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Intervention de Louis-Joseph Manscour

Réunion du 7 novembre 2008 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2009 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLouis-Joseph Manscour :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2009 s'inscrit, j'en conviens, dans le contexte international difficile d'une crise financière doublée d'une crise économique. Toutefois, la crise financière ne saurait être tenue pour responsable de tous les maux dont souffrent nos économies, et particulièrement celles des DOM. L'absence d'anticipation de votre gouvernement et sa politique inadaptée, parce que anti-sociale, sont venues aggraver la situation. Le Gouvernement et vous-même, monsieur le secrétaire d'État, avez volontairement choisi d'obéir aux lois du marché plutôt que de conduire une politique favorable aux plus démunis et aux plus pauvres.

Je n'entrerai pas dans une bataille de chiffres – nous savons tous que les chiffres sont comme les sacs : ils prennent l'apparence de ce que l'on choisit de mettre dedans –, mais je ne peux m'empêcher de constater que, derrière l'affichage d'une progression des moyens budgétaires de 9,3 % par rapport à l'exercice précédent, se cache une politique qui vise à éponger l'endettement de l'État auprès des organismes de sécurité sociale, comme le confirme le rapport de M. Cahuzac.

Votre projet de budget n'est pas volontariste. Je dirais qu'il fait preuve d'une certaine opacité. Il s'agit d'un budget en trompe l'oeil. En effet, pour la première fois, sous couvert de favoriser le « développement endogène de nos régions » et d'améliorer leur modèle de gouvernance, certaines mesures d'une loi de programme que le Parlement n'a pas encore examinée sont budgétisées en vue de leur application anticipée ! Or, comme vous le savez, certaines dispositions de ce projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer sont loin de recueillir l'assentiment des socioprofessionnels et des élus des DOM-TOM, qui les jugent régressives. La méthode dont vous usez est donc plus que centralisatrice : elle étouffe l'initiative locale qui aurait pu donner du sens au développement endogène que vous préconisez.

De plus, les derniers rapports de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, l'IEDOM, font état d'un ralentissement économique préoccupant. En 2007, l'évolution annuelle du PIB n'était que de 2 %, contre 4 % en 2005, malgré tous les dispositifs mis en place par l'État et par l'Union européenne. Il s'agit d'une conséquence du fort niveau d'endettement des ménages, de l'augmentation du prix des produits de consommation courante, de l'accroissement des dépenses de santé et d'énergie, combinés à la stagnation des revenus.

Par ailleurs, la situation de l'emploi s'aggrave avec la diminution des contrats aidés, le développement de la précarité, le taux de chômage qui, bien qu'en baisse, reste trois fois supérieur à la moyenne nationale, et le taux de RMIstes qui augmente.

La situation du logement n'est pas en reste. Dans le contexte post-cyclonique, la pression des besoins en logements sociaux reste constante.

Toutes les filières agricoles sont aussi en grande difficulté. Je pense à ces 400 petits agriculteurs de Guadeloupe et de Martinique qui subissent de plein fouet les conséquences de l'application du plan chlordécone, fixant la valeur des limites maximales de résidus à 20 microgrammes par kilo, et qui se trouvent aujourd'hui privés de revenus.

Vous aurez compris, chers collègues, que la situation économique et sociale de nos régions est préoccupante.

Monsieur le secrétaire d'État, votre projet de budget pour la mission « Outre-mer » me laisse perplexe quant aux possibilités de redynamisation de nos économies insulaires, et deux exemples illustrent parfaitement mon propos.

D'abord, dans le programme « Emploi outre-mer », 150 millions d'euros de crédits supplémentaires vont être dévolus au secrétariat d'État. Cependant, ils ne suffiront même pas à rembourser la dette de 900 millions d'euros envers la sécurité sociale, due au titre de la compensation des exonérations de charges sociales !

Ensuite, l'action « Logement » prévoit 9 millions d'euros de crédits supplémentaires pour la ligne budgétaire unique ce qui, en fait, couvre à peine l'énorme dette contractée envers les bailleurs sociaux. Aucun effort supplémentaire ne peut donc être véritablement attendu de la LBU pour le logement social. Pour la seule Martinique, 12 000 demandes de logement ne sont pas satisfaites. Lors de votre passage en Martinique, vous avez accusé les maires d'être responsables de cette situation. Certes, nous devons prendre notre part de responsabilité, mais l'État doit aussi prendre la sienne, car il ne nous donne pas toujours les moyens nécessaires pour mener une politique du logement en faveur des plus démunis,

Je pourrais m'attarder sur d'autres d'exemples, comme la question de la continuité territoriale, qui risque d'être dénaturée et vidée de tout son sens, en raison d'une insuffisance des crédits ; ou encore les changements de périmètre budgétaire, avec des transferts de crédits qui opacifient encore plus votre budget. Ainsi, les crédits de l'aide à l'insertion et à la qualification professionnelle augmentent, mais uniquement en raison du transfert des financements des contrats aidés qui faisaient auparavant partie de la mission « Travail et emploi ».

En conclusion, le tableau que je vous décris peut paraître sombre, mais il n'est que le reflet de la cruelle réalité de l'outre-mer. Tous les collègues qui m'ont précédé à cette tribune, de quelque bord qu'ils soient, et parfois avec des nuances, ont reconnu cette réalité criante d'incohérence qui fait régresser l'esprit de partenariat pour le développement entre l'État et nos régions. Il s'agit bien d'une absurde réalité dans laquelle l'État veut imposer, à marche forcée, sa vision, ses réformes et son modèle de gouvernance à nos territoires, sans tenir compte de leurs capacités d'initiative.

Monsieur le secrétaire d'État, nous ne sommes pas venus quémander : nous sommes des individus responsables et nous savons que, pour le développement de nos territoires respectifs, et c'est vrai de la Martinique, nous devons d'abord compter sur nous-même. Toutefois nous avons besoin de la solidarité nationale et, puisque nous sommes encore français, nous croyons être en droit d'attendre que le Gouvernement agisse pour que nous puissions développer nos régions dans la responsabilité et dans la dignité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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