Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour la deuxième année consécutive, la commission des affaires économiques m'a fait l'honneur de me charger de lui soumettre un avis sur le projet de budget affecté à l'outre-mer pour l'exercice 2009.
Les difficultés qu'éprouvent les régions d'outre-mer à réaliser des économies d'échelle et à promouvoir des investissements productifs, leur taux de chômage élevé et leur faible niveau de revenus sont autant de raisons qui justifient les efforts constamment consentis depuis plus de vingt ans par le budget national comme par les fonds structurels européens pour assurer leur croissance.
J'en viens, monsieur le secrétaire d'État, au budget stricto sensu de votre département ministériel pour la mission « Outre-mer », budget que notre commission entend examiner avec un intérêt soutenu, dicté par l'importance des enjeux auxquels les collectivités d'outre-mer sont confrontées dans leur combat pour le développement.
Dans un contexte éminemment délicat, où la maîtrise des dépenses publiques, inlassablement affichée, est inévitablement mise à mal par la conjoncture, la progression des crédits constitue un signe encourageant. Elle illustre à l'évidence la détermination de la collectivité nationale à assumer sa totalité géographique en perpétuant la cohésion entre l'Hexagone et des territoires d'outre-mer éloignés, fragiles, mais dont les potentialités ne sont plus à démontrer et où existent des gisements de productivité. La grande loi de mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement vient de le rappeler ; nous attendons donc de disposer des moyens qu'elle prévoit pour promouvoir ces atouts au service du développement durable.
Ce projet de budget anticipe du reste sur plusieurs aspects de la future loi pour le développement économique de l'outre-mer, dont certaines contraintes ont reporté la discussion, mais dont les perspectives doivent dessiner, dès 2009, un cadre cohérent pour l'action budgétaire en faveur de l'outre-mer.
Comme l'a excellemment fait observer le rapporteur de la commission des finances, la maquette budgétaire ne subit que peu de modifications, toutes conformes à certaines dispositions du projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer. Il faut s'en féliciter.
Par ailleurs, le projet de budget obéit dorénavant à une construction triennale, élaborée de manière à préserver l'autorisation annuelle du Parlement et à dessiner des perspectives enfin compatibles avec l'exigence d'une vision à moyen terme, indispensable au développement de nos régions. Cette démarche est rassurante à bien des égards ; je songe en particulier à l'effort que requièrent le logement social et la réhabilitation de l'habitat ancien.
Les crédits de la mission « Outre-mer » s'élèveront donc, en 2009, à près de deux milliards d'euros en autorisations d'engagement, ce qui représente une progression de 12,8 % par rapport à 2008, et à un peu plus d'un milliard en crédits de paiement, soit 9 % de plus que l'année dernière. Sur la période triennale, la hausse atteindra 17 %.
Comparés à ceux des autres départements ministériels, les crédits de la mission se placent ainsi en tête du palmarès des augmentations budgétaires, devant la recherche et l'enseignement supérieur. Mais, on le sait, ces crédits ne représentent qu'une part relative – 11,4 % – de l'effort des finances publiques de l'État en faveur de l'outre-mer, estimé à 16,5 millions d'euros, soit environ 275 euros par habitant.
Désormais bien assis sur deux programmes complémentaires, « Emploi outre-mer » et « Conditions de vie outre-mer », le budget parachève la rationalisation des moyens, mais aussi des structures, grâce à la création de la délégation générale à l'outre-mer. Cette direction administrative centrale unique se substitue aux deux anciennes directions, dont l'articulation, et surtout la répartition des compétences, n'étaient pas optimales.
L'emploi outre-mer constitue sans conteste une question lancinante. Chaque année, pour y répondre, le budget s'efforce de contribuer à la lutte contre les handicaps structurels qui affectent nos régions. À cette fin, cette année encore, le programme « Emploi outre-mer » privilégie deux types d'action : d'une part, l'abaissement du coût du travail par des exonérations de charges sociales plus importantes que dans l'Hexagone ; d'autre part, l'instauration et la pérennisation de dispositifs encourageant la formation professionnelle, clé d'une insertion durable des personnes qualifiées sur le marché du travail.
Le mécanisme d'exonération de charges sociales porte désormais le nom, plus adapté à son objectif ainsi qu'aux réalités économiques, de « soutien aux entreprises ». C'est, en effet, en abaissant les charges de ces dernières afin de favoriser la production de biens et de services qu'il leur procure un niveau de compétitivité propre à y développer les activités et l'emploi.
L'action « Soutien aux entreprises » voit donc sa dotation passer de 856,7 millions d'euros en 2008 à un peu plus d'un milliard en 2009, ce qui représente une hausse très substantielle – de 21,1 % –, identique en crédits de paiement. Cette augmentation résulte notamment de l'apparition d'une aide publique nouvelle destinée aux entreprises au titre de l'aide au fret, qui vise à résoudre un problème naturellement récurrent dans nos régions, et source de surcoûts.
