Madame la présidente, madame la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, mes chers collègues, comment ne pas saluer d'abord le travail remarquable accompli au cours de ces dernières années par la police et par la gendarmerie sous l'autorité du ministre – ou, pour être plus précis, des ministres successifs – de l'intérieur ?
Ainsi donc, la loi d'orientation et de programmation de la sécurité intérieure, dite LOPSI, n'a pas été une simple déclaration d'intention. Elle a surtout été un engagement fort envers les Français, en même temps qu'une marque de confiance dans les services de sécurité.
Les engagements pris en 2002 ont été scrupuleusement honorés tant par le Parlement que par le Gouvernement. Le premier a voté les crédits et adopté les lois qui en découlaient. Je pense en particulier aux lois Perben et, plus récemment, à la loi sur les multirécidivistes. Le second a mis en oeuvre toutes les mesures annoncées : mise à niveau des moyens de fonctionnement et des effectifs, renforcement de l'immobilier, pour lequel les programmes sont allés au-delà des crédits initialement annoncés, réorganisation des corps, des rémunérations et des carrières, modernisation des méthodes et généralisation de la police scientifique, rapprochement de la police et de la gendarmerie, unification progressive de leur gestion et de leur commandement sous la seule autorité du ministre de l'intérieur, redéploiement des zones de compétence des deux forces…
Jamais tant de mesures n'avaient été prises en si peu de temps. Les résultats sont là. Entre 2003 et 2007, les effectifs de police sont passés de 132 400 à 148 000, et ceux de la gendarmerie de 96 700 à 100 700 ; la délinquance générale, qui avait augmenté de 18 % pendant les cinq années du gouvernement Jospin, a baissé de 13 % les cinq années suivantes ; la délinquance de proximité a suivi la même évolution, augmentant de 10 % sous la gauche, puis baissant de 30 % depuis 2003 ; en cinq ans, le taux d'élucidation est passé de 26 à 36 %, et le nombre des affaires traitées non à la suite d'un dépôt de plainte mais à l'initiative des services eux-mêmes a progressé de près de 40 %.
Ce bilan est d'abord celui des policiers et des gendarmes. Il faut leur en donner acte. Mais il importe de poursuivre cet effort. Ce sera tout l'enjeu de la LOPPSI 2, dont le Parlement attend impatiemment d'être saisi. Et c'est, dès aujourd'hui, l'enjeu du projet de budget pour 2009 qui nous est soumis.
Nous avons tous conscience, madame la ministre, que le défi qu'il nous faudra relever ensemble est singulièrement difficile. La LOPSI 1 avait pour objectif d'inverser une tendance défavorable en mobilisant des moyens renforcés. La LOPPSI 2 visera à confirmer une tendance favorable, mais avec des moyens plus limités, en particulier avec moins d'effectifs.
Cet effort de maîtrise est un exercice délicat, mais nul n'aurait compris que les services de sécurité soient exonérés d'une contrainte qui s'impose à toutes les autres administrations. Pour autant, nul n'accepterait que cette évolution s'effectue au détriment de la sécurité des citoyens. Il faudra donc rechercher constamment tous les moyens d'optimiser les ressources. Et c'est cette recherche qui devra devenir le moteur de l'efficacité croissante des services. En d'autres termes, notre plus beau défi collectif sera de faire de la contrainte budgétaire non pas un handicap, mais un atout.
En toute hypothèse, ceux qui avaient cru voir dans la loi organique relative aux lois de finances, dite LOLF, un jouet entre les mains des technocrates se sont lourdement trompés : c'est au contraire un instrument puissant de mobilisation de toutes les énergies.
Venons-en aux chiffres. En 2009, les crédits de paiement de la mission « Sécurité » continueront à augmenter – on annonce une croissance de 2,2 % –, mais, pour la première fois depuis bien longtemps, les autorisations d'engagement resteront quasiment stables : elles diminueront, en effet, de 0,5 %. Les effectifs seront réduits : on comptera 2 383 policiers et 1 625 gendarmes en moins, soit une baisse totale de 4 008 agents. Entre 2009 et 2011, la compression des effectifs devrait atteindre 7 000 agents. Justifiée par la raison de principe que j'ai indiquée, cette évolution est aussi rendue inévitable par le poids croissant des pensions de retraite qui entrent dans la masse salariale.
