Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 7 novembre 2008 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2009 — Outre-mer

Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales :

Monsieur le président, mesdames, messieurs, donner un nouvel élan à l'outre-mer, valoriser les atouts spécifiques de chaque territoire, leur permettre à tous de mieux affronter les grands défis de l'époque et de l'avenir, telle est l'ambition du budget pour 2009 de la mission « Outre-mer » que j'ai l'honneur de vous présenter avec Yves Jégo.

Non, le Gouvernement ne se désintéresse pas de l'outre-mer. Au contraire, madame Berthelot, le rattachement, dans un grand ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales est la marque de cet intérêt. Yves Jego comme Alain Marleix, pour les collectivités locales, ont en charge des secteurs qui sont représentés au sein de l'administration du ministère de l'intérieur.

Non, le Gouvernement ne refuse pas d'écouter les représentants et les acteurs de l'outre-mer.

Oui, la protection des personnes et des biens outre-mer est l'une de mes priorités personnelles. Oui, le développement économique des départements et des collectivités d'outre-mer est l'une de nos priorités nationales. C'était hier un engagement de la campagne du Président de la République. C'est aujourd'hui notre feuille de route et notre politique.

Alors que le reste des missions budgétaires de l'État respecte des règles d'évolution particulièrement strictes, les moyens de la mission « Outre-mer » connaissent, eux, une progression significative, que certains peuvent trouver insuffisante, mais que beaucoup envient dans d'autres secteurs.

Oui, le dialogue, la recherche du consensus chaque fois qu'il est possible, dans l'analyse des situations ou dans les solutions à trouver, le souci de l'intérêt général, sont les éléments de notre méthode.

Face aux défis du XXIe siècle, nous proclamons le besoin d'une nouvelle stratégie pour l'outre-mer. Cette nouvelle stratégie, sur laquelle l'État renforce ses concours, nécessite une analyse objective de certaines situations, ne nous le cachons pas. Si tout allait bien, aurions-nous entendu les discours que nous avons entendus ?

La situation n'est plus la même qu'il y a vingt ans. Nous sommes confrontés à une mondialisation qui crée des concurrences supplémentaires, qui nous oblige à relever des défis supplémentaires.

Dans ce contexte, personne, et personne ne le fera dans cet hémicycle, je le sais, ne peut nier les difficultés auxquelles sont confrontés nos départements et collectivités d'outre-mer, M. Diefenbacher les a parfaitement évoquées il y a un instant : l'éloignement géographique et la proximité avec des pays qui n'ont pas les mêmes règles de protection sociale que les nôtres, l'éparpillement, l'insularité et la taille limitée des marchés domestiques, sans oublier, et j'y suis tout particulièrement sensible, des trafics et des violences qui font encore trop de victimes, des risques excessifs sur les routes et des catastrophes naturelles.

Face à ces difficultés, face à ces handicaps naturels, la posture a longtemps été de savoir comment on peut compenser, comment on peut rattraper.

Les politiques menées ont eu certains résultats, mais le taux de chômage demeure néanmoins plus élevé qu'ailleurs, le logement social est notoirement insuffisant, quantitativement et qualitativement, et les prix à la consommation sont trop élevés par rapport au niveau de vie.

Le temps est venu de proposer une autre stratégie, une autre vision à l'outre-mer, dans un monde qui a changé. Ce n'est pas une condamnation du passé, c'est l'obligation de s'adapter à un certain nombre d'évolutions, qui ne sont pas forcément négatives.

J'ai entendu s'exprimer une grande morosité, de nombreuses craintes, de nombreuses inquiétudes, mais ma conviction, c'est que nos départements et nos territoires d'outre-mer ont de vrais atouts dans la compétition mondiale, s'ils prennent conscience des besoins en matière de développement durable, ce qui était beaucoup moins perçu autrefois.

Ils pourront affronter les défis du XXIe siècle, si leurs économies et leurs entreprises s'inscrivent dans une véritable dynamique, madame Girardin, et j'ai regretté que cette idée, qui est bonne, ne soit pas la trame majeure de votre discours et que vous l'oubliiez bien vite. Il faut également assurer véritablement leur sécurité. Dans tous ces domaines, il y a des choses à faire.

Nous voulons leur donner les capacités de franchir les obstacles, qui sont réels, d'obtenir la compétitivité nécessaire pour s'inscrire dans un vaste élan qui est celui du monde à venir.

