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Intervention de Denis Jacquat

Réunion du 3 octobre 2007 à 9h30
Régimes spéciaux de retraite — Déclaration du gouvernement et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Jacquat :

L'équité passe également par l'emploi raisonné des fonds publics : les Français ne peuvent continuer de financer des régimes non viables sans une subvention exorbitante. Le Conseil d'orientation a dressé les perspectives démographiques des principaux régimes spéciaux dans son dernier rapport. Elles montrent que tous ces régimes, y compris celui des fonctionnaires de l'État, auront plus de pensionnés que de cotisants en 2020 à l'exception notable de la CNRACL et de la RATP. Aujourd'hui, les régimes de la SNCF, des clercs de notaire, des marins et des mineurs, sont déjà dans cette situation. Le coût du maintien de règles d'assurance éloignées de celle d'un régime d'assurance normal finit par devenir exorbitant. Aujourd'hui, pour sept euros de pension versés aux anciens fonctionnaires de l'État, six euros doivent être fournis par le budget de l'État et un euro par les retenues de 7,85 % sur les traitements. Je rappellerai à ce sujet que le taux de cotisation des fonctionnaires et de la plupart des affiliés des régimes spéciaux n'a augmenté que de 1,85 point en quatre-vingts ans puisque c'est la loi du 14 avril 1924 qui avait fixé un taux de retenue de 6 %, lequel a été finalement porté à 7,85 % en 1991.

L'approche des régimes spéciaux nécessite toutefois de la prudence : il est hasardeux de comparer un régime spécial à un autre. S'il doit y avoir un point de référence, ce doit être le régime des fonctionnaires de l'État. De plus, chaque régime spécial doit être traité séparément car les règles d'assurance, les conditions de travail et les modes de rémunération forment un tout.

Si l'uniformité n'est pas souhaitable, des règles communes sont toutefois indispensables. L'adaptation de ces règles communes doit être discutée régime par régime, mais il ne serait pas acceptable qu'une fois de plus les régimes spéciaux divergent quant à la substance même de ces règles.

Je préconise donc que nous nous référions aux propositions du Conseil d'orientation des retraites pour arrêter le noyau commun des règles et paramètres d'assurance des régimes spéciaux. Dans son quatrième rapport de janvier 2007, le COR a proposé quatre orientations de réforme des régimes spéciaux.

Premièrement, il faut allonger les durées d'activité et les durées d'assurance, de manière à appliquer les mesures de réforme de la loi du 21 août 2003 qui tendent à prendre en compte l'allongement de la durée de vie des Français. En ce sens, il me paraît inévitable que la durée d'assurance exigée pour obtenir une pension au taux maximum passe de 37,5 ans à 40 ans, comme cela a été fait pour les fonctionnaires et dans certains régimes spéciaux comme celui des députés – j'insiste : comme celui des députés – ou de la Banque de France. De même, il faut réexaminer les âges de départ en retraite inférieurs à soixante ans.

Deuxièmement, cet allongement des durées d'activité et d'assurance doit cependant être apprécié en prenant en compte la politique du travail et de l'emploi des entreprises et administrations ainsi que la pénibilité du travail – je vais y revenir.

Troisièmement, les avantages familiaux et conjugaux doivent être harmonisés et rendus conformes au droit européen comme cela a été fait pour les régimes de fonctionnaires et les régimes de droit commun du secteur privé.

Quatrièmement, les modalités d'indexation des pensions doivent également être harmonisées pour placer les Français dans une position d'égalité, les garanties de pouvoir d'achat doivent être les mêmes pour tous.

À titre personnel, j'ajouterai un item : la mise en place d'un mécanisme de décote et de surcote car il répond à un objectif majeur de la politique des retraites en France, à savoir inciter les Français qui le souhaitent à travailler plus longtemps. Les taux de minoration et de majoration pourraient être adaptés aux spécificités de chaque régime. Pour ma part, je pense que ce mécanisme est indispensable.

Comme je l'ai dit, la réforme des régimes spéciaux ne peut être dissociée d'une prise en compte de la pénibilité au travail. Cette question n'est pas spécifique aux régimes spéciaux. Pierre Méhaignerie va nous expliquer qu'à l'exception des régimes des marins et des mineurs, l'usure physique au travail n'a pas été le facteur motivant la mise sur pied d'un régime spécial de retraite. En outre, la pénibilité au travail est par nature évolutive dans le temps ; il n'est pas ainsi normal que les règles dérogatoires liées aux services actifs de certains régimes spéciaux soient figées depuis cinquante ans.

La pénibilité est une notion dont les contours sont difficiles à tracer. Il est particulièrement délicat de déterminer les critères de pénibilité d'un métier ou d'un emploi. Certes, plusieurs critères sont connus, mais leur combinaison et leur poids est délicat à apprécier. Les mécanismes de compensation de la pénibilité peuvent revêtir plusieurs formes. La compensation ne doit pas, en effet, exclusivement passer par l'adaptation des règles d'assurance vieillesse.

La compensation de la pénibilité peut passer par l'amélioration des conditions de travail, l'aménagement des postes de travail, l'adaptation de la rémunération, l'établissement de rythmes de travail ou de congés adaptés. Beaucoup de travailleurs exerçant objectivement des métiers pénibles prolongent leur activité au-delà de l'âge d'ouverture de leurs droits à la retraite. C'est notamment le cas des marins. Je pense que les critères de la pénibilité doivent être définis nationalement et sur le plan interprofessionnel, au nom de l'équité entre tous les Français. C'est seulement ensuite qu'ils devraient être déclinés entreprise par entreprise, métier par métier ou branche par branche. Si tout était décidé entreprise par entreprise, celles qui disposeraient de fonds propres importants seraient en mesure d'organiser des dispositifs de compensation substantiels contrairement aux marins pêcheurs, aux mineurs ou aux salariés des PME, par exemple.

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