Sur les 16,23 milliards d'euros que représente la mission « Sécurité », 13,9 milliards – soit 85,5 % – sont consacrés à la masse salariale, dont 4,9 milliards aux pensions de retraite, charge qui augmente de près de 10 % par an. De ce point de vue, la situation du ministère de l'intérieur illustre une évidence qui s'impose désormais à toute la fonction publique : s'il veut éviter l'alourdissement des prélèvements obligatoires, l'État ne pourra supporter le poids des pensions de ses retraités qu'en diminuant significativement le nombre de ses actifs.
Les autres postes de dépenses appellent moins de commentaires. La modernisation des équipements et de l'immobilier, et la revalorisation et l'harmonisation des rémunérations – protocole « corps et carrières » dans la police nationale ; PAGRE, c'est-à-dire plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées, dans la gendarmerie – se poursuivent. La restructuration des services de renseignement s'achève. La priorité à la police scientifique se confirme. La sécurité publique continue à se réorganiser, avec l'allégement des compagnies républicaines de sécurité et la création, dans les départements urbains, de compagnies de sécurisation et d'unités territoriales de quartier.
Je souhaite toutefois insister sur quatre points.
Le nombre des adjoints de sécurité a diminué au cours des dernières années, passant de 15 700 à 10 000 entre 2001 et 2008. Leur utilité pour la marche des services et pour leur rapprochement avec la population n'est pourtant contestée par personne. Et, dans les temps de crise économique et d'incertitude sociale où nous entrons, élargir leurs contingents de recrutement permettrait d'ouvrir une perspective d'emploi aux jeunes des quartiers, qui en ont tant besoin.
Deuxièmement, et bien qu'il soit trop tôt pour entreprendre une évaluation précise des redéploiements entre police et gendarmerie, je suis frappé par le fait que la décroissance de la délinquance générale et de la délinquance de proximité soit sensiblement plus rapide dans les soixante-six départements concernés que dans les autres. Il est révélateur aussi que l'augmentation des taux d'élucidation y soit également plus marquée. Si ces premières constatations étaient confirmées, il serait important de tout faire pour éviter que ces mesures de redéploiement, coûteuses dans un premier temps mais efficaces dans la durée, soient freinées par les restrictions budgétaires, car il s'agit assurément d'un excellent investissement.
Troisièmement, la mutualisation des moyens de la police et de la gendarmerie procède de la simple logique. Les commandes groupées, l'utilisation commune de certains équipements comme les garages et les salles d'entraînement, les formations partagées permettent d'économiser les deniers publics et de rapprocher les hommes. Une question majeure se pose toutefois : jusqu'où peut-on mutualiser sans compromettre la séparation de deux forces dont nous voulons tous qu'elles restent fondamentalement distinctes ? S'il est essentiel d'améliorer la gestion des services, il est tout aussi important de conserver et de valoriser l'identité propre de chacune. Il est important aussi d'entretenir, voire de stimuler l'émulation qui doit les animer dans cet incessant combat contre une délinquance constamment renouvelée.
Quatrièmement, les gardes statiques immobilisent, police et gendarmerie confondues, près de 4 000 emplois. C'est considérable et, disons-le clairement, excessif. Il n'est pas question de faire l'impasse sur les menaces dont peuvent faire l'objet les principales institutions publiques et certaines ambassades. Mais est-il légitime que la gendarmerie nationale soit obligée d'immobiliser plus de 500 militaires pour assurer la sécurité quotidienne du seul palais de justice de Paris ? Le sujet est délicat, mais les nouvelles responsabilités que la Constitution donne au Parlement en matière de contrôle et d'évaluation conduiront l'Assemblée à y regarder de plus près.
Je terminerai par une réflexion de caractère général. La délinquance diminue. C'est bien. Mais il arrivera un moment où, atteignant son étiage, elle ne baissera plus. Les observations qu'on peut faire sous toutes les latitudes et à toutes les époques montrent en effet qu'il existe dans toute société un niveau malheureusement incompressible de déviances. Nous n'y sommes sans doute pas encore.