J'affirme, parce que j'y crois, que l'outre-mer est une chance pour la France et pour l'Europe, je le redisais tout à l'heure à Zagreb quand nous parlions des modèles à donner à un certain nombre de continents.

Cette politique, nous voulons la mettre en oeuvre avec l'outre-mer, ses élus, les acteurs de son économie.

Yves Jego, son prédécesseur, Christian Estrosi, et moi-même n'avons cessé de démontrer cette volonté d'associer tout le monde en préparant le projet de loi sur le développement de l'outre-mer.

Finalement, monsieur Mariton, il n'y a peut-être pas tellement de différences entre Mme Taubira et vous. L'outre-mer, c'est un tout parce que cela représente une chance pour la France et pour l'Europe, mais chacun de nos départements et de nos territoires est totalement différent et a des atouts spécifiques.

C'est bien parce nous en avons pris conscience que nous avons voulu demander à ceux qui connaissent le mieux les départements d'outre-mer de nous dire quels étaient les atouts sur lesquels ils voulaient s'appuyer pour se développer. Qui a choisi les secteurs stratégiques prioritaires dans la loi pour l'outre-mer ? Le Gouvernement ? Non. Chacun des départements, par ses élus et ses acteurs professionnels. Voilà comment nous voulons travailler.

Cette nouvelle stratégie est équilibrée.

L'État, en même temps qu'il renforce ses concours financiers, remet à plat certaines situations, parce qu'elles ne correspondent pas à l'ambition que je viens d'exposer.

La mission « Outre-mer » que nous soumettons à votre vote s'élève à 1,8 milliard d'euros. Dans un budget général qui progresse de 2%, elle est en progression de 16%, avec une augmentation de 9% pour les crédits consacrés au logement. Il est donc faux, madame Berthelot, de dire que l'État se défausse sur la fiscalisation, M. Mariton d'ailleurs l'a bien souligné.

En dehors de ce budget, l'État participe aussi à la création d'un environnement permettant à l'économie d'outre-mer de se développer, en faisant notamment un effort tout particulier en matière de sécurité. Mon ministère, en 2009, fera un effort sensible au profit de l'outre-mer, avec les premières commandes d'hélicoptères pour la gendarmerie et la sécurité civile, les premiers pas du centre d'alerte aux tsunamis, et l'achèvement de mon programme d'implantation des GIR outre-mer. Pour faire avancer une économie, en effet, il faut aussi que les gens aient confiance, que les investisseurs sachent qu'ils n'ont pas à craindre l'insécurité. En Guyane, nous allons recommencer l'opération Harpie qui, l'année dernière, a coûté 13 millions d'euros et qui est si importante à la fois pour la santé des populations et pour la sécurité et la stabilité du pays.

Quant au projet de loi pour le développement de l'outre-mer que le Gouvernement soumettra prochainement à votre vote, il conduira à une augmentation annuelle de 200 millions d'euros des concours financiers apportés par l'État.

L'État s'engage donc clairement, conformément aux promesses du Président de la République. Prétendre le contraire ne correspond pas à la réalité.

En même temps, le Gouvernement, parce que c'est aussi son devoir, remet à plat certaines situations qui ne peuvent perdurer car, au total, elles handicapent l'économie locale et donc l'emploi.

Encore une fois, il ne s'agit pas de tout révolutionner, il s'agit d'essayer de regarder ce qui ne va pas. Si tout allait bien, auriez-vous tenu les mêmes propos ? Non. À partir de là, ce que nous avons à voir ensemble, c'est comment améliorer la situation.

L'indemnité temporaire de retraite est l'héritière d'un système vieux de plus de cinquante ans, quand les conditions outre-mer n'étaient pas ce qu'elles sont, ni les conditions économiques, ni les conditions de travail, ni les conditions de vie, quand les déplacements étaient beaucoup plus longs.

Il y a eu des changements et, pourtant, cette indemnité a été maintenue telle quelle. Elle se révèle aujourd'hui non seulement coûteuse, mais aussi injuste, et donne lieu à des excès.

Elle entraîne également des manifestations d'opportunisme, que vous dénoncez vous-mêmes lorsque nous les évoquons. Voilà pourquoi le Gouvernement a proposé une réforme, que votre assemblée a du reste adoptée, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

En ce qui concerne les incitations fiscales et certaines exonérations de charges sociales, il faut reconnaître des avancées ; je l'ai dit tout à l'heure. Mais, vous le constatez comme moi, elles n'ont pas apporté à l'économie locale tous les bénéfices qui en étaient attendus. Soyons sérieux : qui ne sait que les règles sont parfois détournées au profit de quelques-uns, loin de l'intérêt général et des choix économiques à long terme ?

