Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le budget du secrétariat d'État à l'outre-mer, que je vais vous présenter au nom de la commission des finances.
Je veux tout d'abord souligner, monsieur le secrétaire d'État, qu'un effort a été fait pour répondre aux questions qu'en tant que rapporteur spécial, je m'étais permis de vous adresser. Nous sommes passés d'un taux de réponse de 63 % l'année dernière à 64,7 % cette année, soit une progression notable de 1,7 %, alors que le nombre de questions est passé de 87 à 51, 26 de moins. Je ne pense pas que nous aurons un nombre de réponses satisfaisant en diminuant le nombre de questions. Vous avez été membre de la commission des finances, rapporteur spécial, et je sais que vous êtes sensible à ce problème. Je souhaite vraiment que l'on n'ait plus à en parler l'année prochaine.
Les crédits de la mission « Outre-mer », 1,88 milliard d'euros en crédits de paiement, ne constituent pas l'essentiel de l'effort du pays en faveur des collectivités ultramarines, loin s'en faut, puisque les missions des autres ministères représentent 11,5 milliards et qu'il y a par ailleurs un effort de défiscalisation, dont nous parlerons naturellement la semaine prochaine lors de l'examen des articles non rattachés, à hauteur de 3,3 milliards d'euros.
Un mot tout de même sur ce sujet, bien qu'il ne concerne que l'article 43. Il sera difficile de ne pas l'évoquer lors de nos débats, d'abord parce que c'est un élément très important – le montant l'indique, 3,3 milliards d'euros –, ensuite parce que des réformes sont envisagées, dont peu de parlementaires peuvent parler. Faut-il tenir compte des chiffres annoncés, 40 000 euros et 15 % avant restitution, 40 000 euros ou 6 % après restitution ? Un certain nombre de mes collègues ont été reçus par le secrétaire général de l'Élysée, qui leur a donné quelques indications. Peut-être le moment est-il venu d'aborder le sujet dans cette enceinte, où il eût été correct et probablement républicain de l'aborder en premier.
Les crédits de votre projet de budget représentent donc 1,88 milliard d'euros. C'est une augmentation sensible, dont on ne peut que se féliciter. Cette augmentation est essentiellement le fruit de transferts relatifs aux contrats de projets passés entre l'État et les collectivités territoriales, qui sont désormais de votre ressort ministériel. Elle traduit aussi un effort réel pour tenter d'apurer les dettes qui se sont accumulées à l'égard des organismes de sécurité sociale ou des bailleurs sociaux : j'aurai l'occasion d'y revenir.
Par ailleurs, ce budget offre pour la première fois une perspective puisque c'est un budget triennal. C'est un élément de stabilité et cela permet d'apprécier la continuité de la politique engagée par les pouvoirs publics pour les collectivités d'outre-mer.
On peut noter enfin la création de la délégation générale à l'outre-mer, qui s'est substituée aux deux directions d'administration centrale préexistantes. Il y a eu à cette occasion une diminution du nombre des agents, qui sont passés de 210 à 140, dans le cadre d'une réduction de l'emploi public dont la nature, l'esprit, la philosophie et les éventuelles économies peuvent être discutés, mais ce n'est naturellement pas le moment d'en parler plus longuement.
Ce budget de 1,88 milliard d'euros se décline en deux principaux programmes, l'un concernant les conditions de vie et l'autre l'emploi.
Le programme « Emploi outre-mer » comporte pour l'essentiel, sinon pour la totalité, la compensation des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale.
L'article 65 du projet de loi de finances propose de réformer le dispositif d'exonération. C'est une réforme d'assez grande ampleur contenue dans le projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer, qui est déposé devant le Sénat. Le dispositif de l'article 65 y figure, en deux articles distincts, les articles 11 et 12.
Après avoir examiné l'article 65 en commission des finances, nous étions tous perplexes, ne sachant pas s'il fallait l'adopter en l'état, tenter de le modifier ou tout simplement intervenir auprès du pouvoir exécutif pour qu'il soit retiré. Nous aurons à choisir entre ces trois solutions.
Le retirer, je peux comprendre que ce soit problématique pour vous, monsieur le secrétaire d'État, car ce n'est pas l'usage.
