Il pourrait être utile de rappeler rapidement l'historique de cet amendement « de portée purement juridique ».
On pourrait par exemple rappeler que, le 1er août 2007, Nicolas Sarkozy a adressé à Christine Albanel, ministre de la culture, une lettre de mission qui stipulait : « À partir d'une étude définissant nos objectifs selon les différentes parties du monde, vous élaborerez un schéma de réorganisation et de rationalisation des instruments de la politique audiovisuelle extérieure ». On pourrait rappeler aussi que, le 27 août, soit un peu plus tard, la lettre de mission adressée cette fois par Nicolas Sarkozy au ministre des affaires étrangères, Bernard Kouchner, lui demandait de « créer les conditions d'un pilotage coordonné efficace de notre politique audiovisuelle extérieure (radio, télévision et Internet) et de procéder aux réorganisations nécessaires ». En outre, le 28 novembre 2007, le rapport remis par Jean David Levitte et Marc Georges Benhamou, tous deux conseillers techniques de Nicolas Sarkozy, précisait l'exigence d'un groupement d'intérêts économiques.
Ce qui apparaît finalement derrière cet amendement « purement juridique » est la mise en place d'une holding qui chapeaute TV5 et ses 320 salariés, France 24 et ses 430 salariés environ et RFI et ses quelque 1 000 salariés. Cette holding dénommée « France Monde » est destinée à prendre en charge l'administration, les ressources humaines et les finances, ainsi que la commercialisation et la distribution.
En dernière analyse, on peut tout de même se poser quelques questions quant à l'objectif recherché, compte tenu notamment du fait que les salariés de France 24, contrairement à ceux de TV5 et de RFI, ne bénéficient pas de la convention collective de l'audiovisuel public. Il s'agit donc de faire sortir 1 000 salariés de RFI et environ 320 salariés de TV5 des conventions collectives de l'audiovisuel public pour les soumettre à une sous-convention, comparable à celle qui s'applique à France 24. On voit bien qu'il s'agit là, en fait, d'un coup important porté aux conventions collectives. L'objectif recherché est, comme chacun sait, d'opérer des réductions budgétaires. De fait, le rapport évalue même à 20 millions d'euros l'économie nécessaire.
Je rappelle que France 24 n'est pas une chaîne publique, puisqu'elle est détenue à moitié par TF1 – quelle surprise ! – et à moitié par France Télévisions. TF1 deviendrait ainsi décisionnaire par le biais de France 24. Madame la ministre, TF1 doit-elle devenir décisionnaire sur l'ensemble de l'audiovisuel public ? Il faut nous poser la question de l'indépendance, notamment éditoriale, de cette holding et nous interroger sur les conséquences de ce dispositif en termes de recettes publicitaires.
Finalement, derrière tout cela, par le biais d'un tout petit amendement juridique, on fait tranquillement passer – ou du moins on conforte – la mainmise de TF1 sur l'audiovisuel public.
Sans doute ces remarques provoqueront-elles encore des réactions courroucées. Car enfin, vous mettez le doigt dans le pot de confiture, mais il faut surtout le cacher ! Couvrez ce sein que je ne saurais voir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Exclamations sur divers bancs.)