Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, notre pays affronte une période difficile, une crise de société qui nous contraint à des réformes courageuses mais aussi déstabilisantes, une crise économique et financière dont nous ne mesurons pas encore toutes les conséquences.
Les régions ultramarines et les départements d'outre-mer vivent avec vous ces moments difficiles, et nous les subissons encore plus durement à La Réunion, à Mayotte, aux Antilles, dans le Pacifique ou à Saint-Pierre-et-Miquelon. Mais nous gardons toujours cette même confiance absolue dans notre appartenance à la France, notre pays, un pays d'excellence, de conquêtes et de solidarités.
Nous ne vous tendons pas la main pour quémander, mais en gage de notre désir de partager une même communauté de vie, une même communauté de destin que nous avons, ensemble, choisie.
Je veux une France ambitieuse, ouverte au monde, présente et qui s'affirme sur l'ensemble des océans. Nous sommes porteurs, outre-mer, de cette dimension qui fait ici défaut à beaucoup. Nous sommes volontaires pour ceux qui ont cessé de l'être, nous pouvons nous permettre d'être à nouveau un grand pays. Il faut pour cela que vous soyez à nos côtés, dans le sens de la marche du monde. Le monde, demain, sera métis, il sera universel, il sera chaleureux. La France et les outre-mer ont toute leur place dans cette nouvelle réalité. Il faut simplement en avoir la volonté politique.
Le 19 mars 1946 a marqué le début d'une nouvelle époque, celle de la départementalisation. Nous y avons adhéré, nous avons su rattraper ensemble un certain nombre de retards, nous avons, pas à pas, construit une économie qui se veut engagée et dynamique, nous travaillons à tourner le dos progressivement à la misère, à la précarité, au désespoir. Mais les écueils sont encore réels, les difficultés sensibles, les écarts toujours aussi criants et injustes entre nos territoires et la métropole.
Ce que je vous propose, monsieur le secrétaire d'État, c'est d'échapper au piège des données comptables et financières, c'est de rompre avec cette monotonie et ce conservatisme qui freinent et qui découragent les initiatives. Je ne vous demande pas « plus », mais je vous demande « mieux ». Ce que je vous propose, c'est de partager le rêve de l'outre-mer, celui des Réunionnais, qui puisent leur énergie aux cicatrices de l'histoire et qui veulent aussi et simplement aller de l'avant.
Aller de l'avant, c'est redonner d'abord toute sa place à l'école de la République, pour en faire la première des priorités. Il faut, de la maternelle à l'université, redonner confiance au monde enseignant, car il a la responsabilité de conduire nos enfants sur la voie de la réussite. Il ne s'agit pas de mettre entre parenthèse le rôle des familles, mais simplement de reconnaître celui, tout aussi essentiel, de l'enseignant. Cette exigence, nous la devons plus encore à La Réunion où les jeunes Réunionnais de moins de vingt ans représentent aujourd'hui 35 % de la population.
Aller de l'avant, c'est réaliser ensuite un vrai consensus autour d'un texte fondateur. La loi pour le développement économique de l'outre-mer fixe enfin des priorités et une stratégie globale. Je salue, de ce point de vue, la vision éclatante qu'elle comporte et dont l'initiative revient à notre Président de la République. C'est pour cela que je m'oppose avec autant de force à une remise en question de la défiscalisation outre-mer. C'est un dispositif dont il faut sûrement gommer certaines imperfections, mais qui a démontré par ailleurs toute son efficacité. La Réunion connaît une croissance de 4,5 % par an depuis 2002, le chômage est passé en 5 ans de 31 % à 24 %. Je salue donc les avancées que vous avez bien voulu, à notre demande, accepter, pour sauvegarder la défiscalisation comme véritable outil au service du développement économique.
Aller de l'avant, c'est enfin, remettre l'homme au centre de notre action. La cohésion sociale dont je parle n'est pas l'assistance gratuite et vulgaire que l'on veut trop souvent mettre en avant ici, à Paris. La cohésion sociale, c'est permettre à chaque Réunionnais, à chaque Français, de vivre dignement, même avec peu. C'est leur donner le sentiment d'appartenir à une même société et de ne pas être des exclus que l'on abandonne. Oui, les emplois aidés sont encore une nécessité dans nos régions qui connaissent des taux de chômage trois fois supérieurs à celui de la métropole. Il ne s'agit pas ici de promouvoir une forme moderne de clientélisme, il s'agit simplement d'une réponse pragmatique à une difficulté du moment. À La Réunion, pour le secteur non marchand, ce sont 10 000 emplois aidés de moins qui ont été signés entre 2004 et 2007.
Voilà, madame la ministre de l'intérieur, monsieur le secrétaire d'État, les orientations et les valeurs que je voudrais partager avec vous. Votre budget, même s'il est en progression sensible dans un contexte de crise budgétaire, ne reflète pas suffisamment ces perspectives. Mais je veux croire que les amendements qui seront défendus au moment de l'examen des articles 43 et 65 du projet de loi de finances pour 2009, ainsi que la loi pour le développement économique sauront redonner du sens à une ambition française pour l'outre-mer.
Pour l'heure, je veux être, au sein de la majorité, celui qui aura à porter devant vous les attentes et les choix de mes concitoyens. J'ai à respecter la voix qu'ils expriment. Aujourd'hui, le sentiment partagé est celui de l'inquiétude, du doute, de la colère. Demain, il sera avec vous celui du rêve que nous aurons à construire ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)