Nous demander de l'adopter ne serait probablement pas très correct à l'égard du Parlement, car tous ceux qui se sont penchés sur la question savent qu'il est en réalité inapplicable. Il fait en effet référence à des dispositifs qui n'existent nulle part ailleurs que dans un projet de loi qui n'a naturellement pas encore force de loi puisqu'il n'a été adopté ni par le Sénat ni, a fortiori, par l'Assemblée nationale puisque c'est le Sénat qui doit l'examiner en premier.
Il resterait donc, le cas échéant, à réécrire cet article. La suggestion en avait été faite auprès des uns ou des autres au sein de la commission des finances mais, outre que la tâche était manifestement complexe, le rôle des parlementaires, s'il est bien de contrôler et de voter, n'est certainement pas de se substituer au pouvoir exécutif.
J'ignore quelle solution vous privilégierez, monsieur le secrétaire d'État, mais si c'est une nouvelle rédaction de l'article au moyen d'un d'amendement, je ne pourrai, en tant que rapporteur spécial, que demander à mes collègues de le rejeter dans la mesure où personne ne l'aura examiné, vu que nous n'en avons pas connaissance au moment où je vous parle.
Bref, ce programme fait l'objet d'une vaste refonte. J'en comprends parfaitement la finalité : plus de transparence et de lisibilité, mais ce n'est pas dans le projet de budget que j'ai à rapporter que je peux aller plus avant pour décrire ce que serait cette transparence ou cette éventuelle efficacité dans la mesure où je ne dispose pas du texte de l'article, qui mérite selon moi d'être examiné attentivement.
L'autre programme concerne les conditions de vie et, d'abord, le logement. À cet égard, on peut noter plusieurs évolutions par rapport à l'année dernière.
La première, c'est la volonté du Gouvernement de recentrer la défiscalisation locative vers le logement social. Je ne peux pour ma part que m'en féliciter. C'était l'une des suggestions que je m'étais permis de faire l'année dernière en tant que rapporteur spécial, qui a été reprise par un grand nombre de mes collègues, et qui est évoquée avec certaines craintes sur quelques bancs.
C'est un effort nécessaire. Nous avons en effet constaté sur place que, si ce dispositif profitait incontestablement à certains, il ne profitait pas forcément à celles et ceux qui en ont besoin, et je pense en particulier à nos compatriotes dont les conditions de vie sont très modestes ou même très difficiles. Nous sommes donc satisfaits, sur tous les bancs, je crois, de voir la défiscalisation locative se recentrer sur le logement social.
Cela ne règle pas l'un des problèmes majeurs des territoires ultramarins, et notamment des collectivités situées dans les Antilles : la disponibilité foncière. C'est une question extrêmement difficile à résoudre. Quels que soient les efforts qui pourraient être consentis sous forme de dépenses fiscales en faveur du logement social, tant qu'il n'y aura pas les réserves foncières suffisantes pour construire les logements sociaux nécessaires, il y aura peut-être quelques effets d'annonce lors de l'examen de nos budgets, mais nous n'aurons pas les effets que nous sommes en droit d'espérer d'une politique publique qui engage énormément d'argent public.
Puisque nous parlons du logement, je voudrais faire deux remarques à propos d'une société d'économie mixte, la SIMAR.
De manière assez surprenante et pendant de nombreuses années, le président du conseil d'administration a fait adopter des délibérations alors même que sa nomination, désignation ou élection, on ne sait, était particulièrement contestée - c'est le moins que l'on puisse dire - puisqu'elle n'avait jamais eu lieu.
Peut-être plus grave, un certain nombre de cadres ont fait l'objet de mesures de licenciement, quatre ou cinq d'entre eux bénéficiant d'indemnités de licenciement d'un montant total de près de 500 000 euros. La Cour des comptes s'en est émue, d'autant plus que, selon elle, ces indemnités ont été accordées dans des conditions parfaitement illégales. Elle a interrogé les ministères compétents, et notamment le secrétariat d'État chargé de l'outre-mer, par la voie en particulier d'un référé - la chose n'est pas si fréquente - datant du mois de février de cette année. À ce jour, d'après les renseignements que nous avons, aucune réponse n'a été donnée par le pouvoir exécutif.
