cela dépend aussi du travail que l'on fait –, de tenir des semaines longues et dures, qui pourraient d'ailleurs être d'autant plus longues que vous voulez aussi faire travailler le dimanche.
De deux choses l'une. Soit nous partons du fait que l'espérance de vie en bonne santé – ce qui est plus restrictif que l'espérance de vie tout court – augmente, et nous réfléchissons à un système de départ en retraite progressif, à partir d'un certain âge. Il permettrait à ceux qui sont en bonne santé de continuer à travailler tout en cotisant, évidemment, dans le cadre d'un système spécifique. Parce que s'il s'agit uniquement d'ouvrir des droits à la retraite en fonction des heures travaillées, cela va devenir inintéressant. Soit, donc, nous sommes capables de réfléchir à cette façon de concevoir l'évolution du rythme de travail sur toute la vie, soit nous supprimons les préretraites. Mais la diminution du nombre de préretraites, qui va s'accompagner de la suppression des dispenses de recherche d'emploi, puisque tel est l'objectif annoncé par le Gouvernement, à quoi va-t-elle aboutir ? À plus de chômeurs, et aussi peut-être à plus d'allocataires du RMI âgés. Ce n'est pas la solution.
C'est vrai que les choses sont ambivalentes. Je ne dis pas que tous les salariés à qui l'on propose la préretraite sont contre. Ce n'est pas vrai. Certains peuvent être pour. Pourquoi ? Parce que, arrivés à 58 ou 59 ans, ils sont fatigués ; parce que l'ambiance dans l'entreprise se dégrade ; parce que l'entreprise est en difficulté et qu'ils préfèrent partir tant que c'est possible. Cela existe, il ne faut pas le nier. Il y a des salariés qui sont contents. Et cela arrange aussi les entreprises, parce que cela leur permet parfois de régler les problèmes d'effectifs de façon plus soft qu'en allant au conflit social. Cela permet aussi d'abaisser le coût qui devrait être supporté si les salariés étaient licenciés et, se trouvant au chômage, touchaient les allocations des ASSEDIC. Donc, tout n'est pas négatif dans les préretraites. Il faut arrêter avec cette critique. Il y a des aspects ambivalents, qu'il faut reconnaître, et dont il faut tenir compte.
Qu'il me soit permis de citer un exemple. La Samaritaine était dans ma circonscription. Elle a fermé, comme vous le savez sans doute. Cette fermeture a touché 1 500 salariés. L'une des solutions retenues a consisté en un plan de préretraites particulièrement important, payé par le groupe LVMH, avec des départs en préretraite visant des personnes très jeunes. Mais étant donné que le groupe n'avait eu auparavant aucune politique de formation en direction de ses employés – ses dirigeants eux-mêmes le reconnaissent, parce qu'il y avait eu un changement de propriétaire du magasin –, s'il n'y avait pas eu ce plan de préretraites, de nombreux salariés, dont beaucoup de femmes, comme par hasard, se seraient retrouvés au chômage. Et ces femmes auraient aussi été dans l'impossibilité de retrouver un emploi, étant arrivées à un âge où il leur est beaucoup plus difficile de suivre des formations pour pouvoir être réembauchées dans des magasins où l'on demande – n'est-ce pas ? – de jeunes vendeuses ou des vendeuses ayant un look que les jeunes présentent plus aisément.
Vous savez très bien que s'il est difficile aujourd'hui pour les salariés âgés de continuer à travailler, c'est aussi parce que les entreprises n'en veulent pas. Toutes les études le prouvent, et vous devez vous aussi recevoir dans vos permanences des chômeurs de plus de cinquante ans qui viennent vous voir en vous disant qu'ils n'arrivent pas à retrouver un emploi du fait de leur âge. Ils auraient pourtant d'autant plus besoin de retrouver un travail qu'on commence à voir des générations de salariés avec des carrières incomplètes et qui ne peuvent pas se permettre de partir à la retraite avant soixante-cinq ans. Ce ne sont donc pas ces salariés qui ne veulent pas travailler ; ce sont les entreprises qui ne veulent pas les embaucher.
Je termine sur un point, madame et monsieur les ministres.