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Intervention de Charles de Courson

Réunion du 3 octobre 2007 à 9h30
Régimes spéciaux de retraite — Déclaration du gouvernement et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question de l'existence et de l'avenir des régimes spéciaux hante le débat politique français depuis plus de soixante ans, puisqu'elle a fait l'objet de grands débats à la Libération. Il convient en effet de le rappeler : le Conseil national de la Résistance était favorable à l'idée d'un grand régime unique. Du reste, le deuxième alinéa de l'article 17 de l'ordonnance du 4 octobre 1945, qui demeure le fondement du système actuel de sécurité sociale, mentionne bien le caractère provisoire des régimes spéciaux puisqu'il précise que « sont provisoirement soumises à une organisation spéciale de sécurité sociale les branches d'activités ou entreprises énumérées par le règlement général d'administration publique parmi celles jouissant déjà d'un régime spécial ». Il faut le rappeler, l'esprit de la Résistance, c'était le grand régime unique. C'est pourquoi, monsieur le ministre, mais j'y reviendrai puisque c'est la thèse que le Nouveau Centre développe, j'espère bien que nous irons dans cette direction.

Toutefois, quelques rares régimes ont déjà entamé leur réforme, tout récemment celui de la Banque de France, ou encore celui de la Chambre de commerce. En 1993, la réforme Balladur avait prudemment exclu de son champ les régimes spéciaux et le fait que le plan Juppé, en 1995, ait exclu le volet retraite, notamment des régimes spéciaux, sous la pression des manifestations, explique que la réforme Fillon de 2003 ait une nouvelle fois exclu les régimes spéciaux. À l'époque, la famille centriste avait proposé d'intégrer les régimes spéciaux dans la réforme Fillon que nous avons soutenue, mais elle n'avait pas été écoutée.

Le gouvernement actuel a le courage de lancer la question des régimes spéciaux : il doit en être remercié, et le débat de ce matin est utile. Au nom du Nouveau Centre, je souhaite faire au Gouvernement deux grandes propositions sur le fond et une sur la forme.

La première proposition sur le fond consiste, monsieur le ministre, à annoncer clairement qu'il faut mettre en extinction l'essentiel – pas tous, j'y reviendrai – des régimes spéciaux. Or le Gouvernement semble hésiter à poser clairement comme objectif une telle extinction.

Quatre raisons de fond plaident pourtant en ce sens.

La première raison est d'ordre politique. L'actuelle majorité présidentielle s'y est en effet engagée. À Paris, le 14 janvier 2007, lors de la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy a appelé à une République qui mette « les retraités des régimes spéciaux à égalité avec ceux du secteur privé et de la fonction publique ». De plus, le contrat de législature 2007-2012, auquel ont souscrit tous les élus de la majorité présidentielle, mentionne qu'il est nécessaire de « réformer les régimes spéciaux de retraite dans un souci de justice et d'équité afin que chacun prenne sa juste part de l'équilibre des régimes de retraite ».

Pour la première fois depuis 1945, les Français nous ont mandatés pour que nous réformions l'ensemble des régimes de retraite, et en particulier les régimes spéciaux.

La deuxième raison tient aux évolutions de la société française. Les causes qui justifiaient l'existence des régimes spéciaux au cours de l'histoire ont, pour la plupart d'entre elles, disparu – pas toutes, c'est vrai. Ainsi, en ce qui concerne l'électricité et le gaz, le fait que la constitution, dans un cadre communautaire, de grands groupes internationalisés ait entraîné la transformation des deux établissements publics GDF et EDF en sociétés anonymes rend nécessaire une évolution du régime de retraite de leurs salariés. De même, M. le ministre l'a rappelé, le premier régime créé au XVIIe siècle a été celui des marins, en vue de rendre attrayante l'entrée dans la marine française : une telle justification est-elle encore valable ? Rappelons également que, si le régime des mineurs était très favorable, c'est qu'il s'agissait d'un travail très dur et qu'il fallait attirer la main-d'oeuvre vers les métiers de la mine. Or le coût élevé d'extraction du charbon français a entraîné la fermeture de toutes les mines de charbon françaises. Faut-il encore mentionner le petit régime des cheminots des chemins de fer d'intérêt secondaire, qui regroupe 200 ressortissants et n'a plus de cotisants ? L'évolution l'a fait lui aussi disparaître.

Les textes créant la Banque centrale européenne – nous l'avons déjà évoqué au moment de leur discussion – rendent impossible le maintien tel quel du régime de retraite des agents de la Banque de France.

L'évolution de l'organisation juridique des groupes, liée au mouvement de filialisation et au mouvement d'internationalisation, et indispensable si nous voulons disposer de groupes puissants, met en évidence la difficulté présentée par la coexistence de plusieurs régimes de retraite au sein des mêmes entreprises.

Certes, il demeure des régimes dont le maintien se justifie par des considérations constitutionnelles. C'est le cas des retraites des députés et sénateurs et des personnels des assemblées, en vertu du principe de séparation des pouvoirs. Reste que, là encore, j'y reviendrai, une chose est de les maintenir, une autre est de rétablir l'égalité, notamment entre ceux de nos collègues issus du privé et ceux issus du public. Il existe en effet une grave discrimination au sein des régimes de retraite des parlementaires puisque, pour le cas des députés, la moitié d'entre eux, grosso modo, proviennent des fonctions publiques.

Plus généralement, l'évolution des technologies ne justifie plus le maintien de certaines spécificités. On cite toujours le cas des « roulants » de la SNCF. Il était tout à fait justifié, du temps de la machine à vapeur, qu'ils partent à la retraite à l'âge de cinquante ans. Mais, aujourd'hui, comment expliquer aux chauffeurs de poids lourds, qui, usés, partent à la retraite à soixante ans, que les conducteurs de TGV prennent la leur à cinquante ans ? On voit donc bien que l'évolution des technologies remet en cause tout une série de traditions en la matière.

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