Outre la réponse qu'il faudrait probablement apporter à l'institution de la rue Cambon, monsieur le secrétaire d'État, il me semble que le Parlement est en droit de savoir ce que vous comptez faire. Des indemnités de licenciement d'un montant de 500 000 euros jugées parfaitement illégales par la Cour des comptes, c'est un sujet qui mérite notre attention.
Je voudrais également dire un mot d'une opération qui me paraît satisfaisante car elle peut donner de la lisibilité aux politiques de transport : le regroupement dans un fonds des crédits d'aide à la continuité territoriale et des crédits du passeport mobilité.
Pour le passeport mobilité, une impulsion nouvelle a peut-être été donnée. Une fois que le projet de loi déposé au Sénat aura été adopté, il faudra, pour en bénéficier, répondre à certaines conditions concernant les dates, l'objet du voyage et, surtout, les ressources.
Quant à la dotation de continuité territoriale, chacun sait que c'est une politique constante à l'égard des territoires qui n'ont pas de continuité terrestre avec la métropole.
Regrouper tous ces crédits dans un seul fonds permettra une meilleure lisibilité et, en tout cas, un meilleur contrôle du Parlement. Ne serait-ce que pour cette raison, je ne peux que m'en féliciter.
Enfin, je ne peux que me féliciter de la prochaine création d'un fonds d'investissement pour les collectivités. L'idée en avait été émise à la suite de la mission d'information menée par la commission des finances dans les territoires antillais au début de cette année. Je m'étais permis de prendre cette idée dans le rapport que je vous avais présenté l'année dernière. C'est effectivement une bonne chose.
Les collectivités locales des départements et territoires d'outre-mer souffrent énormément pour dégager de gros budgets d'équipement. C'est d'autant plus regrettable qu'elles ont rapidement besoin d'énormes investissements, dans les transports en commun, les infrastructures publiques telles que les routes, les zones d'activité industrielles, l'assainissement, tous investissements que les autres collectivités ont l'habitude de réaliser pour une grande part seules, ce qu'elles ne peuvent pas faire, faute de moyens financiers. Il me paraît donc essentiel de créer ce fonds afin d'aider les collectivités d'outre-mer à investir.
Néanmoins, le fonds serait doté – vous pourrez nous le confirmer, monsieur le secrétaire d'État – d'environ 40 millions d'euros en autorisations d'engagement, mais de 16 millions d'euros seulement en crédits de paiement. On voit donc mal, étant donné les besoins constatés dans les différentes collectivités ultramarines, quelle politique d'envergure pourrait être menée en la matière l'année prochaine, même si l'orientation prise est la bonne.
Le pays se doit en effet d'aider les collectivités à investir, afin de permettre aux populations de bénéficier des services publics qui leur font aujourd'hui défaut, et afin de remédier aux lourdes conséquences qui en découlent : je songe en particulier au manque cruel de transports en commun et aux immenses difficultés de circulation susceptibles d'en résulter aux heures d'embauche et de débauche.
Il y aurait naturellement d'autres choses à dire, mais j'ai voulu me concentrer sur l'essentiel.
Pour conclure, s'il est certain que l'importance du fameux article 65 et de son objectif de transparence et de lisibilité des dépenses fiscales ne devra pas être sous-estimée lorsque nous en viendrons à l'examiner, il reste que les conditions de cet examen ne sont ni dignes ni acceptables. Je le répète, en l'état, l'article est rigoureusement inapplicable : il fait référence à des dispositifs et à des mesures qui n'existent ni dans notre droit ni dans notre pratique, puisqu'elles n'apparaissent que dans un projet de loi qui n'a pas encore été discuté.
Aucune solution ne serait satisfaisante : ni l'adoption de l'article, qui constituerait à mes yeux une marque d'irrespect envers le Parlement ; ni son retrait, qui serait gênant pour le Gouvernement ; ni, enfin, sa réécriture instantanée sans que les rapporteurs de ce budget, les membres de la commission des finances et nos collègues de l'outre-mer aient pu l'examiner dans les délais requis. J'ose donc espérer que c'est la première et la dernière fois que le Parlement doit examiner une disposition dans ces conditions sous votre autorité, monsieur le secrétaire d'État. (Applaudissements sur divers bancs.)