Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je me contenterai de formuler trois observations sur trois collectivités différentes.
La départementalisation de Mayotte est en marche. Des engagements ont été pris à ce sujet, auxquels les socialistes sont favorables. Mais il me revient de mettre le Gouvernement en garde sur le fait que la départementalisation est impensable si l'on n'a pas établi, au préalable, un état-civil fiable. Or Mayotte connaît un problème considérable dans ce domaine. Pour avoir présidé une mission d'information sur Mayotte avec Didier Quentin, dont je partage l'analyse, j'ai pu mesurer qu'un gouffre sépare la réalité du terrain et la perception que l'on peut en avoir de Paris.
Or les mesures proposées sont sans rapport avec la gravité du problème, et je répète que procéder à la départementalisation de Mayotte sans avoir réglé au préalable la question de l'état-civil, c'est aller à la catastrophe.
Le problème est aussi simple à analyser que compliqué à résoudre : Mayotte est le seul territoire où coexistent deux types d'état-civil, l'un musulman, l'autre administratif. Or si Allah connaît ses enfants, qui n'ont de ce fait pas besoin de papiers, la République, elle, veut des papiers en règle.
Véritablement, les Mahorais doivent être informés que la mise en place de la départementalisation exige que ce problème soit réglé au préalable, sans chercher à remettre en cause la totalité du droit local musulman ou à s'attaquer à la religion musulmane.
Changeons maintenant d'océan pour nous transporter en Nouvelle-Calédonie. Le processus de décolonisation progressive et pacifique qui se déroule dans ce territoire ne doit pas être analysé seulement au travers des rivalités politiques locales, d'ailleurs bien médiocres par rapport aux enjeux de l'accord de Nouméa. L'Assemblée s'est pleinement engagée dans ce processus, dont le terme arrive, avec les échéances de 2014 et 2020. Mais j'ai le regret de constater depuis plusieurs années que notre assemblée se désintéresse de ce processus et n'est d'ailleurs plus informée sur son déroulement. On l'a bien vu au moment du vote de la révision constitutionnelle à propos du corps électoral, qui fait l'objet d'un des points de l'accord de Nouméa. Se sont manifestées alors des réticences relativement fortes, qui n'existaient pas lorsque nous avons voté à l'unanimité le statut de la Nouvelle-Calédonie. Cela montre bien que notre assemblée a besoin d'être informée de la réalité de ce qui se passe sur le terrain.
Ce que je dis là ne s'adresse pas tant au Gouvernement, qui fait son travail, qu'à notre président : les Calédoniens souhaitent que notre assemblée soit informée et il convient donc de faire en sorte qu'elle le soit, et à travers elle les Français de métropole, sur le processus en cours. J'ai fait, depuis six ans, un certain nombre de propositions à ce sujet aux président successifs de la commission des lois. Ils ont refusé systématiquement qu'une mission d'information puisse éclairer l'Assemblée. J'ose espérer qu'ils m'opposent ce refus en pleine connaissance de cause. L'accord de Nouméa a toujours bénéficié d'un consensus parmi les forces politiques en métropole. La gauche, qui a initié les accords de Matignon, celui de Bercy et celui de Nouméa, s'est donné les moyens de l'obtenir. Je souhaite que la majorité actuelle se donne les moyens de maintenir ce consensus. Si l'on veut qu'il existe, il faut faire en sorte de le mériter.
Rendons-nous maintenant en Polynésie française. Depuis 2004, toutes les tentatives de la majorité actuelle pour modifier le régime électoral du territoire n'ont fait qu'aggraver l'instabilité. Or son développement exige la stabilité. Elle est certes plus difficile à obtenir. C'est pourquoi, madame et monsieur les ministres, je vous suggère de négocier avec les trois principales forces politiques, celles qui se reconnaissent de Gaston Flosse, d'Oscar Temaru et de Gaston Tong Sang, ce que, localement, on appelle les accords de Tahiti Nui, c'est-à-dire un processus de développement autonome et de réduction des inégalités sur une dizaine d'années, de manière à ce que pendant cette période on ne pose plus les problèmes institutionnels pour travailler enfin au développement économique. C'est à l'issue de cette période qu'on pourrait envisager une consultation locale sur l'avenir du territoire.
Si nous ne parvenons pas à rétablir la stabilité sur ce territoire, nous continuerons à dépenser de l'argent à fonds perdus et sans nous valoir d'ailleurs de reconnaissance des populations. Je constate en effet – je ne m'en réjouis ni ne m'en plains, car c'est l'affaire des Polynésiens – que depuis que ces nouveaux régimes électoraux se succèdent, les indépendantistes progressent très régulièrement à chaque consultation. Je ne sais pas si le Gouvernement actuel souhaite qu'un jour la Polynésie soit indépendante, mais si l'on veut que les inégalités sur le territoire se réduisent et que son développement soit autonome, il faut mettre chacun devant ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)