Mais la compensation des exonérations de charges sociales demeure évidemment le premier poste budgétaire non seulement du programme « Emploi outre-mer », mais aussi de toute la mission : elle s'élève à plus d'un milliard d'euros sur les deux milliards représentés par la dotation totale, soit plus de 50 %. On sait que la progression de l'emploi salarié montre clairement le rôle déterminant de ces exonérations.
Le projet de loi de finances pour 2009 prévoit toutefois la refonte du dispositif en vigueur dans son article 65, à propos duquel la commission des finances a été saisie d'un amendement de suppression, au motif principal qu'il n'avait pas sa place dans ce texte et qu'il vaudrait mieux le réserver à l'examen du projet de loi pour le développement de l'outre-mer, prévu pour le début de l'année prochaine. Mais l'assurance vient de nous être donnée, au plus haut niveau de l'État, que les mesures contenues dans l'article ne prendraient effet qu'avec l'application de cette dernière loi.
Néanmoins, s'il est parfois difficile de mesurer avec précision l'incidence du système sur l'emploi outre-mer, il faut souligner les résultats positifs obtenus dans ce domaine depuis 2003. Ainsi, l'augmentation des effectifs salariés a atteint 14 % dans l'ensemble des entreprises d'outre-mer et 22,5 % dans les entreprises de moins de 11 salariés – que visait prioritairement le dispositif –, alors que la progression n'a pas dépassé 1,5 % dans l'Hexagone. C'est ce qui nous conduit à demander de nouveau, par voie d'amendement, que l'article 65 soit bien inscrit dans le projet de loi de développement de l'outre-mer, et non dans le PLF.
D'autre part, le Gouvernement a pris l'initiative de réformer le mécanisme en le concentrant sur les plus bas salaires, mais le nouveau dispositif, dont nous ne rappellerons pas les détails, n'échappe pas entièrement à la critique, en dépit de votre travail préalable de concertation et de négociation, monsieur le secrétaire d'État.
Tout d'abord, rien ne prouve que c'est en se concentrant sur les plus bas salaires que les exonérations profitent le plus à l'emploi. Il s'agit là d'une idée reçue sur laquelle nous nous fondons depuis des années, mais que les statistiques ne confirment nullement.
Quant à l'instauration d'une dégressivité de la franchise d'exonération, elle nous paraît contraire à la nécessité de favoriser l'emploi de personnes qualifiées, clé du développement.
Enfin, l'articulation de ce dispositif et de celui qui s'applique spécifiquement aux zones franches globales d'activités devra être clarifiée. Elle risque en effet de donner naissance à un mécanisme très complexe, que la commission des finances n'est de fait pas parvenue à décrypter, et qui ne saurait aider nos chefs d'entreprise appelés à en solliciter le bénéfice, notamment les dirigeants de PME, lesquelles composent l'essentiel du tissu économique dans nos régions.
Quant au second programme de la mission, qui concerne les conditions de vie, si le logement y bénéficie, dans le cadre désormais trisannuel du budget, d'un effort sensible, les besoins considérables en la matière exigent que cet effort soit encore accru. Le logement demeure en effet la priorité des priorités, ce qui suppose plusieurs objectifs permanents à moyen terme.
Tout d'abord, la résorption de l'habitat insalubre, dont la situation reste préoccupante : 70 000 logements sont concernés dans les départements d'outre-mer et à Mayotte. Les crédits affectés à cette action, qui inclut également la participation de l'Etat à l'aménagement des quartiers, s'élèveront à 31,5 millions d'euros en 2009, contre 27,7 millions en 2008, ce qui représente une hausse de 13,7 %. Corrélativement, les aides à l'amélioration de l'habitat privé progressent elles aussi sensiblement, de 37,5 % en autorisations d'engagement et de 29,8 % en crédits de paiement, pour s'établir respectivement à 45,6 et 37 millions d'euros.
Ensuite, la construction de logements sociaux en accession à la propriété, point d'orgue de la loi du 5 mars 2007 instaurant le droit au logement opposable, a accusé en 2008 quelque retard sur les objectifs affichés, ce qui a conduit à réviser à la baisse l'objectif pour 2009 : 37,8 millions d'euros lui seront ainsi consacrés, au lieu des 51,4 millions initialement prévus en 2008, afin de construire 1 350 logements.
En revanche, les crédits favorisant le logement locatif augmentent de façon importante, atteignant 127 millions d'euros en autorisations d'engagement et 112 millions en crédits de paiement. Ils permettront de viser l'objectif de construction de 4 500 logements en 2009, avant une progression annuelle permettant de parvenir à 5 400 logements par an en 2012.
