Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ‘ia ora ‘ē maeva, bonjour et bienvenue !
La présentation du projet de loi de finances 2009, du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du budget de l'outre-mer a marqué le point de départ d'une campagne sans précédent de désinformation et d'attaques contre l'outre-mer. « Excès manifestes, système injuste et inéquitable, paradis fiscaux, fraude sociale sous les cocotiers, effets d'aubaine, nécessaire moralisation… », voici un florilège des expressions employées dans les discours de certains – que j'espère simplement victimes de désinformation – pour qualifier les régions et collectivités de l'outre-mer français. Je vous laisse imaginer l'indignation ressentie par nos populations ultramarines devant tant d'images caricaturales et désobligeantes.
L'outre-mer, ce sont avant tout des valeurs d'engagement, des valeurs de réussite. L'outre-mer, ce sont des soldats qui s'engagent pour défendre l'intégrité de la France. Pendant la Première Guerre mondiale, 205 Polynésiens sont morts pour la France. En septembre 1940, 600 volontaires polynésiens forment avec les engagés de Nouvelle-Calédonie le bataillon du Pacifique. Grâce à trente années d'essais nucléaires sur le sol polynésien, la France dispose de la dissuasion nucléaire. En août 2008, un Calédonien et un Réunionnais sont tués, trois Polynésiens sont blessés dans l'embuscade en Afghanistan. C'est cela, la contribution de l'outre-mer à l'essor et à la place de la France dans le monde. Si M. le Président Sarkozy est écouté aujourd'hui par M. Medvedev, c'est aussi grâce à l'outre-mer.
L'outre-mer est un atout pour la France dans le cadre de la mondialisation des économies. Si la France est la troisième puissance maritime au monde par l'étendue de sa zone économique exclusive, c'est grâce à ses régions et collectivités d'outre-mer, qui lui permettent de dépasser le cadre de l'Europe. Elle est présente aux quatre coins du monde, sur les trois océans. Les régions françaises de l'outre-mer ont pour voisins tous les grands pays : le Canada, les États-Unis, le Brésil, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, etc. Autant de relais pour favoriser une zone d'influence française et une coopération scientifique et culturelle, autant de grands marchés d'exportation pour nos productions.
L'outre-mer français constitue également un pôle de compétitivité pour la recherche française. Avec ses dix collectivités d'outre-mer, la France dispose d'un incomparable terrain de recherche sous la forme de milieux naturels, matières premières, zones maritimes, richesses halieutiques et naturelles, biodiversité et climats. Plusieurs instituts de recherche ont des antennes en Polynésie et collaborent avec l'Université de Polynésie française.
Avec l'arrêt des essais nucléaires en 1996, la Polynésie française s'est trouvée face à un défi économique sans précédent. Les gouvernements prennent conscience de la nécessité de mettre en place des dispositifs pour créer un environnement macroéconomique favorable au développement des secteurs productifs et des infrastructures de base. En juillet 1996, l'État et la Polynésie française signent la convention pour le renforcement de l'autonomie économique. En juillet 2003, la loi de programme pour l'outre-mer est votée, avec ses dispositions s'inscrivant dans le long terme.
Grâce à ces outils de développement économique, la Polynésie française a obtenu de premiers résultats économiques qui ont permis d'assurer la cohésion sociale en mettant en place, par exemple, un revenu de solidarité territorial.
La Polynésie française a connu plusieurs années de croissance économique mais, à partir de 2007, le contexte économique a changé. Le climat international de crise, la dépréciation du dollar, la hausse des prix du pétrole, la crise bancaire, associés à une instabilité politique locale chronique que je déplore, ont planté un nouveau décor : nous sommes entrés dans une phase de récession.
Les acteurs ont changé : à quelques exceptions près, mes collègues ont changé, le rapport de force a évolué également et notre responsabilité envers nos populations n'en est que plus forte.
Monsieur le secrétaire d'État, vous êtes l'ardent défenseur de réformes visant à mettre fin aux abus outre-mer. C'est là une intention louable que nous soutenons, mais il semble que les dommages collatéraux des réformes n'aient pas été évalués. Si nous, élus de l'outre-mer, avions été préalablement associés à l'élaboration des réformes, peut-être aurions-nous pu limiter ces dommages.
Attention à la crise de confiance ! La fausse bataille autour des amendements de l'ITR a laissé des traces : difficultés d'écoute et de concertation, incertitudes sur la solidarité de l'outre-mer. Face à cette situation délétère, les principaux intéressés ont préféré déposer en masse leurs demandes de mise à la retraite. Résultat, à la prochaine rentrée scolaire en Polynésie française, c'est une centaine d'enseignants qui pourraient faire défaut. Ce sont donc nos enfants qui vont pâtir en premier de cette réforme.
J'espère que lors de la fixation des plafonds dans les futurs décrets, vous aurez soin de rendre cette réforme plus progressive. Vous nous avez annoncé 8 000 euros de plafond : je vous réponds que c'est insuffisant. La gestion prévisionnelle des effectifs n'a pas été prise en compte par la réforme. Si, demain, les éléments expérimentés de la police nationale partent à la retraite, je vous laisse imaginer la désorganisation des services et l'impact sur la sécurité des personnes ! C'est pourquoi je souhaite que nous arrivions à une concertation concernant la réforme de la défiscalisation.
Car en 2007, par exemple, ce sont plus de 225 millions d'euros qui ont été investis en Polynésie française grâce à la défiscalisation. Les principaux secteurs concernés étaient le logement intermédiaire, l'hôtellerie, l'industrie, les transports aériens et les énergies. Or l'article 43 du projet de loi de finances va réformer ce dispositif. Hier soir, vous avez annoncé une avancée sur les plafonds et un assouplissement des procédures pour l'appel public à l'épargne. C'est une première avancée, car il ne faut pas décourager l'investissement outre-mer. En effet, ce n'est pas l'État, en proie aux contraintes budgétaires que l'on connaît, qui pourra compenser une diminution possible de l'investissement privé.
Vous souhaitiez, monsieur le secrétaire d'État, que les économies réalisées grâce aux réformes soient réinjectées dans les économies ultramarines. Or, dès mardi soir, alors que le projet de loi de financement de la sécurité sociale venait tout juste d'être voté, un député a fait adopter un amendement pour transférer 10 millions d'euros économisés sur les ITR des personnels enseignants de l'outre-mer vers une autre ligne budgétaire.
Votre projet de loi a pour objectif le développement économique de l'outre-mer. Nous espérons qu'à cette occasion tous les partenaires concernés seront associés à votre démarche et je vous fais confiance pour cela. Ensemble, nous pourrons bâtir un programme pour l'avenir de nos collectivités et régions d'outre-mer, un programme respectueux de nos équilibres économiques et sociaux, un programme qui confortera l'outre-mer français comme atout pour la France dans le nouveau contexte économique mondial. Māuruuru, merci ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)