Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tandis que nous examinons aujourd'hui la mission « Sécurité » et le programme « Gendarmerie nationale », c'est le placement de l'arme sous la responsabilité du ministre de l'intérieur au 1er janvier 2009 qui alimente les conversations et suscite de nombreuses inquiétudes dans les communautés de brigades.
Avec ce budget, vous aviez l'occasion, sinon de répondre aux interrogations des gendarmes, du moins de leur envoyer un signal rassurant. Les attentes sont claires, nous les connaissons : il s'agit avant tout de la rémunération et des conditions de vie. Dans ce contexte, le logement est évidemment un point essentiel. C'est là que nombre de gendarmes, tout comme leurs familles, attendent un effort budgétaire. Les témoignages que nous recueillons et les visites que nous effectuons dans certains casernements – notamment celui de Quimper, que je m'excuse de citer – nous permettent d'en mesurer l'urgence.
Vous connaissez la situation et l'importance du chemin à parcourir pour la République. Un récent rapport du Sénat soulignait « les conditions de vétusté, d'insalubrité et d'humidité de certaines casernes ». De fait, l'état du parc domanial est aujourd'hui préoccupant. Plus de 70 % de ce parc a plus de vingt-cinq ans et l'on estime qu'il est nécessaire de remettre en état près de la moitié des casernes qui ont plus de quarante ans, soit 429 casernes sur 730, au cours des cinq prochaines années, ce qui représenterait un coût de l'ordre d'un milliard d'euros.
Certes, d'importants efforts ont été engagés ces dernières années, mais la plupart du temps, c'est par les collectivités locales que ces efforts ont été accomplis, au bénéfice du parc locatif de la gendarmerie. Or, l'État est loin d'être exemplaire dans le versement des loyers. J'ai d'ailleurs bien noté que lors de votre audition devant le Sénat, vous vous êtes engagée à ce que le budget 2009 permette de réduire les retards.
Pour ce qui est du parc domanial, l'État reste bien en deçà de son devoir et il n'est pas rare d'entendre des officiers reconnaître que « les crédits consacrés à l'immobilier ont servi trop souvent de variable d'ajustement par le passé ».
Qu'en est-il de ce budget ? Deux aspects doivent être distingués, bien qu'ils participent du même effort : la construction de bâtiments neufs, d'une part, et la réhabilitation des casernes existantes, d'autre part. Pour ce qui est des constructions neuves, le directeur général de la gendarmerie nationale, le général Gilles, auditionné par la commission des lois, nous a annoncé « la mise en chantier de 382 équivalents unités logements, ainsi qu'une opération sous financement AOT concernant une caserne située à Mulhouse et comprenant 70 équivalents unités logements ».
En revanche, en ce qui concerne la rénovation des logements existants, il nous semble que l'effort budgétaire s'étiole continûment depuis 2007. Ainsi, en 2007, on pouvait relever 694 opérations inscrites en programmation ; en 2008, on comptait encore 410 opérations de maintenance lourde ; pour 2009, je n'ai relevé que 36 prévisions de travaux et je partage donc l'avis de notre rapporteur lorsqu'il souligne que la tendance est à un effondrement dangereux des crédits.
Le constat est identique pour les opérations de réhabilitation, dont le rythme diminue également. Ainsi, on comptait 439 mises en chantier dans les casernes en 2008, contre seulement 140 en 2009. Pour ce qui est des livraisons, le constat n'est guère meilleur : 225 casernes concernées en 2008, contre seulement 113 en 2009.
Et que dire de l'entretien courant des bâtiments ? Il suffit d'interroger les gendarmes et leurs familles pour entendre parler de logements aux superficies dérisoires qui ne sont pas aux normes, de plafonds qui s'effritent, de fenêtres branlantes, d'absence d'isolation, d'un circuit de chauffage hors service depuis plus d'un an, de problèmes d'humidité, de recouvrement de plaques d'amiante, d'installations électriques datant d'un quart de siècle et souvent défaillantes. Comme vous le savez, madame la ministre, nombre de familles de gendarmes, lassées d'attendre, effectuent souvent elles-mêmes les travaux qui relèvent en principe de la responsabilité de l'État. Notre rapporteur a encore raison lorsqu'il note que les dotations prévues pour l'entretien des casernes ne représentent qu'un cinquième des moyens nécessaires.
Bref, ce ne sont pas les 141 millions d'euros que l'on trouve dans votre budget pour 2009 pour la construction et l'aménagement des casernes qui pourront suffire. C'est bien peu, au contraire, pour asseoir la crédibilité de la parole de l'État à un moment où les gendarmes craignent pour leur avenir, comme le rappelle, dans son éditorial de ce mois-ci, le rédacteur en chef de L'Essor de la gendarmerie, publication qui compte beaucoup de lecteurs au sein de l'arme.
C'est évidemment insuffisant au regard de ce que représente, dans le statut de ces militaires, la « concession de logement par nécessité absolue de service ». Loin de représenter un simple avantage, c'est pour eux une obligation que de vivre avec leur famille sur leur lieu de travail. C'est d'ailleurs un élément essentiel du fonctionnement de la gendarmerie, que vous rappelez à bon droit dans le projet de loi relatif à la gendarmerie que notre assemblée étudiera l'an prochain. C'est même une condition de son efficacité par sa nécessaire disponibilité à tout moment, comme cela est écrit dans le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances.
Voilà pourquoi, madame la ministre, ces crédits sont très regardés, et voilà pourquoi laisser la déliquescence des infrastructures se poursuivre serait, dans l'esprit de nombre de gendarmes et de parlementaires, laisser entendre que leur statut militaire est peut-être lui-même menacé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)