Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, réformer le droit de la prescription pouvait être un objectif partagé, dès lors que notre pays se caractérisait, jusqu'à aujourd'hui, par un délai de droit commun particulièrement long, à savoir trente ans, et par une multitude de textes dérogatoires ou spécifiques instituant deux cent cinquante régimes de prescription particuliers.
Les principales initiatives préalables à la présente proposition de loi furent, tout d'abord, une proposition de réforme du droit des obligations, élaborée par un groupe d'universitaires qui, dans un chapitre relatif à la prescription, retenait le principe d'un délai de droit commun ramené de trente ans à trois ans ; vinrent ensuite les travaux issus des différents rapports de la Cour de cassation qui préconisaient un délai de droit commun de dix ans.
Cette dernière proposition semblait faire consensus et avait abouti, le 13 juillet 2006, au dépôt, par les ministres Thierry Breton et Jean-François Copé, d'un projet de loi dont l'article 1er visait à habiliter le gouvernement à modifier par ordonnances les règles relatives à la prescription civile, notamment en limitant à dix ans le délai de droit commun. Cette réforme avait l'assentiment de tous et nous ne pouvons que regretter le choix fait par le Sénat puis, semble-t-il, par la majorité et le Gouvernement, d'abandonner cette proposition commune au profit d'une prescription générale de cinq ans.
Selon les arguments avancés par les promoteurs de cette nouvelle réforme, elle a principalement pour objet d'harmoniser le droit français avec celui des autres pays européens, et de répondre aux exigences du droit des affaires dans une économie mondialisée.
En ce qui concerne le premier argument, la démonstration qui s'appuie sur des comparaisons européennes n'est pas totalement probante. Certes, l'Allemagne pratique un délai de prescription de droit commun de trois ans, mais assorti de nombreuses exceptions. Ce délai est de six ans au Royaume-Uni mais, là encore, les exceptions existent : la plus notable concerne les créances nées d'un acte formel pour lesquelles le délai de prescription est porté à douze ans. L'Italie et la Suisse ont un délai de prescription de droit commun de dix ans ; il est de quinze ans en Espagne et, au Luxembourg, comparable à celui en vigueur dans notre droit positif.
Si le délai de droit commun de trente ans pouvait apparaître comme une singularité française, le choix d'un délai de dix ans semblait manifestement être celui qui correspondait le mieux à l'objectif partagé d'une harmonisation.