Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord féliciter les trois rapporteurs, même si je ne partage pas toujours leurs analyses, car j'ai trouvé leurs rapports fournis et intéressants à lire.
Je suis heureuse que vous soyez là, madame la ministre, parce que c'est à vous que je voulais adresser la première partie de mon propos.
L'année dernière, peut-être vous rappelez-vous, j'avais dit, à l'occasion de mon premier budget, que je ne comprenais pas le rôle du secrétaire d'État à l'outre-mer. Aujourd'hui, je voudrais revenir sur ce sujet, en évoquant la réorganisation administrative des structures en charge de l'outre-mer.
En juillet 2008, a été créée au sein de votre ministère une délégation générale à l'outre-mer qui remplace le secrétariat d'État à l'outre-mer, ce qui me fait dire que vous êtes, monsieur le secrétaire d'État, un délégué général à l'outre-mer.
Prochainement se tiendra un conseil interministériel pour l'outre-mer, sous la présidence du Président de la République. Si j'en crois le rapport de M. Didier Quentin, ce conseil sera « chargé de veiller, en liaison avec les autorités préfectorales, au bon pilotage des politiques publiques outre-mer et à la bonne gestion des crédits alloués aux collectivités ultramarines ».
Madame la ministre, je ne suis pas sûre de bien comprendre cette phrase mais elle m'inquiète et j'aimerais que vous m'éclairiez, à tout le moins que vous en fassiez une analyse. S'agirait-il d'une mise sous tutelle des collectivités territoriales et de leur retrait du champ de compétence de la chambre régionale des comptes ?
Avant d'entrer dans le vif du sujet, c'est-à-dire de parler de la mission « Outre-mer » dont nous examinons les crédits cet après-midi, je voudrais faire deux observations.
Mon collègue Lurel a fait remarquer que, d'après les chiffres d'un rapport, le budget consacré à la Guyane diminuait de 8 000 euros. Tout le monde applaudit à l'effort global de 16 milliards mais je rappellerai que cette somme ne représente que l'addition normale des services régaliens de l'État, région par région. Je ne sais pourquoi on se focalise sur ce chiffre, en le qualifiant de gros effort budgétaire. Dans le document des politiques transversales, le chiffre sur l'éducation par exemple correspond à des contractualisations sur lesquelles l'État s'est déjà engagé. En aucun cas ce n'est un plus ou un bonus pour l'outre-mer.
M. Lagarde a parlé d'un débat sur l'outre-mer tandis qu'un autre collègue évoquait un Grenelle de l'outre-mer. Pourquoi pas ? Mais ce ne peut pas être fait à l'occasion de l'examen des crédits de la mission « Outre-mer », pour lequel nous ne disposons chacun que de cinq minutes de temps de parole. Je ne vois d'ailleurs pas comment moi-même je pourrais, en cinq minutes, vous parler de ce territoire, ô combien beau et immense, de la Guyane. Si un débat doit avoir lieu, si un Grenelle de l'outre-mer doit être lancé, c'est au président de l'Assemblée de l'organiser, de telle sorte que tous nos collègues puissent y assister – à ce propos, je remercie ceux de nos collègues qui sont présents cet après-midi – pour appréhender avec nous la vraie réalité des outre-mer. En effet, si, dans les rapports, de nombreuses phrases parlent de l'outre-mer comme d'un « atout de la France » d'un « atout de l'Union européenne », de la « biodiversité » de l'outre-mer, on a dû mal, concrètement, à voir les actes derrière ces mots. Là réside une très grande divergence de vue.
S'agissant des crédits de cette mission, qui ne regroupe plus que deux programmes, sa hausse affichée – elle passe en effet de 1,7 à 1,88 milliard d'euros en crédits de paiement – provient essentiellement de l'augmentation, tout le monde l'a reconnu, des dotations au titre de la compensation des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale propres à l'outre-mer. Mais je note que le milliard fléché à ce titre n'est pas suffisant pour financer les besoins réels en compensation de la dette.
Une fois enlevée cette somme, affectée au programme « Emploi outre-mer », le budget se réduit à quelque 880 millions d'euros. Pour l'autre programme de la mission « Conditions de vie outre-mer », quelque 687 millions sont dégagés pour huit actions.
Ne disposant que de cinq minutes, même si je déborde un peu, je me suis demandé quelle action parmi ces huit je devais développer. J'en ai choisi une que beaucoup ont déjà évoquée, celle du logement. Parce qu'elle couvre un champ sur lequel l'État n'est pas très cohérent et qui est pourtant important. Trois choses importent aux gens : un toit, un travail et des moyens pour vivre correctement.
La situation en Guyane en matière de logement est plus que catastrophique – je n'aime pas qu'on emploie des mots négatifs pour l'outre-mer mais là c'est le terme qui convient. La demande de logements annuelle est importante : 4 000 logements dont 3 000 sociaux. Au regard de cette demande, l'offre n'est pas à la hauteur : la LBU est insuffisante, elle ne répond pas aux besoins ; le foncier aménagé, qui appartient à l'État, est plus qu'inexistant, le FRAFU n'est pas doté des moyens conséquents pour pouvoir l'aménager et les opérateurs, notamment la SA HLM, sont plus que défaillants. Or, pour faire du logement, il faut des opérateurs. La situation des HLM est plus que catastrophique. Le dépôt de bilan devrait intervenir dans quelques jours si des décisions ne sont pas prises. Le dépôt de bilan entraînera des licenciements. Que ferons-nous ? Quand au parc immobilier, il n'est pas entretenu, pas géré, et l'habitat insalubre progresse puisque les opérateurs n'ont pas les moyens de le réhabiliter.
Je ne dis pas tout cela avec plaisir, je ne dis pas que la situation est catastrophique avec plaisir, j'aimerais pouvoir un jour, je l'ai déjà dit à M. Darcos, porter beaucoup plus fièrement le fait d'être Française et européenne. J'aimerais pouvoir vous présenter ce qui a été fait, même si ce n'est pas suffisant. J'aimerais pouvoir affirmer qu'on a pris en compte les besoins des populations. Malheureusement, aujourd'hui, ce n'est pas le cas et je le regrette parce que, comme tout le monde, je préfère annoncer plutôt de belles choses que les mauvaises nouvelles.
La LBU pour 2009 ne prévoit le financement que de 1 400 logements locatifs sociaux et de 1 800 logements très sociaux pour l'ensemble des DOM. Je vous laisse imaginer la part chagrine de la Guyane là-dedans.
La construction de logement social par le biais de la défiscalisation est une grosse incohérence et une illusion de la part du Gouvernement. Les modalités ne sont toujours pas connues mais aucun des acteurs concernés, cela a été dit, ne croit à sa faisabilité.
À cet égard, je voudrais souligner l'incohérence du discours du Gouvernement. La défiscalisation a été mise en place, je le rappelle, par le gouvernement de Jacques Chirac – mais chacun est venu mettre son nom, la gauche comme la droite. On trouvait plus commode de financer les investissements outre-mer par les dépenses fiscales. Monsieur le secrétaire d'État, madame la ministre, c'est trop facile aujourd'hui, alors que la crise financière est là et que le déficit budgétaire s'envole, d'accuser les élus ultramarins de vouloir défendre ce dispositif, surtout ceux de gauche. Il ne s'agit pas de défendre un dispositif, il s'agit de savoir ce que vous amenez en contrepartie. Je ne comprends pas que vous repreniez la défiscalisation pour le logement social.
Je vous propose de dégager des crédits nécessaires pour éliminer la crise aiguë du logement social. Alors je serais tentée de croire à votre volonté de moraliser l'État.
Mais votre choix est autre : vous vous défaussez, par le biais de la défiscalisation, de votre responsabilité dans le domaine du droit au logement pour tous, pourtant affiché et voté par beaucoup de parlementaires ici présents dans la loi DALO. Je refuse cette option.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, le budget de la mission « Outre-mer », tel que vous le présentez, ne répond pas aux aspirations et aux besoins de la population guyanaise. Je voterai donc contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)