C'est d'autant plus le cas si on prend en compte le fait que cette demande sera désormais renouvelée chaque année. Comment, dans ces conditions, M. le ministre du budget a-t-il pu prétendre lors de la séance des questions au Gouvernement du 24 octobre dernier que « le budget que nous présentons est fondé sur l'investissement » ? L'investissement est effectivement une nécessité pour les entreprises publiques comme pour les autres. Or, en prenant ainsi une décision contraire à tous les principes de bonne gestion, le Gouvernement donne une nouvelle preuve du fait qu'il ne voit dans les entreprises publiques que des vaches à lait. En effet, la réalité est que cette demande vise surtout à pallier la mauvaise exécution budgétaire, en raison de rentrées fiscales inférieures aux prévisions.
Suite à la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 2006, la mission « Participations financières de l'État » comprend deux programmes – et non plus un seul, comme auparavant –, le n° 731, « Opérations en capital intéressant les participations financières de l'État », et le n° 732, « Désendettement de l'État ou d'établissements publics de l'État ». Cependant, cette mission ne comprend toujours pas de programme distinct permettant de faire face aux engagements sociaux de long terme, notamment à travers le Fonds de réserve pour les retraites.
J'avais soutenu, lors du débat sur la loi de finances pour 2006, un amendement proposant de distinguer ces trois programmes. En effet, l'arbitrage entre ces trois objectifs doit revenir au Parlement et non au Gouvernement, ce qui n'est pas le cas actuellement où les crédits éventuellement versés au FRR relèvent du programme « Désendettement ». Pourtant, le rapport Pébereau établissait une distinction claire entre ces deux enjeux.
Ce point est d'autant plus important que la situation du Fonds de réserve des retraites est problématique. En effet, alors que l'objectif qui lui avait été imparti était d'atteindre 150 milliards d'euros en 2020, il ne cumule actuellement que 33 milliards d'euros. Cette situation vient du fait que ses principales sources d'alimentation se sont taries.
D'abord, la CNAV, dont les excédents l'alimentaient, est déficitaire depuis 2005. De plus, le Fonds de réserve des retraites n'a plus reçu de produit de privatisation depuis 2002 et les 500 millions d'euros issus des participations dans le Crédit Lyonnais. Le FRR n'est donc actuellement plus alimenté que grâce à une part du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et de placements, soit 1,5 milliard en 2007.
La situation est telle que le président de son conseil de surveillance, M. Raoul Briet, a demandé un « objectif explicite », celui des 150 milliards d'euros en 2020 ne pouvant pas être atteint dans les conditions créées par le Gouvernement.
Pourtant, les performances du FRR sont appréciables. Son rendement entre le 1er janvier et le début du mois de novembre a atteint 5,7 %, malgré la crise des subprimes. Depuis sa création, sa performance annuelle moyenne s'élève à 9,9 %, avec des ratios prudentiels qui sont ceux du FRR, plutôt honorables.
Les résultats obtenus sont d'autant plus appréciables lorsqu'on les compare au coût de l'endettement de l'État, qui se situe autour de 4,4 %, même si la hausse des taux d'intérêt devrait augmenter ce coût. Abonder le FRR semble donc jusqu'à présent être un meilleur investissement que désendetter l'État ou les établissements publics.
C'est une justification supplémentaire pour permettre aux parlementaires d'arbitrer entre désendettement, opérations en capital des entreprises publiques et abondement du FRR.
Cela justifie également le fait que le Gouvernement alimente rapidement le FRR, sans même attendre la reprise des discussions sur les régimes généraux au premier semestre 2008.
À la faveur de l'affaire EADS, on réentend de nouveau une petite musique – on l'a entendue il y a quelques instants, bien que, pour M. Fourgous, ce soit plutôt la grosse caisse – qui n'avait jamais complètement cessé, mais qui était heureusement moins écoutée jusqu'à ces temps derniers. Cet air, c'est le refrain de tous ceux qui s'opposent à l'idée même que l'État puisse détenir des parts de société intervenant dans le secteur concurrentiel. Ces appels à « en finir avec l'État actionnaire » posent deux questions.