Une nouvelle action fait son apparition dans le programme : le fonds exceptionnel d'investissement. Doté, pour sa première année, de 40 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 16 millions en crédits de paiement, le fonds, dont la création est incluse dans le projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer, doit contribuer au financement des « investissements structurants des collectivités locales ». Il sert ainsi un but louable : contribuer de manière significative au rattrapage du retard accumulé par les collectivités ultramarines en matière d'équipements publics et collectifs. On pourrait naturellement faire observer que les sommes inscrites ne sont pas, loin s'en faut, à la hauteur de besoins pourtant bien connus.
Enfin, sur un autre terrain, celui de la défiscalisation, nous avons pu regretter que le Gouvernement ait choisi, à l'occasion du PLF pour 2009, d'ouvrir un débat sur la remise en ordre, toujours acceptable en principe, souvent inquiétante dans ses modalités.
On le sait, la dépense fiscale en faveur de l'outre-mer est presque une fois et demie plus élevée que les crédits propres de la mission « Outre-mer ». Elle a pour objet d'alléger les charges des économies locales afin de réduire partiellement les handicaps structurels auxquels celles-ci sont confrontées. Les dispositifs correspondants peuvent être affectés à l'un ou à l'autre des deux programmes de la mission. Il s'agit là d'une conception logique, au service du développement et de la cohésion, et qui tient compte des faiblesses particulières de l'économie ultramarine.
Comme l'indique le secrétariat d'État, la défiscalisation « a contribué de manière indéniable » à une croissance économique particulièrement dynamique depuis 2004, mais aussi « à la baisse du chômage, au rattrapage des niveaux de vie, au dynamisme des investissements productifs ». Elle demeure d'autant plus justifiée que les retards accumulés sont encore loin d'être comblés.
Ainsi, la compétitivité des départements d'outre-mer reste plus faible que celle des pays voisins, généralement du fait de coûts de production des biens et des services plus élevés. Or on ne saurait réduire directement ces coûts sans sacrifier le pouvoir d'achat et le niveau de vie de nos populations. La défiscalisation demeure donc un outil indispensable, d'autant qu'elle présente le double avantage de responsabiliser les investisseurs privés et de générer des frais de gestion pour l'État bien inférieurs à ceux des subventions directes. Elle obéit – et c'est tant mieux – à une logique de responsabilité qu'il convient, naturellement, d'assortir des contrôles nécessaires.
En outre, les exportations ultramarines demeurent très modestes, le taux de couverture ne dépassant guère 15 % au mieux, alors que la part non marchande de la valeur ajoutée reste très importante : dans tous les départements ultramarins, elle continue de dépasser ou d'approcher le tiers de la valeur ajoutée.
Voilà pourquoi une stratégie de croissance endogène, soutenue par la solidarité nationale et certes adaptée à chaque territoire, demeure la seule voie possible d'expansion des territoires concernés et d'épanouissement de leurs populations.
N'oublions pas que les différents mécanismes de défiscalisation permettent de financer ou d'aider à financer, mais de façon déterminante, un tiers des investissements productifs des entreprises outre-mer. Ne perdons pas de vue non plus que le système que nous connaissons avait pour but d'améliorer la compétitivité des entreprises ultramarines, et qu'il a en grande partie rempli ses objectifs.
À cet égard, l'assurance vient de nous être donnée par le Gouvernement qu'il accepte une modification par voie d'amendement, sur les bases que nous proposions, du texte soumis au Parlement. Le plafond de l'avantage fiscal autorisé resterait fixé à 40 000 euros, et ce montant ne comprendrait pas la part de l'avantage fiscal rétrocédée à l'exploitant local.
Naturellement, tout dispositif mérite d'être régulièrement réexaminé pour vérifier que ses incidences sont bien conformes aux objectifs qui ont fondé sa mise en place. C'est pourquoi nous approuvons l'idée d'évaluer de façon approfondie la pertinence des mécanismes existants pour les adapter à une économie ultramarine qui a beaucoup évolué depuis 2003. Mais nous ne pouvions accepter de plafonner l'avantage fiscal qu'un contribuable peut retirer chaque année des investissements qu'il réalise outre-mer, là où les besoins existent, et là où les potentialités n'attendent qu'à être explorées et mises en valeur. Il faut vraiment espérer que soit préservé l'encouragement à l'investissement outre-mer par la voie fiscale, qui s'est avéré un mécanisme efficace de financement de l'économie ultramarine, tout en prenant en considération, nous en sommes bien conscients, l'objectif d'équité fiscale auxquels nous sommes tous très attachés.
Le budget de la mission « Outre-mer » et, bien entendu, le budget général doivent intégrer ces objectifs car, dans un contexte de crise économique et financière, les économies les plus faibles ont particulièrement besoin de visibilité et de stabilité puisqu'elles sont les plus vulnérables.
Sous ces réserves, notamment celle qu'appelle l'actuelle rédaction de l'article 65 du projet de loi de finances pour 2009 relatif aux exonérations de charges sociales ; rédaction dont il faut craindre qu'elle n'affecte les deux programmes de la mission « Outre-mer », nous regardons les crédits de cette mission comme orientés dans le bon sens et méritant d'être adoptés par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)