Permettez-moi de citer la présentation du budget de la mission « Outre-mer » pour 2009 : « Le programme “Conditions de vie outre-mer” rassemble de nombreuses interventions dont l'objectif central est de favoriser le développement socio-économique des territoires d'outre-mer et d'améliorer ainsi les conditions de vie de la population ultramarine. Il vise plus particulièrement à faciliter l'accès au logement, à renforcer l'aménagement et le désenclavement des territoires ». En clair, monsieur le secrétaire d'État, nous avons tous le même objectif : bâtir un projet de développement durable pour les territoires d'outre-mer et y aider les populations les plus défavorisées à sortir de la précarité.
Pourtant, la réalité, sur le terrain, est bien différente. La grande majorité de nos concitoyens continuent de nous poser les mêmes questions, à la recherche qu'ils sont d'un emploi ou d'un logement, incapables de faire face à la cherté de la vie, de voyager, de joindre les deux bouts. En tant qu'élu et en tant qu'homme, je suis profondément touché par cette détresse humaine et je me sens démuni.
Nous votons beaucoup de lois. De nombreux crédits sont affectés chaque année aux besoins de la population ou de l'économie. Hélas, les résultats demeurent insuffisants.
Chacun sait que l'outre-mer ne souffre pas des mêmes problèmes que la métropole. Le Président de la République défend la discrimination positive car, face à une situation exceptionnelle, il faut adopter des mesures exceptionnelles, faute de quoi les députés qui siègeront à nos places dans un demi-siècle seront confrontés aux mêmes difficultés que nous.
Chaque année, nous entendons parler des mêmes avantages de l'outre-mer et des mêmes niches fiscales. Je vous propose donc d'organiser un « Grenelle de l'outre-mer » (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.). Un tel débat multipartite permettrait de trouver des solutions pérennes pour nos territoires si éloignés, et de mettre fin à la remise en question permanente des avantages liés à nos spécificités.
À l'heure où je vous parle, la grève des transporteurs paralyse l'île de la Réunion. Ils réclament une aide de 20 centimes par litre de carburant pour sauver leurs entreprises et préserver leurs emplois. Les problèmes de l'outre-mer en général et de la Réunion en particulier ne manquent pas. C'est avec beaucoup d'espoir que je vais les exposer : éloignement géographique et, partant, coût des transports ; diminution du pouvoir d'achat ; exiguïté du marché du travail et taux de chômage élevé ; importants besoins en logement ; précarité sociale.
S'agissant de la continuité territoriale, le coût des transports demeure un handicap majeur pour la population autant que pour l'économie. Actuellement, sur 90 000 conteneurs arrivant à La Réunion, 5 000 seulement sont subventionnés par la France et l'Europe dans le cadre de l'aide à l'industrie.
À cela viendra s'ajouter très prochainement l'augmentation des délais de transport, qui va pénaliser l'importation et l'exportation des produits. La desserte des marchandises, à la Réunion, sera faite par certaines compagnies dans des hubs – des ports d'éclatement. Une société a décidé d'utiliser le port de Djibouti comme port d'éclatement et a annoncé un transit time entre la métropole et la Réunion de vingt-quatre jours, au lieu de dix-huit actuellement.
La mobilité est indispensable pour le développement de chaque individu. Il n'est plus acceptable que des Français d'outre-mer soient obligés de débourser des sommes exorbitantes pour un billet d'avion vers la métropole. Je me suis renseigné personnellement sur les tarifs du mois de décembre 2008 : en classe la plus économique, un billet aller et retour coûte 2 200 euros. Un couple de RMistes, avec un enfant adolescent, doit dépenser, hors aide de l'État, 5 100 euros, ce qui représente plus de six mois de revenus.
Le billet d'avion reste inaccessible pour la plupart de nos compatriotes, et nous savons que certains Français d'outre-mer ne verront jamais la France métropolitaine de toute leur vie. À quand l'égalité de traitement avec la Corse ?
Concernant le pouvoir d'achat, le problème est tellement présent et inquiétant pour les ménages réunionnais, qu'il fait quotidiennement l'objet de discussions, de débats et même d'arguments publicitaires. C'est ainsi devenu le sujet de prédilection de la population.
Au niveau de l'emploi, les chiffres sont là : plus de 75 000 personnes sont actuellement demandeurs d'emploi à la Réunion. Notre département est la région française qui enregistre le plus fort taux de chômage, deux à trois fois plus élevé qu'en métropole. Nous ne pouvons pas laisser nos jeunes sans perspectives d'insertion professionnelle. Avec l'annonce du Président de la République de créer 100 000 emplois aidés supplémentaires et la mise en place prochaine du RSA, ils espèrent trouver un emploi durable et vivre enfin dans la dignité.
La situation des agents non titulaires de la fonction publique territoriale n'est toujours pas réglée. À l'inverse de la proportion de métropole, plus de 70 % des agents communaux sont non titulaires et les communes se trouvent dans l'incapacité d'assumer cette surcharge financière.
La question du logement, surtout du logement social, demeure une grande préoccupation pour les Réunionnais. Le nombre des demandes reste élevé, la hausse du cours du pétrole a contribué à la hausse des coûts de construction et le coût du foncier demeure prohibitif. Chez nous, près de 23 % des ménages vivent en état de surpeuplement.
En matière économique, les professionnels sont inquiets et annoncent une situation de crise. Avec la fin des grands chantiers, les carnets de commandes du BTP sont vides et une baisse de 30 % des effectifs est annoncée pour 2009. Vous connaissez le dicton « Quand le BTP va, tout va », et si le BTP ne va pas, le chômage augmente, alors que nous sommes déjà à un taux de 24,2 %.
Une autre inquiétude concerne les commerçants de proximité : l'extension des grandes surfaces, des ventes sur Internet, des ventes à l'étalage, ainsi que les interdictions de vente de cigarettes et d'alcool, vont obliger certains commerçants à fermer leur boutique, ce qui les laissera sans aucune source de revenus.
Dans le domaine de la coopération régionale, la Réunion est prête à augmenter ses capacités d'exportation dans la zone Océan Indien. Actuellement, certaines usines tournent en sous-capacité. Il faut une véritable politique d'aide à l'exportation.
Je voudrais, avant de conclure, évoquer la précarité. À la Réunion, 30 % de la population est couverte par au moins un minimum social. Par ailleurs, la part des bénéficiaires de la CMU complémentaire est six fois supérieure à celle de la métropole.
La précarité chez les personnes âgées devient plus visible et m'interpelle. J'avais proposé le versement des retraites à la fin de chaque mois, comme pour les salariés. À ce jour, elles sont payées vers le treize du mois suivant, et beaucoup d'entre elles doivent acquitter des agios sur des revenus déjà très faibles.
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, telles sont les grandes préoccupations de nos compatriotes. Il est vrai que beaucoup a été accompli, mais la route est encore longue, et nous ne pouvons pas nous permettre de faire marche arrière, en remettant chaque année en cause des mesures indispensables pour nos compatriotes.
Certes, le budget de l'outre-mer est en progression de 9,2 %, mais n'oublions pas que ces crédits doivent nous permettre d'apporter des solutions pérennes. Notre devoir d'élu est de veiller au respect des engagements pris envers nos populations, et je serai vigilant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)