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Intervention de Alfred Marie-Jeanne

Réunion du 7 novembre 2008 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2009 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlfred Marie-Jeanne :

Avant toute chose, sachez, monsieur le président, que M. Vaxès, absent aujourd'hui, m'a chargé de vous faire savoir qu'il aurait voté contre le budget de l'outre-mer.

Monsieur le secrétaire d'État, collègues de l'Assemblée, bordé d'un côté par la crise financière, ce budget déborde largement, de l'autre, sur le nouveau projet de loi pour le développement de l'outre-mer. Passé le temps de la surprise, des anathèmes et des caricatures, la devise « spéculer plus pour gagner plus » s'avère une bombe à retardement, dont l'éclatement, bien que toujours retardé, était prévisible ; les experts en tous genres avaient soit volontairement camouflé soit sous-estimé l'ampleur des dégâts. L'actuelle crise financière s'apparente même à une bombe à fragmentation tant les effets induits sont dévastateurs, pas seulement pour la France, mais pour la Martinique. Perturbant la vie économique et sociale et le fonctionnement des collectivités, elle porte un coup de massue aux règles éthiques qui commandent tout comportement au sein d'un groupe.

Hélas, nous ne sommes pas au bout de nos peines. Fermetures d'entreprises en cascade, destructions massives d'emplois, déficits incompressibles, restrictions de crédit, inégalités accrues entre et au sein des pays, paupérisation – de Gaulle aurait dit « clochardisation » – d'une part croissante de la population : telle est la réaction en chaîne que provoque la crise. Face à ce chaos, faut-il laisser faire sans encadrement pertinent et en toute impunité ? L'éternelle question du va-et-vient entre sphère politique et sphère économique se repose aujourd'hui avec plus d'acuité que jamais.

Dans ces conditions, aucun miracle n'était à espérer. Or, comme par enchantement, le budget bondit de 9,2 % ! Las, ce tour de magie s'explique tout simplement par le paiement pour 2009 d'une partie substantielle des dettes de l'État, c'est-à-dire des crédits de compensation vis-à-vis des organismes de sécurité sociale. Qu'y a-t-il de plus normal que d'honorer ses dettes ?

Pourtant, que penser du premier euro versé avec six mois de retard en ce qui concerne les salaires des personnels transférés à la collectivité régionale ? Et que dire du premier euro de dotation régionale à l'équipement scolaire versé neuf mois trop tard ? Comment expliquer les sommes dues au titre de la continuité territoriale qui ne sont toujours pas versées ? Je ne réclame aucun traitement de faveur ; seulement la régularité des versements. C'est que les préjudices financiers sont loin d'être négligeables et brident l'élan des collectivités. Je veux croire que ce n'est pas le but recherché.

En revanche, faut-il agir à l'identique envers les chefs d'entreprise et les bailleurs sociaux ? Malgré les versements déjà effectués, l'État demeure débiteur en matière de logement – à hauteur de plus de 17 millions en 2007. Cependant, le secteur du BTP ne tardera pas à perdre 300 entreprises et 2 000 emplois directs, alors que les logements intermédiaires et sociaux sont en nombre bien insuffisant. Certes, la nouvelle loi de programme prévoit de réorienter la défiscalisation pour réduire certains effets pervers sur le foncier, que j'ai longtemps été le seul à dénoncer – et j'en ai pris pour mon grade ! Soit, mais à condition que les exonérations de charges servent à encourager l'investissement productif, le développement et la création d'emplois. Et gare à ne pas laisser au milieu du gué tous ceux qui bénéficiaient de ces exonérations le plus honnêtement du monde !

Je m'interroge sur l'opportunité d'une refonte de l'actuelle loi de programme, qui n'est qu'au tiers de son parcours. On nous propose de la remplacer par une loi correctrice, certes, mais sans doute en retrait par rapport aux ambitions affichées. En outre, elle affectera certainement l'autonomie financière des collectivités, déjà largement fragilisée, en supprimant la taxe professionnelle. La pratique, en effet, démontre que la compensation n'est jamais ni à l'heure, ni à la hauteur.

J'ai d'autres inquiétudes encore. Ainsi, la zone franche globale proposée par le Gouvernement s'est empressée de supprimer les anciens dispositifs pour l'emploi. Le tourisme par exemple, pourtant jugé prioritaire, ne jouit plus d'un traitement aussi favorable qu'auparavant. C'est un fleuron de notre tradition qui disparaît ! De même, les technologies de l'information et de la communication, considérées pourtant comme secteur d'avenir, sont absentes de votre texte.

Enfin, la Commission européenne s'est montrée très restrictive quant aux possibilités d'adaptation de la zone franche globale d'activité. Certains éléments de la discussion avaient même déjà été préalablement décidés ! Ainsi, l'exclusion de l'aide au transport inter-DOM entraînera la disparition de l'aide régionale au transport, que le conseil régional avait instituée en faveur des entreprises martiniquaises.

J'ajoute que la Commission européenne enjoint aux autorités françaises d'inclure deux modifications dans la future loi pour le développement économique et la promotion de l'excellence outre-mer : d'une part, le régime N 5242006 relatif à la déductibilité de la TVA sur certains produits exonérés ne visera plus à compenser le coût brut de transport lié à l'éloignement – ce qui revient à supprimer la TVA non perçue récupérée. La Commission ne manque pas de préciser qu'avant l'adoption de ladite loi, les autorités françaises doivent s'engager à prévenir tout cumul entre l'aide au fret et la TVA non perçue récupérée. D'autre part, le régime N 6682006 portant prime à la création d'emploi doit être supprimé. Dès lors, la prime régionale à l'emploi en faveur des entreprises martiniquaises disparaîtra aussi.

Au-delà des seuls chiffres, votre démarche en dit long quant à la méthode et au fond. Je croyais le temps des géreurs d'habitation révolu et celui du partenariat reconnu. Hélas, on est encore loin du compte, tant vous ajoutez l'entêtement à l'incompréhension et au déni d'initiative. Je conclurai mon propos, monsieur le secrétaire d'État, par un conseil lapidaire que je vous donne en toute amitié : la mété bobo anlè bobo ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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