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Intervention de Lionel Tardy

Réunion du 3 juin 2008 à 9h30
Questions orales sans débat — Conséquences de la présence du loup en france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLionel Tardy :

Je vous en remercie.

Madame la secrétaire d'État, je souhaite vous interpeller sur les problèmes grandissants posés par la présence du loup en France.

Arrivé sur le territoire national en 1992, le loup n'a cessé d'accroître sa présence dans les Alpes ; il commence à être signalé dans le Massif Central, et il risque de gagner les Pyrénées dans quelques années.

La croissance exponentielle de la population de loups se remarque au nombre d'attaques qui augmentent tous les ans et se produisent de plus en plus tôt dans la saison. En Haute-Savoie, la première a eu lieu le 3 mai et nous en sommes déjà à six, dont au moins trois sont imputables au loup. En 2007, il y en a eu 287 dans le département. Fait nouveau, deux ont concerné des bovins, alors que les loups ne s'attaquaient jusqu'alors qu'à des ovins.

Il est évident que nous avons changé de dimension, et que les réponses des pouvoirs publics ne sont plus adaptées. Les indemnisations financières pouvaient compenser les pertes en cas d'attaques ponctuelles et isolées ; elles ne le font plus en cas d'attaques répétées. Il y a, dans ces cas, un préjudice financier, moral et affectif trop souvent ignoré, voire nié.

Ce sentiment de déni est renforcé par l'attitude de l'administration qui semble chercher systématiquement à minimiser la responsabilité du loup dans les attaques. Cette position n'est plus tenable, surtout quand une vache de plusieurs centaines de kilos est attaquée et traînée sur plusieurs dizaines de mètres, avec cinquante kilos de viande prélevés. Même dans ce cas-là, l'administration classe l'incident en catégorie « loup non exclu », alors qu'elle devrait, au contraire, le classer en « loup probable ».

Cette prolifération du loup est lourde de conséquences économiques pour l'élevage, mais aussi pour le tourisme de montagne. Si les bergers ne peuvent plus emmener leurs bêtes en altitude, personne n'assurera plus l'entretien de ces espaces, et les risques d'avalanche vont fortement augmenter. Les randonneurs seront confinés dans des sentiers balisés et protégés, avec interdiction d'en sortir sous peine d'être attaqués par les chiens patou. De nombreux procès sont en cours concernant des morsures par chiens patou.

Sur cette question des loups, il est nécessaire de passer à la vitesse supérieure. L'effarouchement étant largement inefficace – j'ai pu le constater moi-même –, il faut pouvoir procéder aux tirs et aux prélèvements plus rapidement. L'an dernier, six prélèvements ont été autorisés, deux seulement ont été effectués. L'arrêté pour la saison 2007-2008, pris le 13 avril 2007, est caduc depuis le 31 mars dernier. Nous attendons toujours celui de la saison 2008-2009. Cette situation, qui place les éleveurs et le préfet dans l'impossibilité de mettre en oeuvre des tirs de défense ou des prélèvements, ne peut perdurer, alors même que tous les troupeaux sont déjà en alpage.

Un assouplissement apparaît bien dans le projet présenté en « groupe national loup » du 23 avril, concernant les possibilités ouvertes dans les UA1, nouveau type d'unité d'action réservé aux zones où la présence du loup est attestée depuis au moins cinq ans. Ce délai est requis pour considérer que la persistance d'attaques justifie une mise en oeuvre des moyens de protection s'avère insuffisamment efficace. Cependant, il apparaît bien long. Un délai de trois ans semble plus adapté à la diversité des situations existantes dans l'arc alpin. L'assouplissement pourrait alors bénéficier à la Haute-Savoie où la présence permanente du loup est attestée depuis 2004, et où certains éleveurs se sont découragés et ont abandonné les alpages.

Par ailleurs, l'effarouchement préalable, tel que décrit dans ce projet, est toujours incompris des éleveurs. Ils considèrent ce préalable comme inefficace, source de nuisances sonores et visuelles inutiles si, au bout du compte, on ne peut éliminer le prédateur. Ils sont alors tentés de le mettre en oeuvre « pour la forme », ce qui en diminue encore l'efficacité et l'utilité.

Concernant l'indemnisation des dommages aux troupeaux, une simplification des procédures mises en oeuvre par diverses structures telles que la direction départementale de l'agriculture et de la forêt et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, serait de nature à simplifier et fluidifier le circuit des dossiers, et permettrait de raccourcir les délais d'indemnisation pour les éleveurs. Je propose que l'on puisse s'appuyer sur des organismes locaux en charge du pastoralisme, comme la Société d'économie alpestre pour le département de la Haute-Savoie, qui pourraient, sur délégation du ministère, payer directement les éleveurs, dès validation par le préfet.

Dans un département comme la Haute-Savoie, de nombreux bovins montent en alpage. En 2007, une attaque avérée de bovin a suscité un grand émoi auprès de la profession agricole et des élus ; cela risque de se reproduire. Or le dispositif existant ne permet pas de contractualiser des mesures de protection pour des bovins. Seuls les crédits d'urgence le permettent, ce qui est très limitatif.

Enfin, il semble nécessaire de réévaluer le barème d'indemnisation pour les caprins laitiers, car il ne correspond plus à la valeur réelle des animaux et des pertes induites pour ces élevages souvent spécialisés dans les produits fermiers de qualité en circuit court.

Le loup ne doit plus être regardé comme une espèce en danger, nouvelle en France, mais plutôt comme une espèce en bonne santé et en forte expansion. Ainsi, son classement dans l'annexe 3 de la Convention de Berne de 1979, comme espèce totalement protégée, n'apparaît plus justifié. Il faudrait donc demander officiellement le déclassement du loup de l'annexe 3 à l'annexe 2 de la Convention de Berne, comme la Suisse, la Norvège et la Finlande l'ont déjà fait.

Le « comité loup » vient seulement de se réunir, le 28 mai, alors que des attaques ont eu lieu, sans que les éleveurs aient le droit d'agir, faute d'autorisations. Le risque est grand de les voir procéder à des tirs hors de tout cadre légal ou a des empoisonnements. Je souhaiterais donc savoir ce que vous entendez mettre en oeuvre pour contenir le loup et permettre au pastoralisme et aux activités touristiques de se poursuivre dans de bonnes conditions.

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