Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, messieurs les rapporteurs, chers collègues, le 21 juillet 2003, ici même, à l'Assemblée nationale, était adoptée par la majorité UMP la loi de programme pour l'outre-mer, communément appelée « loi Girardin », censée être la bible du développement socio-économique de l'outre-mer pendant 15 ans, avec un objectif affirmé : l'emploi durable.
Or nous assistons depuis plusieurs mois – et les crédits de l'outre-mer dans ce projet de loi de finances en attestent – à un véritable détricotage de cette loi et d'autres dispositifs visant le développement économique, social et culturel de nos territoires insulaires.
Ainsi, je me permets d'attirer votre attention sur l'effet indirect du projet de loi de finances 2009 sur l'attractivité des zones franches urbaines voulues par les gouvernements qui sont succédé depuis 1996. En limitant les exonérations de cotisations sociales et en modifiant la sortie progressive du régime, les zones franches urbaines outre-mer perdront inexorablement leur attractivité et leur capacité à créer des emplois.
Le dispositif de financement du logement social outre-mer mis en place depuis 1986 est en train d'exploser, perdant son efficacité au gré des arbitrages ministériels. La production de logements sociaux est donc à l'arrêt, avec des conséquences immédiates sur l'activité économique et sur la cohésion sociale. La réalité économique et les surcoûts liés à l'éloignement et aux normes sismiques sont purement et simplement ignorés, alors que leur prise en compte est déterminante pour redresser la situation. Ce n'est pas la substitution de la défiscalisation au financement traditionnel du logement social outre-mer qui nous sortira des difficultés ; ce sont plutôt le logement intermédiaire et l'accession à la propriété qui auraient besoin de défiscalisation.
Les îles du sud de l'archipel de la Guadeloupe, notamment Marie-Galante, sont toujours en attente de dispositifs spécifiques à ces territoires isolés et, pourrait-on dire, doublement insulaires.
Le monde culturel, sportif et associatif local souffre toujours de la quasi-disparition des emplois aidés – que vous voulez par ailleurs ressusciter.
Enfin, en vous attaquant diversement aux prétendues niches fiscales outre-mer, vous voulez ni plus ni moins priver l'outre-mer d'investissements, et ainsi paupériser nos économies déjà si fragiles. Vous nous privez d'aides au développement sans nous apporter de contrepartie tangible.
Plus que jamais, dans les médias et les discussions politiques métropolitaines, l'outre-mer est périodiquement mais assurément stigmatisé : il serait aux dires de certains un véritable gouffre financier pour l'État, un repaire de fainéants, ou une aubaine pour ceux qui veulent échapper à l'impôt. Comment peut-on d'un côté accuser l'outre-mer de tous les maux qui rongent la société française, et de l'autre priver ces territoires de la République des moyens nécessaires à leur développement socio-économique ? Comment d'un côté prétendre « promouvoir l'excellence outre-mer », et de l'autre priver l'outre-mer des moyens de ses ambitions ? Veut-on vraiment aider l'outre-mer à se développer ? Devons-nous éternellement vous rappeler, comme si vous l'ignoriez encore, qu'avec l'outre-mer la France est entre autres choses la deuxième puissance maritime au monde, l'une des toutes premières puissances spatiales et – cela a déjà été dit – un exemple de biodiversité ?
L'Union européenne, pour sa part, a bien compris qu'au sein du concert des nations, et dans un monde en proie à tous les bouleversements, l'outre-mer est à tous égards un atout à préserver et à consolider.
Qu'en est-il de la France ? Lorsque je vois l'augmentation artificielle du budget consacré à l'outre-mer, je doute que le Gouvernement actuel veuille emboîter le pas à l'Europe. Sinon, pourquoi vouloir remettre en cause – au bout de cinq ans – une loi de programmation qui devait durer quinze années ? Qu'en est-il de la parole de l'État ? Peut-on encore avoir confiance dans ces conditions-là ?
Comment faire confiance à ces secrétaires d'État ou ministres, du même groupe politique, qui se succèdent pour mieux se contredire ? Pourquoi vouloir à tout prix monter les parlementaires les uns contre les autres, et singulièrement ceux de la métropole contre ceux de l'outre-mer ? Je le dis encore une fois à cette tribune : nous ne réclamons pas l'aumône, mais les moyens de développer nos territoires. La Guadeloupe et ses îles du sud, notamment, exigent un traitement spécifique pour sortir du sous-développement et du chômage endémique.
Le budget que vous nous présentez n'est pas de nature à conforter ceux qui, localement, se battent pour améliorer la situation économique et sociale. Je n'y retrouve d'ailleurs aucun des éléments du plan Marshall que le candidat Nicolas Sarkozy appelait de ses voeux il y a un an. Nous y reviendrons : cette zone franche globale, qui est devenue une zone franche globale d'activité, se présente assurément comme une zone franche globale d'activité restreinte.
À travers le projet de loi de finances 2009, et d'autres dispositions tant législatives que réglementaires, vous vous livrez au contraire depuis quelques mois à une attaque en règle des quelques mesures positives prises par les gouvernements précédents, et notamment par ceux de la même obédience que le Gouvernement actuel. Est-ce là la mission qui vous a été assignée par M. le Président de la République ou par M. le Premier ministre, ou s'agit-il d'initiatives ministérielles isolées ?
Monsieur le secrétaire d'État, en pleine crise financière économique et sociale mondiale, voulez-vous nous aider ou nous tuer – à petit feu, certes, mais nous tuer tout de même ? Que prétendez-vous donc construire sur le cadavre de l'outre-mer ?
Monsieur le secrétaire d'État, l'outre-mer a besoin de vous et vous avez besoin de nous. En toute intelligence, aidons-nous ! Écoutez et entendez donc ici et maintenant les propositions des forces vives de l'outre-mer, afin de préserver ce qui peut encore l'être. Des amendements, auxquels je m'associe, vous seront proposés lors de la discussion budgétaire : acceptez-les, et vous aurez fait oeuvre utile pour l'outre-mer ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)