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Intervention de Dominique Baert

Réunion du 14 novembre 2007 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2008 — Engagements financiers de l'État ; provisions ; remboursements et dégrèvements

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Baert, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, pour les engagements financiers de l'état :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme, mes chers collègues, il me revient de vous présenter les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » pour 2008. Ceux-ci s'élèvent à 42,4 milliards d'euros, ce qui représente, en valeur, la troisième mission du budget général, après les « Remboursements et dégrèvements » – 83,2 milliards d'euros – et l'« Enseignement scolaire » – 59,3 milliards.

D'entrée, monsieur le secrétaire d'État, je mettrai fin à tout suspense : sur ma proposition, la commission des finances a adopté ces crédits – sans modifications, mais non sans réserves, comme nous le verrons. Il est en effet de la responsabilité du rapporteur – fût-il de l'opposition – d'appeler à payer les intérêts de la dette de l'État ! Or, ceux-ci s'élevant à 40,6 milliards d'euros, représentent 96 % du total des crédits de la mission.

Cependant, le rôle du rapporteur est aussi de « rapporter », c'est-à-dire de vous communiquer ses appréciations, bonnes ou mauvaises. Je ne faillirai pas à mon devoir et vous dirai que l'examen de la mission « Engagements financiers de l'État », des crédits qui lui sont dévolus et de leur évolution, me conduit à exprimer une satisfaction – fût-elle relative – et à formuler trois réserves.

Ma satisfaction concerne le programme « Charge de la dette et trésorerie de l'État ». Je constate en effet, dans le rapport annuel de performances joint à la loi de règlement du budget de l'année 2006 adoptée en juillet dernier, qu'un bon nombre des objectifs assignés au gestionnaire de la dette – l'Agence France Trésor – ont été atteints. Les adjudications de titres ont ainsi été très largement couvertes, et le solde moyen du compte du Trésor à la Banque de France en fin de journée a été ramené à moins de 100 millions d'euros, l'État privilégiant des placements plus rémunérateurs. Cependant, cette satisfaction ne peut être qu'incomplète, d'autres objectifs n'ayant pas été remplis. J'en prendrai trois exemples.

En premier lieu, le taux d'annonce par les collectivités territoriales de leurs opérations financières supérieures à un million d'euros affectant le compte du Trésor a été de 92 %, ce qui n'est pas mieux qu'en 2004 et 2005, et reste inférieur à l'objectif de 95 %. Mais soyons francs : ce résultat n'est pas imputable au responsable du programme, mais à quelques « mauvais élèves » – si l'on veut bien me passer cette qualification – comme la Corse-du-Sud – que M. de Rocca Serra me pardonne ! (Sourires) –, la Haute-Corse ou les Vosges.

En deuxième lieu, le nombre d'incidents d'exécution des opérations de dette et de trésorerie a été supérieur aux prévisions, trente et un d'entre eux ayant dégradé le niveau du compte à la Banque de France. Néanmoins, comme il s'agissait pour l'essentiel de retards de règlement d'appels de marge, ils ont été de portée limitée.

Enfin, la durée de vie moyenne de la dette n'a pas été réduite : elle est toujours de 7 ans à la fin 2006, alors que l'objectif était de la ramener à 5,9 ans.

Reconnaissons toutefois, monsieur le secrétaire d'État, que, compte tenu de leur nature et de leurs conséquences limitées, ces phénomènes ne vous sont pas imputables – non plus, d'ailleurs, qu'à votre prédécesseur.

Il en va tout autrement des réserves que je formulerai à la suite de l'analyse des trois principaux programmes de la mission.

S'agissant du programme « Charge de la dette et trésorerie de l'État », force est de constater que cette charge est lourde, et qu'elle s'accroît de manière inquiétante. Je me bornerai à indiquer quelques chiffres, vous renvoyant pour les détails à mon rapport. Les besoins de financement de l'État passeront de 111 milliards d'euros en 2007 à 145 milliards en 2008, soit une hausse de 30,6 %. Pour y faire face, l'État devra émettre à moyen et à long terme près de 120 milliards d'euros en OAT et en BTAN – contre 102 en 2007 –, et augmenter d'encore 22 milliards son encours de dettes à court terme – les BTF. Au final, la charge de la dette – c'est-à-dire les intérêts que nous payons chaque année –, qui était de 38,4 milliards d'euros en 2006 et de 38,9 milliards en 2007, passe à 40,6 milliards en 2008. Si ce chiffre est déjà préoccupant en lui-même, la tendance l'est plus encore, l'augmentation étant de 0,1 % en 2006, de 1,3 % en 2007 et de 4,2 % en 2008 ! Bref, mes chers collègues, la dette de l'État dérape.

