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Intervention de Denis Jacquat

Réunion du 3 octobre 2007 à 9h30
Régimes spéciaux de retraite — Déclaration du gouvernement et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Jacquat :

Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, monsieur le président des affaires culturelles, familiales et sociales, mes chers collègues, cela fait vingt ans que je suis la question de l'assurance vieillesse à l'Assemblée nationale et c'est la première fois que l'on débat en séance publique des régimes spéciaux de retraite dans leur globalité. Seule la situation de quelques régimes spéciaux a été examinée de temps à autre. Ce fut le cas du régime de Saint-Pierre-et-Miquelon en 1987 et du régime des industries électriques et gazières en 2004.

Certes, il n'appartient pas au Parlement de fixer les paramètres économiques et financiers d'un régime de sécurité sociale. Seuls l'existence, l'objet des prestations et le mode de gouvernance des régimes d'assurance vieillesse obligatoire relèvent de la loi en application de l'article 34 de la Constitution. Il est néanmoins fondé que le Parlement puisse être saisi au sujet des régimes spéciaux.

Ce débat permet de confirmer publiquement que le Gouvernement peut valablement modifier les paramètres économiques et financiers des régimes spéciaux par voie de décret. Certains régimes spéciaux sont même entièrement régis par un décret, comme c'est le cas du régime de retraite des artistes de l'Opéra de Paris, de la Comédie-Française ou des membres du Conseil économique et social. Dans ce dernier cas, seule l'existence de la caisse figure dans une loi, celle du 10 juillet 1987. C'est d'ailleurs grâce à ce statut entièrement réglementaire que le Gouvernement a pu réformer, après une large concertation, le régime de retraite des agents de la Banque de France par le décret du 27 février 2007, afin de rapprocher ses règles de celles du régime des fonctionnaires civils de l'État.

Je préciserai même que, si certaines règles et paramètres d'assurance de ces régimes spéciaux figurent dans des lois, il sera loisible au Gouvernement de délégaliser les dispositions en cause après avis du Conseil d'État pour les lois antérieures à la Ve République ou après avis du Conseil constitutionnel pour les lois votées sous la Ve République.

Les régimes spéciaux sont une spécificité française. En Allemagne, il n'existe qu'un seul régime spécial, celui des mineurs, qui a d'ailleurs vocation à disparaître avec la fermeture de la dernière mine en 2014.

La France a non seulement multiplié les régimes spéciaux, mais elle a également multiplié les régimes de base, aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public, alors que, à la Libération, les députés avaient été élus pour mettre en place la sécurité sociale généralisée !

Ainsi, pour mettre en place le droit à l'information des assurés sur leur retraite, il a fallu coordonner trente-six régimes d'assurance vieillesse – et encore tous les régimes spéciaux ne sont-ils pas englobés dans cette coordination.

Je ne suis pas un partisan de l'uniformité, mais on est en droit de s'interroger sur cette diversité, cet éparpillement lorsque des régimes couvrent quelques centaines d'assurés et qu'ils ont plus de retraités que d'actifs. Les régimes spéciaux sont inscrits dans l'histoire de France, comme vient de le rappeler M. le ministre.

Par la suite, la loi du 9 juin 1853 unifia le régime des fonctionnaires et mis en place le mode de fonctionnement par répartition. Sous l'impulsion de l'État, qui entendait développer l'activité économique et construire de grandes infrastructures, ce modèle fut décliné par de nombreuses entreprises et établissements sous la forme de caisses de retraites privées permettant d'attirer une main-d'oeuvre fidèle. Sont ainsi apparus la plupart des régimes spéciaux actuels : transport parisien, mines, chemins de fer, IEG. Le problème est que le régime des fonctionnaires a évolué, tandis que la plupart des régimes spéciaux ont figé leurs paramètres.

Je ne citerai qu'un seul exemple : la SNCF a, par exemple, conservé l'usage du départ en retraite prévu par la loi du 9 juin 1853, à cinquante et cinquante-cinq ans, ces âges ayant été définis à une époque où l'espérance de vie à la naissance était à peine supérieure à trente-neuf ans pour les hommes.

De même, la règle des 37,5 ans pour la durée d'assurance permettant d'obtenir une pension au taux maximal traduit le maintien dans la plupart des statuts des régimes spéciaux d'une disposition fixée par la loi du 20 septembre 1948 qui a réformé le régime des fonctionnaires. Plus ancien encore : certaines règles en matière de bonifications pour enfants, de retraite anticipée pour les mères de trois enfants, de majoration de pension et de réversion restent issues de la loi du 14 avril 1924 qui a défini ces mécanismes pour les fonctionnaires.

Le caractère figé des régimes spéciaux n'est plus acceptable aujourd'hui, au nom de l'équité.

Dans son troisième rapport, de mars 2006, le Conseil d'orientation des retraites a pointé la nécessité de faire évoluer la réglementation des régimes spéciaux, notamment pour accompagner le relèvement de la hausse de la durée d'assurance votée en 2003.

L'équité exige, en effet, que, lorsque l'on réforme la fonction publique et le secteur privé, les régimes spéciaux ne soient pas tenus à l'écart. Les efforts en matière de retraite doivent être également partagés entre tous les Français. Aujourd'hui, le gouvernement de François Fillon ne fait que mettre en oeuvre ce simple principe d'équité.

Certains disent que cette réforme est faite dans la précipitation.

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