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Intervention de Alain Vidalies

Réunion du 6 mai 2008 à 21h30
Réforme de la prescription en matière civile — Article 1er, amendements 20 25

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Vidalies :

Nous abordons une question essentielle de notre débat. Je ne rappellerai pas l'historique de ce qui s'est passé au Sénat, toujours est-il qu'il y a aujourd'hui une tentative de réparation de ce qui peut être considéré, au choix, comme un oubli ou comme le résultat d'une volonté délibérée. Tout le monde s'accorde sur l'idée que la réparation doit porter sur l'ensemble de la période du préjudice. Restent deux questions.

La première, qui peut s'exprimer très simplement – encore faut-il que le Gouvernement et la commission le fassent –, est de savoir si la nouvelle législation modifie la nature de la réparation, puisqu'il n'est question dans le texte que de dommages et intérêts alors qu'actuellement, la réparation de la discrimination va plus loin et peut comprendre, par exemple, un repositionnement ou une reclassification. Afin que personne ne soit tenté de tirer profit de cette incertitude, il serait bon que le Gouvernement nous précise que cela ne change pas – je ne pense pas que cela puisse poser de difficultés.

La deuxième question, plus complexe, concerne le point de départ du délai de prescription. Le problème n'est pas que le délai soit de cinq ans ou de dix, mais que vous introduisiez dans le code civil le concept de « révélation ». Même en cherchant, je n'ai pas trouvé dans le code civil d'autre exemple de ce terme, qui a plus sa place dans des ouvrages théologiques ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) En tant que législateurs, nous devons éviter de recourir à des termes qui n'ont rien de juridique. Vous nous expliquez que la Cour de cassation a employé ce terme : certes, mais une fois seulement, et en donnant une explication. Le législateur est-il tenu de le reprendre, malgré les exigences de clarté qui pèsent sur lui ? Que vont comprendre nos concitoyens à la lecture d'un code civil où il serait question d'une « révélation » ?

Le débat n'est pas que sémantique. En page 19 de votre rapport, monsieur Blessig, vous écrivez que « dans l'hypothèse d'une action exercée par un salarié en réparation d'une discrimination dont il s'estime victime, ce salarié pourra agir une fois qu'il aura eu connaissance effective de tous les éléments lui permettant d'exercer son droit, c'est-à-dire lorsqu'il aura eu entre ses mains l'ensemble des documents permettant d'établir qu'il a été victime de cette discrimination. » Nous en sommes absolument d'accord, et ne disons d'ailleurs pas autre chose.

Seulement, à la page 21 du rapport, les choses se compliquent. Voici en effet ce qu'on peut y lire : « Votre rapporteur souligne que la “révélation” n'est pas la simple connaissance de la discrimination par le salarié ; elle correspond au moment où il dispose des éléments de la comparaison mettant en évidence la discrimination. Tant que le salarié ne dispose pas d'éléments probants, la discrimination ne peut pas être considérée comme révélée… »

Monsieur le rapporteur, au vu de ces deux phrases, il apparaît clairement que vous allez ouvrir une brèche à tous ceux qui souhaiteront opposer la prescription à une action. Avec la « révélation » et les « éléments probants », vous introduisez une nouvelle notion qui prêtera à interprétation. Nous avons le sentiment que vous organisez une confusion que beaucoup tenteront d'exploiter.

La solution est extrêmement simple. Puisque le Gouvernement nous explique qu'il veut simplement modifier le délai sans changer aucune des conditions en vigueur, il suffit de reprendre la seule rédaction qui vaille, à savoir celle qu'il a lui-même utilisée dans ses explications et que l'on retrouve dans le rapport. C'est du reste le texte issu de l'explication donnée par la Cour de cassation et que nous avons repris dans nos amendements, M. Vaxès et nous-mêmes. Nous sommes au coeur du débat, il importe que l'action en réparation du préjudice commence à courir à partir du moment où le salarié discriminé a pu en connaître l'ensemble des éléments. Seule cette formulation apaisera les craintes que ce texte pourrait faire naître. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

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