Le groupe socialiste ne peut qu'approuver la prorogation de ces dotations liées à la réforme de l'état civil et à la construction et l'équipement d'établissements scolaires à Mayotte.
C'est naturellement une bonne chose de doter la commission de réforme de l'état civil mahorais, issue de l'ordonnance de 8 mars 2000, des moyens nécessaires. Dans un rapport, les députés Dosière et Quentin avaient souligné toute l'importance de cette réforme dès 2006. Toutefois et malgré les moyens déployés, force est de constater que les objectifs de stabilisation de l'identité des Mahorais sont loin d'être atteints, comme vient de le rappeler notre collègue Aly.
Pour plus d'efficacité, il est urgent de revoir la méthode. C'est pourquoi, en début d'année, les élus du conseil général de Mayotte avaient demandé la transformation de cette commission présidée par un magistrat en une commission administrative, dans une résolution votée à l'unanimité et transmise aux deux ministères concernés : la justice et l'outre-mer. Tous les experts de cette réforme sont d'accord pour simplifier les procédures grâce à la mise en place d'une sorte de task force administrative, sur le modèle expérimenté il y a quelque temps en Guyane où 60 000 actes avaient été revus en une année. À Mayotte, seulement 25 000 actes ont été produits depuis l'an 2000, c'est-à-dire depuis huit années !
De surcroît, les moyens réduits du tribunal de Mayotte ont entraîné l'arrêt des travaux de la commission durant plusieurs semaines cet été. Ce retard crée des situations complètement anormales pour les Mahorais en métropole et à La Réunion : ils ne peuvent pas renouveler leur carte d'identité, par exemple, et deviennent des Français sans papiers, incapables de justifier de leur identité.
L'évolution de Mayotte vers la départementalisation ne peut pas occulter ce droit de tout citoyen à une identité reconnue et fiable. Les trois ministères concernés – justice, intérieur et outre-mer – doivent donc faire de cette réforme un dossier prioritaire et changer les méthodes de travail.
L'article 64 traite aussi de la construction d'équipements scolaires à Mayotte, les établissements étant dans une situation préoccupante et symbolique du désengagement de l'État, qui doit désormais relever deux défis : un rattrapage est nécessaire pour que les jeunes Mahorais bénéficient d'une scolarisation normale et parviennent à une meilleure maîtrise du français ; il est aussi nécessaire pour faire face à la forte poussée démographique de l'archipel.
Dans ce secteur, le premier indicateur reste l'effort de la puissance publique en matière de constructions scolaires, qui reposent actuellement sur une responsabilité financière pleine et entière de l'État. En effet, la construction des écoles primaires dépend du SMIAM, syndicat de communes dont les ressources proviennent de dotations de l'État. Quant aux établissements du secondaire, un système dérogatoire les place hors du champ de compétence de la collectivité départementale de Mayotte. L'effort d'investissement dans le domaine scolaire constitue donc un bon indicateur de la volonté de développement de Mayotte manifestée par l'État.
Après la loi statutaire de 2001, un plan spécifique avait été élaboré, notamment pour faire face aux projections démographiques. Aujourd'hui, ce plan est arrivé à expiration, mais aucun chiffrage n'a été retenu pour les prochaines années.
Dans le primaire, au cours de cette rentrée, les responsables du SMIAM ont tiré la sonnette d'alarme. Selon eux, face à la poussée démographique et aux obligations nouvelles liées à la scolarisation des enfants de trois et quatre ans, les constructions auront du mal à suivre au cours des prochaines années. Les huit millions prévus par le contrat de projet sont insuffisants et le conseil général, dont ce n'est pas la compétence, pourra difficilement investir plus qu'actuellement.
Dans le secondaire, la situation est tout aussi préoccupante. Alors que, depuis plusieurs années, la rentrée scolaire était marquée par de nouvelles constructions de collèges et de lycées en dur, pour la première fois en cette rentrée le rectorat a inauguré un lycée en préfabriqué à Chirongui d'un coût de cinq millions d'euros, contre près de 30 millions d'euros pour un établissement en dur. Bis repetita à la rentrée de septembre 2009, un collège en préfabriqué sera monté à Kaweni. Outre les difficultés techniques rencontrées dans la recherche de foncier disponible et outre les délais de construction qui s'allongent, c'est le symbole d'un fort désengagement de l'État dans le domaine de l'éducation.
De plus, la perspective d'un transfert de compétences vers la collectivité territoriale, à la faveur de la départementalisation, risque d'aggraver la situation au cours des prochaines années. En effet, l'État gagnerait sur les deux tableaux : faibles investissements réalisés au cours des dernières années ; calcul des dotations de transfert basé sur des constructions en préfabriqué d'un moindre coût.
Autre signe inquiétant : dans la première version du contrat de projet élaboré par les services de l'État, un montant de plus de 300 millions d'euros avait été inscrit, après arbitrage national ; après 2008, plus aucun montant n'a été mentionné. Aujourd'hui, il n'y a plus d'engagement chiffré de l'État pour les constructions scolaires dans le second degré, alors que la démographie scolaire continue à progresser et que des efforts de rattrapage sont encore nécessaires.
Actuellement, le dossier de la départementalisation est sur le devant de la scène. Toutefois, les moyens du développement de Mayotte ne peuvent souffrir d'un désengagement de l'État, notamment dans le domaine de l'éducation. Comme pendant la période de la loi statutaire de 2001, il faut accompagner l'évolution institutionnelle par des investissements publics importants et sur des priorités stratégiques. Territoire de la République, Mayotte doit bénéficier des moyens nécessaires à assurer une éducation pour tous et dans des conditions normales.
Pour conclure, permettez-moi de vous interroger sur le calendrier et les modalités d'organisation de la consultation des Mahorais au sujet de la départementalisation. S'agissant du calendrier, pouvez-vous nous confirmer que la consultation aura bien lieu en mars ? Si la réponse est positive comme on peut le penser et l'espérer, pouvez-vous d'ores et déjà prendre des engagements sur la traduction parlementaire de ce vote ? Je n'aimerais pas que, comme pour les élus du Nord, il s'écoule plus de trois ans entre le vote de la population et l'adoption des lois organiques et ordinaires relatives à la départementalisation de Mayotte. En ce qui concerne la question posée, pouvez-vous nous dire si les Mahorais seront appelés à voter sur un texte, un projet de nouvelle organisation institutionnelle avec un calendrier précis, ou sur une simple question sans projet clairement exprimé ?
Enfin, l'AFP relève une curiosité : Mayotte, où le PIB par habitant est le plus faible, reste pourtant la collectivité la moins bien lotie en termes de dotation budgétaire, à savoir 3 405 euros par habitant. De plus, la hausse substantielle des crédits de paiement pour Mayotte depuis 2007 tient à une seule raison : l'inscription de 178 millions d'euros pour l'enseignement privé, alors même que l'enseignement public manque de crédits. Pouvez-vous m'expliquer cette curiosité ?