La première est celle du rôle de l'entité supposée incarner l'État actionnaire, c'est-à-dire l'Agence des participations de l'État. Celle-ci avait été présentée, du temps de M. Mer, comme la principale réponse du Gouvernement aux problèmes rencontrés dans ce domaine et devait apporter le professionnalisme nécessaire en la matière. Pourtant, les auditions de la commission des finances sur l'affaire EADS ont mis en lumière des dysfonctionnements importants. Ceux-ci amèneront le groupe socialiste à procéder à une analyse critique du fonctionnement de l'État actionnaire et faire des propositions en la matière.
Le fonctionnement de l'APE n'est pas le seul à sembler poser problème. C'est également le cas de certaines des performances de l'Agence. J'ai déjà souligné tout à l'heure les mauvais résultats obtenus lors de la vente d'actions France Télécom en juin dernier. Je peux cependant également prendre l'exemple des crédits affectés à des prestations de services liés aux opérations de gestion des participations de l'État, notamment les commissions versées aux banques pour mener ces opérations. Comme en 2007, 100 millions d'euros sont prévus à ce titre, même s'ils ne devraient pas être intégralement consommés. En 2006 par exemple, ces crédits n'ont atteint que 24,3 millions d'euros.
On peut cependant s'interroger sur les cibles de performance indiquées dans ce domaine. Les indicateurs retenus dans le « bleu » portent tous sur le taux des commissions versées lors des opérations de cessions. Trois catégories d'opérations sont distinguées, selon les modalités des placements.
Or, pour 2008, les cibles sont exactement les mêmes que pour 2007. En outre, elles sont dans l'ensemble largement au-dessus des résultats obtenus depuis 2005. C'est notamment le cas pour les opérations conduites sous la forme de placements privés par construction accélérée de livres d'ordre. Le choix de ces cibles pour 2008 semble donc marquer un regrettable manque d'ambition dans le domaine de l'optimisation de ces dépenses.
C'est pour ces raisons qu'un amendement déposé sur le projet de loi de finances pour 2007 par le groupe socialiste demandait ainsi un projet annuel de performances et un rapport annuel de performances de l'APE. De tels documents sont d'autant plus nécessaires que les moyens de l'APE figurent dans l'ensemble assez disparate qu'est le programme « Politique économique et de l'emploi » de la mission « Pilotage de l'économie française ».
Certes, le rapport sur l'État actionnaire comprend, page 15, des indicateurs de suivi de la mise en oeuvre de la Charte de l'État actionnaire. Ceux-ci ne semblent cependant pas véritablement explicités et portent moins sur les performances de l'APE que sur son activité ou même celle des entreprises publiques elles-mêmes.
La deuxième question posée par ceux qui veulent la fin de l'État actionnaire est celle de la stratégie que le Gouvernement entend mener en la matière.
Certes, le projet annuel de performances rappelle qu'il serait « désavantageux d'afficher par avance une stratégie trop précise en indiquant, par exemple, la part d'une société que l'État est susceptible de céder, ainsi que son prix de cession ». Toutefois, il est normal que l'État dispose d'une stratégie claire dans son rôle d'actionnaire et que la représentation nationale en soit informée.
Cette stratégie implique notamment la définition du périmètre des actifs que le Gouvernement ne juge pas « stratégiques » – et dont des parts plus ou moins importantes peuvent donc être cédées le cas échéant. En d'autres termes, il me semble normal que le Gouvernement précise dès à présent les listes : premièrement, des entreprises dans lesquelles il estime que l'État doit conserver une participation ; deuxièmement, des entreprises dans lesquelles l'État devrait être un actionnaire majoritaire ; troisièmement, des entreprises dans lesquelles l'État devrait conserver plus de la moitié du capital.
Je suis curieux de savoir dans quelle catégorie vous rangerez les entreprises publiques essentielles pour les Français que sont EDF, GDF-Suez, AREVA, Safran, ou encore France Télécom.
Préciser ce qui constitue le « périmètre-cible » de l'État actionnaire est essentiel pour le Gouvernement. D'abord pour que le Parlement puisse en débattre. Ensuite, pour mettre fin à l'improvisation préjudiciable que j'ai évoquée antérieurement.
Le Gouvernement s'honorerait de répondre à quelques-unes de ces questions, et, en particulier, de définir les périmètres qu'il considère essentiels : là où l'État doit rester majoritaire ; là où l'État peut envisager des participations – parce qu'il ne considère pas les secteurs comme stratégiques.
Je pense que le Parlement a le droit, en ce début de législature, d'obtenir des précisions – c'est même pour vous un devoir, monsieur le secrétaire d'État, de les lui fournir – à l'occasion de l'examen des missions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)