Il ne s'agit pas de stigmatiser l'outre-mer, monsieur Jalton, bien au contraire. En effet, c'est souvent parce que quelques-uns ne se conduisent pas correctement et se montrent opportunistes que le doute ou la critique s'étendent à tous. Ainsi, en mettant fin à certains abus, vous éliminerez le problème. Cela vaut en la matière comme dans tous les domaines. Et c'est bien là ce que nous voulons faire.

En effet, la responsabilité politique consiste à tenir compte du fait que la situation a changé ou, de manière d'autant plus objective que l'on se situe à l'intérieur d'une même majorité, du fait que les politiques antérieures n'ont pas atteint les buts souhaités. C'est dans cet esprit que j'aimerais que nous travaillions.

Le plafonnement des incitations fiscales satisfait à un objectif simple, à une exigence de justice, partagée sur tous les bancs – du moins je l'espère : la participation équitable de chacun à l'effort fiscal, sans ignorer pour autant la nécessité d'apporter aux économies d'outre-mer, de manière durable, les financements qui leur sont nécessaires.

La responsabilité politique consiste donc à savoir prendre des décisions dans l'intérêt général ; elle suppose aussi de conduire la réforme en sachant écouter. Je sais qu'au terme d'une année de croissance économique sensible pour les départements et collectivités d'outre-mer, des hésitations et des inquiétudes se manifestent. Certes, comme l'a fort bien dit Éric Raoult, la crise financière exerce ses effets sur certaines économies. Mais, au-delà de ce phénomène, ces inquiétudes sont aussi alimentées par des actes de désinformation et des postures personnelles qui font parfois primer des intérêts à court terme, voire des intérêts corporatistes, sur l'intérêt général.

Sachez que le Gouvernement n'en privilégie pas moins l'écoute, et la privilégiera toujours. Je tiens à le souligner, nous n'avons jamais cessé d'être à l'écoute de tous les responsables d'outre-mer – du moins de ceux qui voulaient bien dialoguer avec nous, car il est arrivé que certains, en certains endroits, refusent de venir me rencontrer. Peu importe : cela ne m'empêchera pas de continuer.

En juin dernier, j'ai ainsi demandé la reprise de la concertation sur la loi de programme. Yves Jégo, pour sa part, n'a cessé d'être à l'écoute : ainsi, s'agissant de la réforme de l'ITR, il a su adapter son texte en proposant un horizon de vingt ans.

Avec lui, j'ai saisi le Premier ministre, dès le 22 septembre dernier, de la question du plafonnement des avantages fiscaux et de leurs effets sur les économies d'outre-mer. Le projet de plafonnement que nous vous présentons aujourd'hui intègre, comme je l'avais proposé, l'effet de la rétrocession : le plafond sera de 40 000 euros après rétrocession, soit 6 % du revenu net. Cette proposition me semble satisfaire l'exigence d'équité fiscale, puisqu'elle ne devrait permettre à aucun contribuable d'échapper à l'impôt. Elle satisfait également l'exigence de fournir aux économies ultramarines les ressources financières nécessaires à leurs investissements, surtout maintenant – d'autant que nous allons, comme Yves Jégo et moi-même l'avions aussi proposé, modifier les modalités d'appel public à l'épargne de manière à accroître le nombre d'investisseurs potentiels outre-mer.

Avant de laisser la parole à Yves Jégo, qui, ayant pu vous entendre tous cet après-midi, se chargera de vous répondre, je veux simplement vous dire que mon ambition, notre ambition à tous deux, est de donner aux économies d'outre-mer les moyens de leur propre développement.

Je crois au talent des hommes et des femmes des départements et collectivités d'outre-mer, qu'ils soient dans cet hémicycle ou qu'ils en soient éloignés, cher Éric Raoult ; de ce point de vue, j'approuve entièrement votre proposition, qu'Yves Jégo commencera de mettre en application dès son prochain voyage. Je crois aux atouts dont disposent les économies ultramarines pour relever les défis de demain. Je crois véritablement que l'outre-mer est une chance pour la France et pour l'Europe.

C'est cette conviction que je voulais développer devant vous, en vous incitant tous à bien réfléchir à l'intérêt général de nos départements et collectivités d'outre-mer, qui est aussi et qui sera toujours l'intérêt général de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion