Ce budget permet-il d'inscrire nos collectivités d'outre-mer dans la mise en oeuvre d'un développement équilibré et durable ?
Je ne peux bien évidemment pas répondre à ces deux questions pour l'ensemble de l'outre-mer, mais je voudrais vous donner ici mon sentiment pour ce qui concerne la Polynésie française.
Depuis votre nomination, monsieur le secrétaire d'État, vous avez effectué trois séjours en Polynésie. Vous y avez rencontré les populations, les représentants des différentes institutions, les acteurs économiques, les partenaires sociaux. Vous avez pu prendre connaissance de la réalité d'un territoire riche de sa diversité culturelle et ethnique, de sa jeunesse, de son environnement, mais dont les équilibres sociaux et économiques sont fragiles.
Plus de la moitié de notre population a moins de vingt ans : les enjeux d'éducation, de santé ou d'emploi, entre autres, n'en sont que plus importants.
Notre économie est soumise à la crise internationale économique et financière : la perliculture est confrontée à une crise sans précédent ; le secteur touristique, frappé de plein fouet, accuse une baisse de plus de 8 % ; le chômage augmente, particulièrement chez les jeunes ; l'inflation s'accentue sous l'effet de la hausse du prix des matières premières.
D'importantes réflexions impliquant les forces vives de la société polynésienne sont en cours pour élaborer un pacte économique et social. Dans ce contexte, la Polynésie française attend de l'État qu'il l'accompagne dans cette action de redressement et de dynamisation de notre économie, dans cette action d'équité sociale et de soutien aux plus défavorisés.
Nous devons créer ensemble les conditions qui permettront comme vous le disiez, monsieur le secrétaire d'État, de faire des collectivités d'outre-mer « autant d'exemples de développement durable et équitable ». Et c'est bien dans cette perspective que je veux appréhender la Polynésie française et situer ce projet de budget de la mission « Outre-mer ».
Je noterai à cet égard, factuellement, que sur le 1,9 milliard de crédits de paiement inscrit au projet de budget, 1,2 milliard correspond au programme « Emploi outre-mer » auquel la Polynésie française n'est pas intéressée – en dehors des crédits dédiés au service militaire adapté, dont pour l'ensemble des collectivités d'outre-mer l'inscription est demandée pour 153,3 millions.
C'est donc en s'intéressant à l'emploi d'une partie des 691 millions demandés pour le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » que l'on peut dégager les axes stratégiques de soutien au développement économique et social de la Polynésie française, avec l'inscription des crédits liés d'abord à la dotation globale de développement économique et au dispositif d'aide à la reconversion de la Polynésie française, pour 150 millions d'euros ; ensuite, à la dotation au fonds de péréquation intercommunal, pour 8,98 millions d'euros ; à l'éligibilité au dispositif de continuité territoriale ; et enfin au financement du contrat urbain de cohésion sociale pour l'agglomération de Papeete, pour 1,5 million d'euros.
Très concrètement, au regard des masses financières en jeu, on peut dire que c'est bien avec la dotation globale de développement économique que l'État accompagne principalement la Polynésie française dans les domaines structurants liés à son développement.
Cet engagement de l'État aux côtés de la Polynésie française doit être salué à deux titres : d'une part, en raison de sa pérennité, qui garantit à la Polynésie une réelle capacité à conduire les actions essentielles à l'amélioration des conditions de vie de la population et à réaliser des investissements structurants pour son développement économique et social ; d'autre part, parce qu'il demeure constant, même dans la période difficile que nous connaissons. Nous sommes de ce point de vue dans la continuité de ce qui a pu être fait jusqu'à présent.
Et si cet engagement nous donne une certaine assurance pour l'avenir, il faut bien admettre qu'il n'est que la juste reconnaissance des efforts consentis par la Polynésie française pour permettre à la France d'accéder au statut de puissance nucléaire, et de s'y maintenir – avec le recul, on pourrait aujourd'hui parler de sacrifices.
Il s'agit encore, certes, de rattrapage économique ; la stratégie économique demeure fondée sur la compensation de handicaps liés à la distance et à l'insularité ; mais il faut bien considérer qu'historiquement une partie de ces handicaps est aussi liée au basculement brutal de l'économie polynésienne dans l'après CEP. Cela ne peut être ignoré.
Est-ce à dire que nous avons réglé ici tous les problèmes, répondu à toutes les questions, évoqué tous les sujets pour l'avenir ? Certes non.
Et je crois indispensable d'évoquer ici quelques pans de l'action qui, à mon sens – et je suis sûr que M. le secrétaire d'État partagera mon point de vue – ne peuvent se concevoir sans un accompagnement fort de l'État.
J'ai évoqué le sujet de l'équité sociale et du soutien aux plus défavorisés. Ce sont deux ferments de la cohésion sociale, sans laquelle il ne peut y avoir de développement économique équilibré et durable. À cet égard, je milite – et d'autres que moi ont déjà évoqué avec vous ce sujet – pour que l'État reprenne sa place en Polynésie française, dans un partenariat renouvelé, pour le financement des actions destinées à la protection des populations les plus démunies.
Prenons l'exemple du budget du régime de solidarité de la Polynésie française. Ce régime couvre les risques maladie et handicap, assure le financement de prestations sociales de première nécessité et gère un fonds d'action sociale pour les 50 000 Polynésiens les plus fragilisés du fait de leur grand âge, de leur handicap ou de la faiblesse de leurs revenus – je rappelle qu'il n'y a en Polynésie ni allocations chômage ni RMI.
Ce régime de solidarité est aujourd'hui entièrement financé par la fiscalité de la Polynésie, à hauteur de 20 milliards de francs CFP. L'effort de la collectivité est là, comme il est là d'ailleurs quand il s'agit de relayer cette action par la mise en place d'un système accessible de soins publics. La Polynésie serait-elle la seule collectivité de France à ne pas bénéficier du soutien de l'État, et à travers lui de la nation, pour pouvoir progresser dans cette action ?
Sur le plan du développement économique, nous voyons tous notre environnement évoluer ; il devient plus concurrentiel, plus féroce, plus incertain. Comment développer le tourisme si la Polynésie française devient inaccessible, sous l'effet conjugué de la distance, de la cherté et de la raréfaction des transports aériens ?
Aujourd'hui, c'est bien la question de l'accessibilité d'un point de vue économique et en termes de développement qu'il nous faut traiter. Pour l'heure, la Polynésie s'évertue à le faire avec la compagnie Air Tahiti Nui, de plus en plus seule face au désengagement des autres compagnies, y compris Air France qui vient de réduire de quatre à trois le nombre de ses rotations sur la Polynésie.
Je me suis laissé dire que la Corse, dotée d'une population équivalente à la Polynésie et beaucoup moins éloignée de la métropole, bénéficiait d'une dotation annuelle de 170 millions d'euros au titre de la continuité territoriale.
Je le dis avec beaucoup de sérénité et confiance, il nous faut poser ensemble les bonnes questions sur les conditions d'un développement économique et social équilibré et durable dans les sociétés ultramarines.
C'est une démarche dans laquelle la Polynésie s'inscrit sans réserve, avec la volonté affirmée de combattre ses handicaps à travers la valorisation de ses atouts.
C'est avec cette ferme intention que doit se développer un véritable partenariat avec l'État qui mette au coeur de l'action commune cette volonté de réussir ensemble et qui s'appuie sur les moyens réels pour y parvenir.
C'est ce dans quoi nous nous sommes d'ores et déjà engagés, c'est ce vers quoi, je le crois, vous vous engagez, monsieur le secrétaire d'État, avec le Président de la République, à travers ce budget, et nous y contribuerons à vos côtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)