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Intervention de Delphine Batho

Réunion du 4 novembre 2008 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2009 — Sécurité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine Batho :

…diminution des investissements : voilà les prévisions pour 2009.

Madame la ministre, nous reconnaissons bien volontiers que votre tâche n'est pas facile et que le Président de la République ne vous la facilite pas. Non seulement vous héritez du bilan, qui n'est pas aussi reluisant qu'on veut bien le dire, de votre prédécesseur place Beauvau, mais celui-ci, désormais Président de la République, vous confie la mission impossible de lutter contre l'insécurité avec des moyens en baisse.

Ainsi la LOPPSI 2, dont nous attendons la présentation depuis plus d'un an, est devenue une véritable Arlésienne. Ce qui est désormais à l'ordre du jour, c'est la suppression de 6 000 postes de gradés et de gardiens d'ici à 2012 dans la police et celle d'au moins 3 000 postes dans la gendarmerie d'ici à 2013. Sous l'impulsion du Président de la République, ancien ministre de l'intérieur, l'actuelle majorité parlementaire aura donc infligé, en dix ans, un sévère mouvement de yo-yo aux forces de sécurité, la LOPPSI 2 prévoyant de défaire ce qu'avait fait la LOPSI 1.

J'ajoute que vous faites une mauvaise manière aux parlementaires en leur demandant de se prononcer sur un projet de loi de finances dont vous leur dites qu'il correspond à la première année d'exécution d'une loi de programmation qu'ils n'ont pas examinée. Il en va de même pour le projet de loi relatif à la gendarmerie : vous nous demandez de voter les crédits qui organisent le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur au 1er janvier prochain, alors qu'il est peu probable que ce texte aura été discuté et adopté d'ici là.

Compte tenu de ces atermoiements, nous vous demandons, madame la ministre, de prendre l'engagement que le projet de LOPPSI sera déposé sur le bureau du Parlement avant la fin de cette année.

Le projet de budget pour 2009 nous offre aussi l'occasion de débattre, pour la première fois depuis votre nomination place Beauvau, des orientations stratégiques de la politique de sécurité.

Nous savons tous, ici, que ce n'est pas parce qu'elle ne fait plus l'ouverture des journaux de 20 heures que l'insécurité a disparu. Les Français qui subissent au quotidien les violences savent ce qu'il en est des bulletins de victoire statistiques brandis par les ministres !

Il y a, à nos yeux, deux urgences. La première, c'est le rétablissement de la sécurité dans les banlieues. Vous avez hérité, madame la ministre, du partage territorial organisé par votre prédécesseur, car, tout au long des dernières années, les quartiers populaires ont été abandonnés à une délinquance endurcie. Trois ans après les émeutes de novembre 2005, la tension reste latente. Les violences urbaines graves se succèdent : Romans-sur-Isère, Saint-Dizier, Cergy, Grigny, Villiers-le-Bel, Vitry-le-François... Ces violences surgissent même désormais en plein Paris, qu'elles soient le fait des bandes qui déferlent gare du Nord et au Champ de Mars ou de celles qui s'affrontent dans le 19e arrondissement. Chaque jour qui passe apporte son lot de tensions, de dégradations, de règlements de comptes, de scènes de guérilla urbaine et d'ultraviolence, où la volonté de blesser des policiers est de plus en plus manifeste.

Face à cette situation, vous avez eu le courage d'impulser un changement de doctrine, au grand dam de ceux qui, dans votre majorité, ne juraient que par une revanche idéologique sacrifiant toute ambition en matière de police de proximité.

Vous avez ainsi annoncé, au mois de janvier dernier, la mise en place des unités territoriales de quartier. Cette décision allait dans le bon sens. Malheureusement, à y regarder de plus près, ce dispositif n'est pas à la hauteur des enjeux.

Qualitativement, d'abord, puisque les UTEQ consistent seulement à ajouter dans une circonscription de police quelques effectifs supplémentaires chargés de faire de l'îlotage. Le Gouvernement n'a pas fait le choix de revoir l'organisation d'ensemble des forces de police dans les quartiers autour d'une stratégie territoriale.

Quantitativement, ensuite, puisque la création des UTEQ reste en fait homéopathique. Elles ne sont que huit à ce jour, ce qui est bien dérisoire au regard des 750 zones urbaines sensibles. Vous en promettez cent à l'horizon 2011, ce qui signifie que les UTEQ ne mobiliseront guère plus de 2,5 % des effectifs de la sécurité publique.

Par ailleurs, la création des compagnies de sécurisation prouve que vous ne croyez pas vous-même à l'efficacité des UTEQ. On peut en effet s'interroger sur la redondance d'un tel dispositif, puisque ces nouvelles compagnies vont s'ajouter aux brigades anti-criminalité, aux compagnies d'intervention et aux CRS. Il aurait été plus logique de réformer les structures existantes que d'organiser cet empilement, qui n'est pas indolore pour le contribuable étant donné que chaque nouvelle compagnie de sécurisation coûtera 5 millions d'euros.

Ensuite et surtout, la création de ces nouvelles compagnies témoigne d'un choix politique subreptice. En effet, plus de 50 % des renforts de policiers dont vous annoncez le redéploiement dans les banlieues seront en réalité affectés à ces compagnies départementales, et non aux unités territoriales qui sont au contact de la population. Vous avez ainsi choisi de mettre l'accent sur l'illusion du maintien de l'ordre à court terme, plutôt que sur l'action ferme en profondeur contre la délinquance. Nous y voyons un renoncement, que résume très bien un syndicaliste policier lorsqu'il déclare : « On va au contact avec l'ordre de ne pas envenimer les choses. On cherche juste à maintenir le couvercle sur la cocotte-minute ».

Or cette politique qui consiste à maintenir le couvercle sur la cocotte-minute ne peut pas marcher, madame la ministre. La militarisation croissante des forces de sécurité intervenant en banlieue ne conduira pas au retour de la sécurité. Drones, hélicoptères, lunettes de protection : l'inflation des moyens techniques montre où nous en sommes. Les forces de l'ordre sont équipées comme pour des scènes de guerre et les banlieues traitées comme un territoire extérieur à la République. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Ce n'est pas de cette façon que l'État pourra reconquérir les zones de non-droit.

Mais s'opposer, chers collègues, c'est aussi proposer. Tout n'a pas été essayé, en effet, pour endiguer l'insécurité endurcie qui sévit dans les banlieues.

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