Cela nous conduit à réexaminer d'un oeil critique le passé récent. Je fais ici allusion aux chiffres communiqués fin 2006, lorsque, grâce à d'importantes cessions d'actifs privatisés – notamment les sociétés d'autoroutes –, aux diminutions de 26 milliards d'euros du solde du compte du Trésor à la Banque de France et de 29 milliards d'euros de l'encours des BTF à court terme, et, enfin, à la décision – judicieusement opportune – du Fonds de réserve pour les retraites d'acheter 2 milliards de titres d'État entre le 8 décembre 2006 et le 15 janvier 2007, on nous annonça une réduction appréciable – « sans précédent », disaient les commentateurs de l'époque – de la dette publique, celle-ci passant de 66,2 % du PIB fin 2005 à 64,2 % fin 2006. Tout cela intervenant, fort opportunément, à quelques mois d'échéances politiques majeures, afin, sans doute, de souligner les qualités de gestionnaire du gouvernement sortant.

J'entends déjà notre rapporteur général s'émouvoir de mes propos et se féliciter de ce qu'au contraire le Gouvernement ait vidé des trésoreries dormantes, et donc « optimisé » sa trésorerie. Mais, cher rapporteur général, ce même gouvernement se serait-il donc montré moins avisé par la suite – la dette ayant remonté à 65,4 % du PIB à la fin du mois de mars 2007 ? Et quel jugement porter sur le gouvernement actuel, sous lequel, à la fin juin 2007, elle atteint 66,6 % du PIB ?

Deux constats s'imposent. D'abord, sans aller jusqu'à porter une accusation, on ne peut dissiper un soupçon de manipulation. Sous la pression d'un rapport Pébereau alarmiste sur le niveau de la dette et d'un Gouvernement qui prenait « un engagement national de désendettement », vos prédécesseurs, monsieur le secrétaire d'État, devaient afficher des résultats, mais je crains qu'ils ne l'aient fait au détriment de la vérité. En effet – et c'est le second constat, quant à lui implacable –, la dette publique n'a jamais été aussi élevée qu'aujourd'hui ; et elle pourrait bien croître encore.

Puisque vous héritez de cette situation, monsieur le secrétaire d'État, je vous demanderai donc si vous pensez toujours tenir l'objectif de stabilisation de la dette publique à 64,2 % du PIB fin 2007. Ni l'évolution du déficit, inchangé, ni celle des taux d'intérêt, plutôt à la hausse, ni celle des cessions d'actifs, en forte diminution, ne paraissent rendre cet objectif accessible.

S'agissant maintenant du programme « Appels en garantie de l'État », celui-ci ne mobilise en 2008 que 288 millions d'euros. Sans commenter plus avant cette dépense, je souhaite attirer votre attention sur deux autres chiffres. Tout d'abord, les encours garantis par l'État s'élèvent à 100 milliards d'euros, soit plus du double du déficit public annuel, ce qui n'est pas neutre pour la situation financière de l'État. Dans l'année qui vient, j'entends analyser plus précisément ces garanties, leur contenu et leurs risques. Ensuite, les encours de garanties de l'assurance-crédit COFACE se montent à 42,9 milliards d'euros, contre 69,7 milliards en 2002 – soit une baisse de 40 % en cinq ans, qui ne peut manquer d'être corrélée à la dégradation de notre commerce extérieur durant la même période. Je suis certain, monsieur le secrétaire d'État, que vous y êtes attentif.

Au vu de ces chiffres, je vous poserai donc plusieurs questions.

Y aura-t-il de nouvelles garanties de l'État dans le prochain collectif budgétaire de fin d'année ? Est-il pertinent que le pays sur lequel nous ayons les engagements les plus importants soit la Suisse – 3,2 milliards d'euros d'encours ? Ne conviendrait-il pas de réexaminer la nature et le périmètre de notre système d'assurance-crédit, afin notamment de le muscler davantage en faveur des PME ?

S'agissant enfin du programme « Épargne », dans lequel figurent les primes versées par l'État aux détenteurs de plans d'épargne logement, mon rapport montre que les crédits inscrits à la loi de finances pour 2006 n'ont pas été suffisants pour couvrir les besoins ; d'où la nécessité, fin 2006, de procéder à un report de charges de 500 millions d'euros sur 2007. Bien que la Cour des comptes n'ait pas manqué de critiquer cette opération, les crédits pour 2007 demeurent insuffisants : le besoin de financement serait de 300 millions d'euros. Si rien n'est fait, les dettes de l'État à l'égard du Crédit foncier s'élèveront, à la fin de l'année 2007, à 800 millions d'euros. Et cela, je le répète, en dépit des critiques de la Cour des comptes ! Depuis deux ans, le Crédit foncier est ainsi devenu – sans l'avoir vraiment voulu – l'un des banquiers de l'État.

Aussi, monsieur le secrétaire d'État, je ne peux pas ne pas vous interroger sur les modalités et sur le calendrier de l'apurement de ces dettes de l'État, et notamment sur le fait de savoir si, dans la prochaine loi de finances rectificative, des crédits seront inscrits à cet effet. À quel taux, en particulier, sera rémunérée cette avance à l'État ? Jusqu'à présent, je n'ai pas obtenu de réponse à cette question.

Telles sont, chers collègues, les réserves et les remarques que je me devais d'exprimer même si, en responsabilité, je ne peux pas vous faire d'autre proposition que celle de voter le paiement des intérêts de la dette de l'État – un État qui a malheureusement su être manipulateur, je l'ai montré, mais qui, demain, s'il n'y prend garde, sera corseté par le poids de sa dette !

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